dimanche 2 janvier 2022

Le tour du monde en 80 jours - un musical de Julien Salva et Ludovic-Alexandre Duval d'après Jules Verne.


Le Tour du Monde en 80 Jours
 
Livret et paroles : Ludovic-Alexandre Duval
Musique : Julien Salva
Mise en scène : David Rozen
 
D'après le roman de Jules Verne
 
Avec : Harold Simon, César Vallet, Maxime Guerville, Jeanne Jerosme...
 
Sur la scène du Théâtre Mogador du 8 février au 17 mars 2020
 
En tournée dans toute la France depuis Octobre 2021 

    Londres, 1889. Phileas Fogg est un gentleman secret et flegmatique qui vit sa vie avec une précision quasi mathématique. Il passe une grande partie de son temps au Reform Club à jouer aux cartes et débattre de divers sujets avec les autres gentlemen du club. Un jour, lors d’une discussion, Fogg annonce qu’il est aujourd’hui possible de faire le Tour du Monde en 80 jours. Sir Thomas Flanagan, son rival depuis toujours, le met alors au défi d’accomplir cette prouesse. Il espère secrètement humilier et discréditer Fogg auprès de ses collègues et pouvoir ainsi accéder à la tête du Reform Club, poste que les deux hommes se disputent. Fogg, connu pour n’être jamais sorti du pays (ni même de Londres d’ailleurs), semble pourtant sûr de lui et relève le défi, mettant en jeu la quasi totalité de sa fortune dans ce pari fou. De Paris à New York en passant par Bombay et Hong Kong, en bateau, en train ou à dos d’éléphant, le gentleman et son nouveau domestique français, Passepartout partent dans une aventure qui sera semée d’embûches. Il sera ralenti notamment par l’inspecteur Fix, un agent peu futé mais très zélé, envoyé par Flanagan pour retarder le gentleman. Il fera aussi la rencontre de la Princesse Aouda, une jeune femme au fort tempérament que Passepartout et lui-même sauveront d’un sacrifice qui la destinait à la mort. Malgré les contretemps et les déconvenues, Phileas Fogg, Passepartout et Miss Aouda réussiront-ils à conclure ce voyage dans le temps imparti​ ​? Et au delà de la réussite ou non de ce pari, cette incroyable aventure ne va-t-elle pas changer leur vie à tout jamais​ ​?
 
***
 
    Voilà un musical qu'on aurait dû voir il y a de cela un moment : au programme d'un voyage scolaire que nous avions organisé avec nos petits monstres pour avril 2020, nous devions initialement y assister à Mogador, avant que la crise sanitaire ne vienne tout remettre en question. Fort heureusement, le spectacle, actuellement en tournée dans toute la France, nous a permis de découvrir enfin cette pépite sans avoir à nous déplacer jusqu'à la capitale !
 
Bande-annonce du spectacle.
 
    Cette adaptation de Jules Verne est portée par deux comparses de longue date : Julien Salva et Ludovic-Alexandre Duval. Leur nom de vous dira peut-être rien, mais le musicien et le parolier collaborent ensemble depuis plus de dix ans, principalement sur des adaptations de grands classiques de la littérature. A leur actif, on compte une transposition scénique de L'homme qui rit ainsi que de nombreux spectacles familiaux produit par la société Double D : La petite-filles aux allumettes ou encore Les aventures de Tom Sawyer, qui ont rencontré un franc succès sur les planches au cours des dernières années. Ils ont également participé à co-adapter pour Mogador les célèbres musicals de La Belle et la Bête ou encore du Bal des Vampires. Après un tel parcours, transposer un roman de Jules Verne semblait une poursuite logique, tant la bibliographie de l'auteur correspond à leur univers.
 

    Double D, qui produit également ce spectacle, diffuse essentiellement des shows familiaux mais d'une grande qualité, comme le prouvent les nombreuses nominations aux Molières des précédentes productions. En cela, cette adaptation du Tour du Monde en 80 Jours ne fait pas exception et offre aux spectateurs de tous les âges 90 minutes de spectacle dans la pure veine de Broadway. Le livret de Ludovic-Alexandre Duval est une transposition réellement fidèle du roman d'aventure de Jules Verne, moyennant quelques libertés afin de conquérir le jeune public mais sans jamais tomber dans la farce ratée qu'était par exemple l'adaptation cinématographique de 2004. 
 
