samedi 19 octobre 2019

Le démon de la tour Eiffel (Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec #2) - Tardi.

Casterman, 1976, 2008, 2017.




  En ce mois de décembre 1911, Paris est secouée par la brusque réapparition de la peste et par une mystérieuse vague de disparitions sur le Pont-Neuf. Adèle, déterminée à venger la mort de son ami Lucien Ripol, mène l’enquête, persuadée qu’un lien existe entre ces trois affaires. Affrontant tour à tour Albert, son ancien complice, et une redoutable secte d’adorateurs du démon Pazuzu, arrivera-t-elle à échapper aux différentes menaces qui planent sur elle ?



***

  Continuons à suivre Adèle Blanc-Sec dans le Paris de la Belle Epoque : Après Adèle et la Bête, Tardi signe ici avec Le démon de la tour Eiffel le second tome de sa BD iconique, à la fois pastiche et hommage au roman-feuilleton.

Adèle et Flageolet.

  Quelques semaines à peine après l'affaire du Jardin des plantes, Adèle a quitté sa maison de Meudon pour se réfugier dans un appartement en plein Paris. Là, entre ses bibliothèques garnies de livres et une momie qui dort dans sa vitrine, elle écrit des histoires de malfrats en méditant de quelle manière elle pourra bien se venger de ses deux anciens hommes de main qui l'ont trahie sans vergogne. Pour cela, elle peut compter sur un nouvel allié : Simon Flageolet, détective privé rencontré quelques temps plus tôt, et qu'un mystérieux commanditaire anonyme a missionné de retrouver le magot volé chez le banquier Mignonneau, au centre de la précédente affaire. Le magot en question, tout le monde ignorait véritablement son contenu jusque là, mais résulterait en un seul et mystérieux objet : une antique statuette de Pazuzu, un démon assyrien. Pazuzu, qui est par ailleurs au centre d'une toute nouvelle pièce de théâtre racontant les derniers jours de Babylone. Le concepteur des décors, Jules-Emile Pessonier, est aussi un artiste-peintre qui semble obsédé par ce dieu barbare, au point de l'intégrer dans toutes ses toiles d'inspiration orientalisante. Tandis qu'Adèle et Flageolet suivent cette piste, d'autres faits simultanés semblent se rattacher à leur enquête : la disparition de plusieurs personnes sur le Pont Neuf, la propagation d'une épidémie de peste dans Paris, et la découverte de traces monstrueuses sur les lieux de crimes qui se multiplient... Pazuzu en chair et en os aurait-il pris vie?

Véritable statuette de Pazuzu, au centre de ce second tome.

  Quel plaisir de retrouver le petit monde d'Adèle! Fidèle aux multiples inspirations qu'offre le roman-feuilleton, Tardi, après avoir exploré la science-fiction (et usé de quelques éléments qui annonçaient le steampunk), raconte ici une intrigue policière plus classique. Plus classique, oui, mais pas plus mesurée pour autant : les rebondissements continuent d'abonder à un rythme effréné et les retournements de situation excessifs pour ne pas dire emphatiques sont toujours de la partie. Si l'intrigue suit quelques éléments resté en suspens à la fin du premier volume (le contenu du butin volé et ce que sont devenus les anciens hommes de main d'Adèle), elle emprunte de tous nouveaux chemins et fait intervenir de nouveaux personnages. La trame pourrait parfois faire penser au Belphégor d'Arthur Bernède, même si, bien sûr, les points communs restent tout relatifs (présence d'une statue/statuette d'un démon oriental, apparition d'un être masqué prenant son nom et perpétuant plusieurs meurtres, association du monstre à un lieu culte de Paris ainsi que l'existence d'une société secrète/secte dédiée au démon). De plus, coïncidence ou non, le démon Pazuzu mis en scène dans cet opus avaient déjà acquis une certaine popularité en 1973 grâce au célèbre film L'exorciste, où il possède la jeune héroïne. Fort heureusement, même si Tardi use de quelques ressorts propres à susciter l'effroi, le ton de sa BD est beaucoup plus grand public ; le final, même, tourne presque au vaudeville le temps de quelques vignettes.

Adèle va au théâtre.

