dimanche 13 mars 2016

Le passage du Diable - Anne Fine

The Devil Walks, Doubleday Children, 2011 - Edition l'Ecole des Loisirs, collection Médium (trad. de D.Kugler), 2014 - Edition l'Ecole des loisirs, collection Médium poche, 2015.

  Depuis son plus jeune âge, Daniel Cunningham a vécu enfermé, avec pour seule compagnie les livres et sa mère – qui l’a gardé reclus, à l’écart du monde extérieur, et qui n’a cessé de lui répéter qu’il était malade. Un jour, des coups frappés à la porte vont tout changer.
  Des voisins ont découvert son existence, et résolu de libérer Daniel de l’emprise de sa mère. Pris en charge par le docteur Marlow et sa famille, il va découvrir peu à peu que tout ce qu’il tenait pour vrai jusque-là n’était qu’un tissu d’histoires racontées pour le protéger. Mais le protéger de quoi ?
  De sa vie d’avant Daniel n’a gardé qu’une maison de poupée. Et pas n’importe quelle maison de poupée : c’est la réplique exacte de la maison natale de sa mère, une maison qui recèle de nombreux et sombres secrets. Jusqu’à quels vertiges ces secrets conduiront-ils Daniel ?

*** 

  Une couverture pareille et un tel résumé, sans compter ma libraire qui m'en vente les mérite depuis deux ans, et on se demande comment il m'avait échappé celui-là! Après deux lectures passionnantes et une très médiocre même pas terminée, j'ai saisi ce passage du diable presque sur un coup de tête lors d'une sortie professionnelle dans une petite médiathèque de village. Acclamé par le public et la critique, plusieurs fois primé, cet ouvrage ne semble plus avoir à faire ses preuves...


  Parce qu'il souffre d'une maladie inconnue, Daniel n'a jamais quitté le lit, tandis que sa mère Lilianna, femme secrète et silencieuse, veille sagement sur lui. Son éducation, son intelligence, et sa sociabilité, il les doit aux nombreux livres de la bibliothèque, aux contes, tragédies et albums qu'il a dévorés. Et à une maison de poupées où il a joué, rejoué et s'est inventé quantités de vies rêvées. Un jour, le monde extérieur fait irruption dans la vie de Daniel et Lilianna, conduisant cette dernière en hôpital psychiatrique. La raison? L'enfant n'a jamais été malade et elle l'a maintenu dans cet état en le coupant du monde extérieur pour de fausses raisons depuis toutes ses années. Alors que le jeune garçon a toute une vie à redécouvrir auprès du Dr Marlow qui lui ouvre les portes de sa famille, il emmène avec lui la maison de poupées, en réalité copie conforme du manoir où a grandit Lilianna quand elle-même était petite. Mais plus il y joue avec les fillettes Marlow, plus les mésaventures et les drames qu'il y invente se propagent comme un malaise oppressant dans toute la maisonnée. De quels secrets de famille ce jouet est-il le dépositaire, pour être à ce point chargé d'une aura si malfaisante? Lorsque le Dr Marlow retrouve le véritable manoir familial de Lilianna et apprend que l'once de Daniel y réside toujours, le jeune garçon se met en quête d'un passé dont il ignore tout.


  Quelle qualité! Vraiment, même si Anne Fine n'a plus rien à prouver, ce roman a largement mérité son succès. A la façon d'une gourmandise dont on ne veut goûter qu'une bouchée avant de finalement la dévorer sans retenue, ce livre nous retient captif dès la lecture des premières lignes. S'en suivent alors de nombreux retards au travail ou de nombreuses nuits blanches face à la difficulté d'interrompre la saisissante lecture. Car ce qui aurait pu n'être qu'un sombre drame familial prenant pour thème une mère possessive souffrant d'un quelconque syndrome de Meadow glisse lentement et insidieusement vers quelque chose de plus complexe, sournois... et captivant.

  Nous plongeant dans une Angleterre passée imprécise mais baignée d'une délicieuse ambiance d'antan, Anne Fine vient progressivement pimenter son drame familial initial de petites touches angoissantes. Ces électrochocs effrayants sont tous apportés par les étranges mises en abyme provoquées par la maison de poupées, malaises comme savent si bien les inspirer tous ces éléments propres à l'enfance mais possédant cet immanquable aura horrifique (tels que les clowns ou encore les vieilles poupées de porcelaine... brrrh).


  La dimension fantastique plane comme une ombre sur cette histoire sans trop s'y imposer (sauf peut-être dans quelques passages du dénouement, un peu rapide), laissant le surnaturel exister comme simple superstition ou métaphore des non-dits familiaux. Le tout est mené d'une plume aiguisée et diablement élégante, où le gothisme ambiant se mêle à des éléments quasi-hitchcockiens.


En bref : Un roman intelligent, diaboliquement bien écrit, dans lequel se mêlent secrets de famille et ambiance gothique, tous deux racontés avec originalité grâce à la mise en abyme saisissante et effrayante qu'apporte l'énigmatique maison de poupées clef de l'intrigue. Brillant.


Et pour aller plus loin...


Découvrez un autre roman coup de poing et inattendu d'Anne Fine, Blood family.


3 commentaires:

  1. Ficelle for ever16 mars 2016 à 03:37

    La couverture avec une maison que ne renierait pas la famille Bates+THE Anne Fine (Chat assassin for ever!), j'attendais qu'il sorte en poche pour le mettre dans la liste d'achat celui-là!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh oui, cette couverture et ce manoir à la Bates Motel... Cela a forcément influencé ma perception "hitchcockienne" de l' histoire. Mais vraiment, un excellent bouquin!

      Supprimer