The string of pearls : a romance, The people's periodical, 1846 - Editions Callidor (trad. de F.Garel), 2011 - Editions Tind (nouvelle trad. de F.Garel), 2015.
« C’était un homme grand,
au physique ingrat, comme un pantin dont les parties auraient été
mal assemblées, doté d’une bouche, de mains et de pieds si
immenses qu’il était lui-même, d’une certaine manière, une
véritable curiosité de la nature. »
Lorsque l’on apprend la
disparition d’un jeune marin dans la capitale anglaise, tous ses
amis se mettent à sa recherche. Les pistes semblent toutes mener
près du salon d’un barbier, aux abords de Fleet Street. Sweeney
Todd a encore frappé…
Découvrez l’une des principales sources du
Dracula de Bram Stoker, vivez le récit original du légendaire tueur
en série de Londres et laissez-vous transporter au cœur d’une
cité londonienne fourmillante d’horreurs et d’épouvante en
dégustant les fameuses tourtes de Mrs Lovett. En France, nous ne
connaissions qu’une partie de ce personnage et de son histoire,
nous vous livrons à présent l’intégralité du roman dans lequel
Sweeney Todd vécut sa première aventure.
***
Quelle meilleure façon d'honorer le rendez vous "classique horrifique britannique" du challenge Halloween de Lou & Hilde qu'avec le mythique Sweeney Todd? A cette occasion, on remonte pour vous aux sources de la légende, soit plus de deux siècles avant le film de Burton qui l'a popularisée très récemment dans l'hexagone..
Car à l'origine de ce mythe au départ aussi célèbre que Jack l'éventreur, il y a un fait divers des plus sanglants. Londres, quartier de Fleet Street, années 1780, un scandale fait la une des journaux, quoi qu'aucun papier ou document d'archive ne puisse ne prouver aujourd'hui : Sweeney Todd, qui tient son échoppe de barbier à côté de l'église de Saint Dunstan aurait assassiné plusieurs dizaines de clients pour les dépouiller de leur argent, faisant ensuite disparaître les corps grâce à une complice aubergiste, Margery Lovett, qui utilisait la chair des victimes pour garnir ses tourtes! Selon certaines sources qui témoignent même de toute la biographie du barbier (à l'exemple de ce site), la boutique de Todd se serait trouvée à l'actuel siège du journal le Dundee courier, et la devanture de l'auberge de Mrs Lovett, sur Bell Yard, serait toujours visible. On évoque même la mise à mort du criminel par pendaison en 1802!
De cette histoire à faire froid dans le dos est née une légende urbaine horrifique finalement des plus classiques, puisqu'on en retrouve des précédents à travers le monde et les époques. On recense en effet une légende similaire en Ecosse, sans oublier deux cas français remontant au Moyen-Age : les crimes de la rue des Marmousets, à Paris, et aussi l'affaire de la Maison sans toit, à Dijon. Pour ce qui est de l'Angleterre, en tout cas, ce fait divers fit un passage remarqué de la tradition orale vers la littérature de genre dans le People's Periodical en 1846 (après une première brève évocation dans le périodique The terrific register de 1825). Le mythe, repris par un auteur du nom de M.J.Errym, devient l'un des plus mémorables Penny Dreadful de la fiction anglaise. Pour mémoire, le penny dreadful, ou penny blood, est un genre littéraire proche du pulp américain ou du feuilleton "à trois sous" tel qu'on le trouvait à la même époque en France : une histoire à tiroirs faisant la part belle au suspens et à l'horreur, vendue en épisodes par la presse pour quelques centimes.
Derrière le pseudonyme de Errym se cachait en fait John Malcolm Rymer, auteur plus tard d'un autre célèbre Penny Dreadful, Varney le vampire. En se réappropriant ici la légende de Sweeney Todd, il l'embellit bien sûr de nombreux éléments relevant du genre feuilletonesque, faisant ainsi se croiser plusieurs personnages et histoires annexes pour servir aux lecteurs un page turner d'avant-garde.
Ainsi, lorsque l'histoire commence et au fil des épisodes, on nous raconte simultanément l'histoire de cet étrange et horrible barbier dont les clients disparaissent mystérieusement (mais que peuvent-ils bien devenir...?!), la tragique mésaventure de Johanna, qui cherche désespérément son amant disparu Mark Ingestrie, le prospère commerce de Mrs Lovett, dont les tourtes dont fureur (mais où l'unique commis de cuisine vit un enfer, enfermé dans une cave...), et enfin, une étrange odeur de charnier qui se fait sentir à l'Eglise de St Dunstan. Le fil conducteur entre tous ces différents axes narratifs? Un collier de perles d'une valeur inestimable, qui aurait du être offert à Johanna par son amant mais que l'on retrouve entre les mains de Sweeney Todd... étrange, n'est-il pas?
