mercredi 5 mars 2025

Tante Dimity et le chantier maudit (Les mystères de Tante Dimity #3) - Nancy Atherton.

Aunt Dimity digs in (Aunt Dimity Mysteries #3)
, Penguin Books, 1998 - Seuil Editions, Label Verso (trad. d'A. Demoulin & N. Ancion), 2025.
 
    Avec la naissance de ses jumeaux, Lori Shepherd est plongée jusqu'au cou dans les purées de carotte et les biberons. Heureusement, une belle nounou italienne a été appelée en renfort au cottage des Cotswolds. Car Lori doit aussi tenter de régler la guerre civile locale déclenchée par les mystérieuses fouilles d'un archéologue.
    Lorsque ce dernier finit par déterrer bien plus que de simples vestiges, Lori décide de mener l'enquête avec Reginald, son fidèle lapin en peluche rose, et le carnet bleu de Tante Dimity. Son fantôme détient peut-être la clé des secrets enfouis de la petite bourgade de Finch...

Le troisième tome de la série d'enquêtes plus cosy que mystery, best-seller depuis 30 ans aux Etats-Unis ! 
 
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    Il y a peu, on vous parlais du tome 2 de la désormais célèbre série des Mystères de Tante Dimity, cosy murder au croisement du fantastique et de la carte postale anglaise, best-seller outre-Atlantique depuis trois décennies. Plus portée sur le réalisme magique que les crimes de sang, l'autrice Nancy Atherton avait démontré dans les deux premiers titres son talent pour tisser des intrigues surtout axées sur les secrets de famille. Nous étions curieux de voir s'il s'agissait-là d'une constante dans la série ou d'un pure hasard, aussi avions-nous hâte de découvrir ce Chantier maudit !
 

    On avait quitté Lori enceinte jusqu'au cou, on la retrouve mère heureuse (mais surtout fatiguée) des adorables (et très casse-cou) Will et Rob. Paniquée à l'idée qu'il puisse leur arriver quelque chose, la jeune maman passe son temps à anticiper le moindre danger, verrouiller la moindre porte, protéger le moindre angle de table basse. Plus sécurisée que le Pentagone, le cottage de feu Tante Dimity n'en ressemble pas moins à un véritable champs de bataille. Par chance, Lori se voit proposer les services de la nounou parfaite : Francesca Sciaparelli, fille d'un soldat italien arrivé au village pendant la Seconde Guerre mondiale et l'une des nombreuses enfants de cœur de Dimity. Dotée d'un véritable don pour les bébés, la jeune femme fait très vite le bonheur de la famille. Mais Lori étant apparemment destinée à n'être jamais tranquille, une drôle d'affaire secoue bientôt le village. Adrian Culver, un jeune archéologue, a investi les locaux de l'école pendant qu'il effectue des fouilles dans le Champs des Bas Morceaux, d'où il aurait déterré des vestiges antiques. Les découvertes, prometteuses, risquent de le faire s'attarder au village alors que Peggy Kitchen, sorte de double anglais de Mrs Olsen, espérait profiter des murs de l'école pour sa traditionnelle fête des moissons. L'insupportable rombière mène une véritable cabale contre l'archéologue et contre le changement que sa trouvaille promet au village : le tourisme ! Ajoutez à cela une vieille querelle de clocher avec la propriétaire du salon de thé, désireuse de profiter de la publicité, et un vol commis chez le pasteur, et vous obtiendrez un réjouissant micmac comme seule la campagne anglaise semble en connaître.

 
    On doit reconnaitre être vraiment tombé sous le charme de Tante Dimity avec ce nouvel opus. Malgré nos doutes à la lecture du premier tome, le regain d'intérêt provoqué par le deuxième avait laissé présager une continuité prometteuse. On ne pouvait être plus satisfait. Nancy Atherton parvient à se renouveler sans s'éloigner de la mythologie instaurée depuis La mort de Tante Dimity : pas de sang, pas de cadavre, pas de réelle enquête policière, mais du cosy mystery quand même, le tout servi avec douceur et quelques pâtisseries. La thématique du secret de famille, bien qu'elle resurgisse en fin d'intrigue, n'est pas la première intention de la romancière pour cette nouvelle enquête. En effet, dans Le chantier maudit, Nancy Atherton raconte les tensions et les secrets qui animent les petits villages, ceux habités depuis des générations par les mêmes familles, ceux où tout le monde se salue respectueusement mais se déteste cordialement, bref, l’archétype du village anglais tel qu'on le croise chez Agatha Christie. Comment disait la Reine du Crime, déjà ? Ah, oui, "Il n'y a pas de village tranquille".
 

    Mais comme on est ici chez Nancy Atherton, le tout est vu sous un angle volontairement plus léger. Aussi, les conflits qui animent le petit bourg de Finch prennent-ils rapidement la forme d'une tempête dans un verre d'eau, avec le comique de caractère qu'apportent des personnages excessifs comme le sont ses habitants. On rit de bon cœur devant les trésors d'ingéniosité de Peggy Kitchen pour monter le village contre l'archéologue, on glousse face à son ennemie de toujours, Sally, prise de folie des grandeurs au point de transformer son humble échoppe en Parthénon et surtout, on s'émeut. Car Nancy Atherton a aussi le don de créer des personnages particulièrement touchants, à l'image de Francesca et de son passé familial. On en apprend ainsi davantage sur les conditions de vie des immigrés dans le contexte d'après-guerre et on prend conscience de l'ostracisme à l'oeuvre dans les petites communautés restées trop longtemps fermées sur elles-mêmes.
 

    Tante Dimity est quant à elle assez peu présente dans ce troisième tome. Détentrice des secrets de Finch, elle semble avoir toujours une longueur d'avance sur les découvertes de Lori et connaître les ressorts secrets qui animent (mais aussi expliquent, voire excusent) les faits et gestes des personnages, même les plus vils. Son pouvoir s'exerce au-delà des (rares) conversations auxquelles elle participe par l'intermédiaire de son carnet, via l'entremise d'un certain lapin en flanelle rose qui aime décidément beaucoup trop se mêler des affaires des autres... 
 
Avec une dimension gourmande encore très présente : le tome 3 se termine sur une nouvelle recette...
 
En bref : Avec Tante Dimity et le chantier maudit, Nancy Atherton confirme son talent pour distiller une forme unique de cosy mystery ; elle excelle dans cet exercice dont elle semble avoir redéfini les codes. Sa vision très personnelle du "polar douillet", ici mâtinée d'un comique de caractère comme seuls en offrent les archétypes anglais, fait des merveilles. Vous en reprendrez bien une part ? 
 

Un grand merci à Verso pour cette lecture !

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