samedi 24 octobre 2015

La villa des mystères - Frederico Andahasi

Las piadosas, Plazza & Janés, 1998 - Editions Métailier (traduction de C.Bleton), 2000 - Editions Folio, collection SF, 2004.

  Été 1816 : le temps est exécrable sur les rives du lac Léman. Désœuvrés, Lord Byron, Percy et Mary Shelley, Claire Clairmont et le docteur Polidori, hôtes illustres de la villa Diodati, se lancent un défi littéraire : écrire l'histoire gothique ultime, la plus sombre, la plus originale. Polidori, secrétaire et souffre-douleur de Byron, jaloux du talent de son maître, reçoit d'étranges lettres anonymes qui l'informent de l'existence des jumelles Legrand, des comédiennes scandaleuses, courtisanes, célèbres et méprisées. Et qui surtout lui proposent un étrange pacte littéraire...
Qui lui écrit ces lettres scellées à la cire noire ?
Que devra-t-il donner en échange du chef-d'œuvre dont il rêve ?
  
  Cette Villa des mystères est le théâtre d'un roman gothique moderne qui explore des régions insoupçonnées, troublantes, de la sexualité, et revisite avec malice un moment fondateur des littératures de l'imaginaire : la création du Frankenstein de Mary Shelley.

***
  Étrange roman que cette œuvre qui mérite davantage appellation de nouvelle, et qui correspond fort bien à ces festivités d'Halloween. Trouvé au hasard d'une recherche d'e-book, ce court récit, aussi fantasmagorique qu'il puisse être, mérite d'être découvert.


  L'auteur nous plonge dans un événement réel et bien connu de l'Histoire de la littérature : le séjour que passèrent le couple Shelley et leur demi-sœur Claire Clairmont à la villa Diodati, sur invitation du célèbre Poète Lord Byron et de son secrétaire particulier John Polidori. En effet, c'est lors de ces quelques jours cloîtrés à l’abri du mauvais temps que nos cinq convives se sont lancés au défi de rédiger des récits horrifiques à se lire au coin du feu... de leurs ébauches alors rédigées naquit le roman Frankenstein, par Mary Shelley, aujourd'hui parmi les plus célèbres ouvrages gothiques classiques. Un autre récit créé lors de ces soirées mais moins connu aujourd'hui : Le vampire, écrit par Polidori mais paru sous le nom d'auteur de Byron. Cet étrange mystère autour de la paternité de l’œuvre est encore flou de nos jours : on suppose que le discret secrétaire aurait utilisé le nom de son maître pour jouer de sa célébrité et être édité plus facilement, ou peut-être qu'il aurait subtilisé un brouillon inachevé au poète pour le finaliser. Ici, F.Andahasi s'empare de ces quelques éléments réels et du séjour des amis littéraires à la villa pour en faire une fable gothique diaboliquement pastiche, se jouant des codes de l'horreur que Polidori, Byron ou Shelley eux-même ont fait naître à la suite de leurs publications respectives.

 La villa Diodati.

  "Faire naître"... tout l'intérêt de La villa des Mystère est là. Car au travers de ce court et addictif récit qui pioche parfois dans la caricature hilarante pour de suite reprendre le chemin de l'effroi, l'auteur questionne de façon amusante la paternité d'un chef-d’œuvre et la naissance d'un roman. L'ambiance est racontée comme serait mis en scène un vieux film de la Hammer, mais les personnages sont parfois parodiques à l'excès, à l'image de Polidori, vrai-faux héros de cette histoire en auteur raté pathétique et pleurnichard.
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 Byron, Polidori
Percy Shelley, Mary Shelley, et sa demi-sœur Claire Clairmont.

  Le plus surprenant dans cette intrigue, c'est peut-être l'orientation très crue qu'elle prend. Plus que de l'érotisme ou juste un ton fortement sexualisé, F.Andahasi ajoute à son histoire un voyeurisme déplacé et, même, un  ton profondément licencieux des plus... -hum- disons particulier. Et pourtant... pourtant, malgré la gêne qu'inspire ce "roman gothique dans le roman gothique", on ne peut s'empêcher de le dévorer jusqu'au bout, un peu comme les jolies horreurs d'un cabinet de curiosité qui retient notre regard grâce à son pouvoir de fascination...


En bref : un "roman gothique dans le roman gothique", un diabolique et addictif récit qui s'empare d'un fait réel de la Littérature pour le transformer en pastiche mordant, cru, et en même temps réussi. On passe de l'hilarité au frisson sans demi-mesure.

2 commentaires:

  1. Ficelle for ever26 octobre 2015 à 01:42

    Je remarque que la couverture de l'édition française est particulièrement sage, en comparaison des autres des autres, surtout celles avec les chauves-souris...

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    1. Oui mais je les aime beaucoup, ces couvertures avec leur petit côté scandaleux. La symbolique n' est pas mal du tout, en fait, quand on connait le contenu du bouquin ^_^

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