Si l'on peut être rebuté par le style propre au roman feuilleton, parfois très lourd en raison des phrases à rallonge et des dialogues interminables (on se rappellera que les auteurs étaient rémunérés au nombre de mots...), on saura apprécier la multiplicité d'intrigues et de sous-intrigues qui s'entremêlent progressivement vers une résolution spectaculaire. "Spectaculaire" est exactement le mot : la plume de Rymer, très théâtrale, fait la part belle aux apartés, aux pensées récitées à voix hautes, et aux entrées et sorties dignes d'une représentation scénique. Dès lors, une transposition sur les planches est évidemment suggérée et l'on s'imagine sans peine une adaptation pour le mythique et sanglant théâtre du Grand Guignol. Aucune surprise, donc, que ce roman ait donné naissance à une comédie musicale près de deux siècles plus tard.
Pour autant, de multiples différences distinguent la version musicale et l'interprétation de Burton du récit d'origine : tout d'abord l'époque ( le XVIIIème siècle de départ devenant l'ère victorienne, sûrement pour le souhait d'entretenir une analogie avec Jack l'éventreur), mais surtout le personnage de Sweeney lui-même. Là ou le musical raconte une histoire romantique avec un anti-héro au passé douloureux, Rymer décrit un criminel antipathique et cupide à l'excès bien différent... Néanmoins, aucune déception dans cette lecture d'un genre certes appuyé à l'excès (mais c'est le charme du Penny dreadful) et d'un style parfois suranné, car nous avons la chance d'avoir avec cet ouvrage la toute première traduction française d'un titre clef de la culture livresque anglo-saxonne. Par ailleurs, l'auteur ménage très bien son suspense, et on notera des éléments très avant-gardistes pour l'époque (à titre d'exemple, nous qui avons toujours pensé que le fauteuil de barbier à mécanisme particulièrement ingénieux du film de Burton était une interprétation "moderne" du réalisateur, nous avons eu la surprise de découvrir qu'il était largement suggéré par le livre!).
En bref: Récit horrifique et sanglant à souhait, ce Sweeney Todd façon penny dreadful, version originale du mythe aujourd'hui connu de tous, est à découvrir. Le style, parfois suranné et "dans son jus", est un modèle du genre. La construction du récit, très feuilletonesque, fait la part belle au suspense et parvient même à tenir le lecteur d'aujourd'hui en haleine.
Et pour aller plus loin...
-Découvrez les différentes versions adaptées de Sweeney Todd : Le film de Burton ou, la version The tale of Sweeney Todd (l'échoppe des horreurs) de 1998 avec Joanna Lumley et Ben Kinsley, ou Sweeney Todd, adaptation de 2006 pour la BBC.
Première publication au format revue de Sweeney Todd, et dernière réédition française.
Car à l'origine de ce mythe au départ aussi célèbre que Jack l'éventreur, il y a un fait divers des plus sanglants. Londres, quartier de Fleet Street, années 1780, un scandale fait la une des journaux, quoi qu'aucun papier ou document d'archive ne puisse ne prouver aujourd'hui : Sweeney Todd, qui tient son échoppe de barbier à côté de l'église de Saint Dunstan aurait assassiné plusieurs dizaines de clients pour les dépouiller de leur argent, faisant ensuite disparaître les corps grâce à une complice aubergiste, Margery Lovett, qui utilisait la chair des victimes pour garnir ses tourtes! Selon certaines sources qui témoignent même de toute la biographie du barbier (à l'exemple de ce site), la boutique de Todd se serait trouvée à l'actuel siège du journal le Dundee courier, et la devanture de l'auberge de Mrs Lovett, sur Bell Yard, serait toujours visible. On évoque même la mise à mort du criminel par pendaison en 1802!
Le siège du Dundee Courier, à côté de l'église St Dunstan, ancienne adresse prétendue de Todd (en haut et à gauche),
et la devanture encore visible sur Bell Yard où Mrs Lovett aurait tenu boutique (en bas à droite).
De cette histoire à faire froid dans le dos est née une légende urbaine horrifique finalement des plus classiques, puisqu'on en retrouve des précédents à travers le monde et les époques. On recense en effet une légende similaire en Ecosse, sans oublier deux cas français remontant au Moyen-Age : les crimes de la rue des Marmousets, à Paris, et aussi l'affaire de la Maison sans toit, à Dijon. Pour ce qui est de l'Angleterre, en tout cas, ce fait divers fit un passage remarqué de la tradition orale vers la littérature de genre dans le People's Periodical en 1846 (après une première brève évocation dans le périodique The terrific register de 1825). Le mythe, repris par un auteur du nom de M.J.Errym, devient l'un des plus mémorables Penny Dreadful de la fiction anglaise. Pour mémoire, le penny dreadful, ou penny blood, est un genre littéraire proche du pulp américain ou du feuilleton "à trois sous" tel qu'on le trouvait à la même époque en France : une histoire à tiroirs faisant la part belle au suspens et à l'horreur, vendue en épisodes par la presse pour quelques centimes.
Derrière le pseudonyme de Errym se cachait en fait John Malcolm Rymer, auteur plus tard d'un autre célèbre Penny Dreadful, Varney le vampire. En se réappropriant ici la légende de Sweeney Todd, il l'embellit bien sûr de nombreux éléments relevant du genre feuilletonesque, faisant ainsi se croiser plusieurs personnages et histoires annexes pour servir aux lecteurs un page turner d'avant-garde.