  Adèle, qui avait ses motivations mais subissait plus qu'elle ne contrôlait tout les éléments survenus dans le premier opus, est ici davantage actrice de l'histoire. Aux côtés du détective Simon Flageolet, on lui découvre des talents d'enquêtrice qui surpassent parfois (voire souvent) la réflexion de son nouvel allié ("il n'est pas du genre à trouver sans qu'on l'aide", médite-t-elle avant de lui rendre visite et de lui conseiller, probablement à la manière de Sherlock Holmes, de "jouer du violon" pour améliorer ses performances de limier). Comme dans le volume précédent, ses aptitudes à suivre une piste lui attirent malheureusement des ennuis et des ennemis mais elle continue de tenir tête, celle-là étant toujours affublée de chapeaux de plus en plus extravagants. Côté vie privée, on glane au passage quelques informations : on apprend officiellement qu'elle est auteure de romans-feuilletons et que c'est au cours de recherches de terrain nécessaires à l'écriture qu'elle s'est mise à fréquenter le milieu des truands dans lequel elle semblait si à l'aise dans Adèle et la Bête


  Parmi les nouveaux personnages avec lesquels le lecteur fait connaissance, on rencontre la comédienne Clara Benhardt et le peintre Jules-Emile Pessonier. Parce que Tardi aime aussi s'inspirer de l'Histoire, on y verra deux clins d’œil à de réels artistes de l'époque : la véritable actrice de théâtre Sarah Bernhardt ainsi qu'un mélange des peintres Ernest Messonier (pour le nom et le physique) et Georges-Antoine Rochegrosse (pour les thèmes picturaux). Ce dernier, spécialiste de scènes inspirées de l'ancienne Babylone, avait par ailleurs peint plusieurs fois la comédienne Sarah Bernhardt. Simon Flageolet, lui, est un détective à la Rouletabille. Résidant dans un appartement chic à l'intérieur d'inspiration orientale, il est le premier personnage de la BD qui assiste Adèle sur un pied d'égalité et à qui elle manifeste une certaine sympathie (même si, nous le verrons au fil de la série, cela ne sera que pour un temps).

 Clara Benhardt et Sarah Bernhardt...
 Peissonier et Messonier...

  Avec Le démon de la tour Eiffel, l'auteur illustrateur continue de nous régaler du Paris sublimé de la Belle Époque : les lignes Art Nouveau des entrées de métro, les automobiles pétaradantes et les lieux cultes de la capitale, érigés au même niveau que les personnages principaux. Après le Jardin des Plantes, Tardi met principalement à l'honneur la tour Eiffel (décor d'un final de haute volée) et le Pont Neuf, qui révèle quelques secrets, dont une porte dérobée (que vous n'aurez de cesse de chercher à actionner à chacun de vos passages après avoir lu cet album)!

Sous le pont, on y danse, on y danse...

En bref : Après un premier tome baignant dans la plus pure science-fiction, Tardi continue de puiser dans l'intarissable source du roman-feuilleton pour un second tome usant beaucoup moins du fantastique mais mêlant polar et ésotérisme. Les éléments orientaux tournant autour du démon Pazuzu apportent une touche exotique originale et on se régale une fois encore des rocambolesques péripéties de cette héroïne émancipée dans un Paris de carte postale.



Et pour aller plus loin...


- Découvrez toute la série :


http://books-tea-pie.blogspot.com/2019/10/adele-et-la-bete-les-aventures.htmlhttps://books-tea-pie.blogspot.com/2019/10/le-savant-fou-les-aventures.html


https://books-tea-pie.blogspot.com/2019/11/le-secret-de-la-salamandre-les.htmlhttps://books-tea-pie.blogspot.com/2019/11/le-noye-deux-tetes-les-aventures.html


https://books-tea-pie.blogspot.com/2019/11/tous-des-monstres-les-aventures.html

7 commentaires:

  1. Ouah il faut la decouvrir...redecouvrir...c'est sur

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  2. Je vais essayer de me procurer le premier tome. Une découverte s'impose! :)

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  3. j'avais lu la série Adèle Blanc-Sec il y a une éternité. Tu me donne envie de la relire. Merci pour cette redécouverte

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    1. Avec plaisir Bidib! Mon Halloween 2019 est entièrement consacré à Adèle ;) je n'ai pas fini de te rappeler son existence !

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