Harold Simon, flegmatique Philéas Fogg.
 
    Le casting a en partie été modifié depuis 2020 : on imagine que certains des comédiens avaient d'autres engagements, mais c'est aussi là une pratique commune pour les tournées. Nous avons cependant eu la chance d'assister à une représentation avec le Philéas Fogg d'origine, campé avec flegme par le talentueux Harold Simon : probablement la meilleure interprétation qu'on ait pu voir, toutes versions confondues (oui, oui) ! A ses côtés, César Vallet a repris le rôle de Passepartout auparavant tenu à Mogador par Guillaume Sentou. Son successeur fait honneur au personnage avec son jeu tout en fantaisie et en malice. Clémence Bouvier interprète avec charisme une Aouda revue et corrigée par les critères post me too : loin de la jeune femme effacée du roman, elle devient ici une courageuse et tempétueuse héroïne. Ses nombreuses prises de bec avec Philéas Fogg font d'ailleurs tout le sel de cette adaptation. Enfin, de toute la troupe, nous avons été particulièrement sensibles au charme inattendu de Jeanne Jerosme, laquelle interprète avec une douce folie un personnage inédit : Miss Morris. Cette "méchante" à la solde de Flanagan a des allures de demi-sœur un peu balourde de Cendrillon ; envoyée à la poursuite de Fogg pour retarder son voyage, elle accumule les gaffes et réussit le difficile pari d'être à la fois ridicule et de se faire aimer du public en même temps.

Clémence Bouvier, géniale en Aouda féministe !

    On craint toujours, lorsqu'on assiste à des spectacles familiaux, de devoir endurer des musiques et des chants médiocres ou qui provoqueront des migraines sans fin. Forts de leur expérience, J.Salva et L.A.Duval évitent l'écueil des chants faciles qui cassent les oreilles et nous servent une bande-originale classique mais entrainante et rythmée aux allures de Disney grandeur nature (sachez-le, c'est un vrai compliment). Les chorégraphies de Johan Nus (qui a travaillé pour des mises en scène de Sweeney Todd ou du Lac des Cygnes, rien que ça), typiquement broadwayiennes, accompagnent merveilleusement la dimension musicale avec, d'un pays à l'autre, cancan ou claquettes.
 

    Les costumes de Marie-Caroline Béhue font merveille : les redingotes étriquées et les pantalons à taille haute donnent la silhouette de rigueur aux gentlemen typiquement victoriens de cette aventure, mais avec un panel de couleurs contrastées qui nous évoque le mouvement Ligne Claire de la BD franco-belge. Clin d’œil à Sherlock Holmes, l'inspecteur Fix porte une tenue à carreaux on ne peut plus reconnaissable tandis qu'Aouda brille de mille feux dans sa robe de lady aux tissus rappelant ses origines indiennes. Enfin, mention spéciale pour la robe à crinoline de la Reine Victoria, représentant une large... mappemonde !
 

    Côté scénographie, on est toujours épaté par ces décors qui se réagencent à l'infini ou qui fonctionnent comme des poupées russes : caisses, passerelles et escaliers en bois pivotent, s'ouvrent et se referment pour figurer tantôt le Reform Club, tantôt les wagons d'un train, ou tantôt encore le pont d'un navire, quand ils ne dévoilent pas un souk plus vrai que nature ou le port de San Francisco.  Le tout est rythmé par le cadran de l'horloge présente sur scène tout le long du spectacle et qui égraine le temps du voyage... La mise en scène de David Rozen fait mouche et on en redemande. On va suivre de très près les prochaines créations de cette talentueuse équipe...


En bref : Merveilleux spectacle à voir à l'occasion des fêtes de fin d'année, Le tour du monde en 80 jours est un musical familial de grande qualité, porté par un talentueux casting et rythmé par des chants, musiques et danses dignes d'un Disney vivant ! Ne le manquez pas !
 
 

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