Penny dreadfuls...
Ainsi, lorsque l'histoire commence et au fil des épisodes, on nous raconte simultanément l'histoire de cet étrange et horrible barbier dont les clients disparaissent mystérieusement (mais que peuvent-ils bien devenir...?!), la tragique mésaventure de Johanna, qui cherche désespérément son amant disparu Mark Ingestrie, le prospère commerce de Mrs Lovett, dont les tourtes dont fureur (mais où l'unique commis de cuisine vit un enfer, enfermé dans une cave...), et enfin, une étrange odeur de charnier qui se fait sentir à l'Eglise de St Dunstan. Le fil conducteur entre tous ces différents axes narratifs? Un collier de perles d'une valeur inestimable, qui aurait du être offert à Johanna par son amant mais que l'on retrouve entre les mains de Sweeney Todd... étrange, n'est-il pas?
Si l'on peut être rebuté par le style propre au roman feuilleton, parfois très lourd en raison des phrases à rallonge et des dialogues interminables (on se rappellera que les auteurs étaient rémunérés au nombre de mots...), on saura apprécier la multiplicité d'intrigues et de sous-intrigues qui s'entremêlent progressivement vers une résolution spectaculaire. "Spectaculaire" est exactement le mot : la plume de Rymer, très théâtrale, fait la part belle aux apartés, aux pensées récitées à voix hautes, et aux entrées et sorties dignes d'une représentation scénique. Dès lors, une transposition sur les planches est évidemment suggérée et l'on s'imagine sans peine une adaptation pour le mythique et sanglant théâtre du Grand Guignol. Aucune surprise, donc, que ce roman ait donné naissance à une comédie musicale près de deux siècles plus tard.
Pour autant, de multiples différences distinguent la version musicale et l'interprétation de Burton du récit d'origine : tout d'abord l'époque ( le XVIIIème siècle de départ devenant l'ère victorienne, sûrement pour le souhait d'entretenir une analogie avec Jack l'éventreur), mais surtout le personnage de Sweeney lui-même. Là ou le musical raconte une histoire romantique avec un anti-héro au passé douloureux, Rymer décrit un criminel antipathique et cupide à l'excès bien différent... Néanmoins, aucune déception dans cette lecture d'un genre certes appuyé à l'excès (mais c'est le charme du Penny dreadful) et d'un style parfois suranné, car nous avons la chance d'avoir avec cet ouvrage la toute première traduction française d'un titre clef de la culture livresque anglo-saxonne. Par ailleurs, l'auteur ménage très bien son suspense, et on notera des éléments très avant-gardistes pour l'époque (à titre d'exemple, nous qui avons toujours pensé que le fauteuil de barbier à mécanisme particulièrement ingénieux du film de Burton était une interprétation "moderne" du réalisateur, nous avons eu la surprise de découvrir qu'il était largement suggéré par le livre!).
Le fauteuil mécanique de Todd, machinerie idéale pour faire disparaître les corps...
En bref: Récit horrifique et sanglant à souhait, ce Sweeney Todd façon penny dreadful, version originale du mythe aujourd'hui connu de tous, est à découvrir. Le style, parfois suranné et "dans son jus", est un modèle du genre. La construction du récit, très feuilletonesque, fait la part belle au suspense et parvient même à tenir le lecteur d'aujourd'hui en haleine.
Et pour aller plus loin...
-Découvrez les différentes versions adaptées de Sweeney Todd : Le film de Burton ou, la version The tale of Sweeney Todd (l'échoppe des horreurs) de 1998 avec Joanna Lumley et Ben Kinsley, ou Sweeney Todd, adaptation de 2006 pour la BBC.
Très bel article! J'aimerais entendre le spectacle sur scène tant la musique est belle et évocatrice.
RépondreSupprimerMerci Ficelle! Oui, j'aimerais beaucoup le voir aussi! Bah, d'ici quelques années à Mogador, si un ouvrier n'y remet pas le feu en faisant des travaux de soudure près de la moquette... ><
SupprimerJ'aimerais beaucoup découvrir l'histoire originale !! c'est noté :-)
RépondreSupprimerPour s' amuser des inspirations diverses et redécouvrir les différentes versions, c' est l' idéal, juste avant de s'offrir un marathon dvd des films adaptés du roman ;)
SupprimerTrès réjouissantes, tes petites tourtes à la viande qui ont su se faire une place dans les légendes urbaines de Londres ! Je note les adresses supposées du barbier et de l'auberge pour une prochaine promenade outre Manche !
RépondreSupprimerOui, cela fait partie des pèlerinages littéraires à se garder sous le coude lorsque l' on s' offre un séjour à Londres :D Et ce genre de pratique purement bovariste, moi, j' adhère :D
SupprimerAh je note. J'adore cette histoire.
RépondreSupprimerJe le recommande vraiment pour les curieux qui veulent remonter aux origines du mythe ;)
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