lundi 13 avril 2020

Les soeurs Mitford enquêtent #1 : L'assassin du train - Jessica Fellowes.

The Mitford Murders, Sphere, Little, Brown Book Group, 2017 - Editions du Masque (trad. de V.Rosier), 2018 - Le livre de Poche, 1919.

  1919. Louisa Cannon rêve d'échapper à sa vie misérable à Londres, mais surtout à son oncle, un homme dangereux. Par miracle, on lui propose un emploi de domestique au service de la famille Mitford qui vit à Asthall Manor, dans la campagne de l'Oxfordshire. Là, elle devient bonne d'enfants, chaperon et confidente des soeurs Mitford, en particulier de Nancy, l'aînée, une jeune fille pétillante à l'esprit romanesque. Mais voilà qu'un crime odieux est commis : une infirmière, Florence Nightingale Shore, est assassinée en plein jour à bord d'un train. Louisa et Nancy se retrouvent bientôt embarquées dans cette sombre affaire. S'inspirant d'un fait réel (le meurtre de Florence Nightingale Shore encore non élucidé à ce jour), ce roman captivant nous emmène dans l'Angleterre de l'entre-deux-guerres, des milieux défavorisés aux fastes de la High Society, à travers les déboires de Louisa, jeune servante d'origine modeste, et la soif d'aventure de Nancy, jeune aristocrate effrontée, toutes deux devenues complices et bien décidées à trouver l'assassin du train...

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  Existe-t-il famille plus romanesque que les Mitford? Sa fratrie extravagante fut parmi les plus célèbres du XXème siècle. De Nancy, l'aînée et célèbre romancière, à la cadette Deborah qui deviendra duchesse du Devonshire, les six filles Mitford illustrèrent chacune les différentes facettes voire même pour certaines les aspects les plus extrêmes de leur temps : artiste, défenseuse de la cause animale, communiste, résistante, ou même fasciste pour l'une d'elles. Il y avait là matière à écrire un roman très prometteur et ça, l'éditeur anglais le savait lorsqu'il a suggéré à Jessica Fellowes l'idée d'une fiction policière mettant en scène les célèbres (et parfois scandaleuses) sœurs Mitford.


  Comme son nom l'indique, Jessica Fellowes est la nièce de Julian Fellowes, le créateur de Downton Abbey, la série télévisée qui traite des rapports maîtres-valets au début du XXème siècle, à laquelle Jessica a par ailleurs consacré plusieurs ouvrages. L'assassin du train, premier opus de la série des Mitford murders, est aussi le premier roman de l'auteure. En effet, même s'il est ancré dans une certaine véracité historique (à part le personnage fictif de Louisa Cannon, toute la maisonnée Mitford, domestiques y compris, est bien réelle, et le meurtre de Florence Nightingale Shore est également un événement véridique), il s'agit bel et bien là d'une fiction : jamais Nancy Mitford ou sa famille ne fut en lien avec cette affaire et le crime est resté à ce jour non résolu.

Les journaux évoquent le meurtre de Florence Nightingale Shore...

  Ce roman n'en respire pas moins l'illusion du réel tant il traduit bien l'époque racontée. L'action s'étalant de 1919 à 1921, Jessica Fellowes y restitue avec talent le trouble ambivalent d'une Angleterre nouvelle qui, au sortir de la Grande guerre, tente d'aller de l'avant mais reste profondément traumatisée par la violence des conflits.  A la façon de son oncle, la romancière reconstitue avec passion la vie d'une grande maisonnée anglaise ainsi que les rapports entre maîtres et domestiques. Son écriture, que l'on devine très documentée, relate le quotidien animé des Mitford dans leur grand manoir de campagne et les personnalités hautes en couleurs des différents membres de la famille, mais aussi des employés de maison avec qui on adorerait se régaler d'un thé ou d'un chocolat dans la chaleur de l'office. 

La famille Mitford au début des années 20
(derrière, à gauche : Nancy, l'aînée)

  Les relations moins hiérarchiques qui se tissent dans le cadre de la nursery permettent à Jessica Fellowes de justifier l'amitié entre Louisa, la nouvelle bonne d'enfant âgée de 19 ans, et l'aînée des Mitford, Nancy, âgée de 16 ans. Parce que cette dernière, dans la fleur de l'âge, se soucie peu des convenances et est surtout enchantée d'avoir avec elle une jeune fille de sa génération, toutes deux se rapprochent malgré la différence de classes sociales qui se rappelle parfois à elles. Nancy est dépeinte avec toute la fantaisie qui caractérisait la véritable Nancy Mitford, même si son jeune âge et son enthousiasme semblent se prêter davantage à l'héroïne d'un polar pour  la jeunesse que pour adulte.

 Nancy Mitford

  La dimension polar, justement, parlons-en : elle passe après la dimension sociologique. Non que cela soit voulu, comme c'est le cas dans la série Son espionne royale (l'humour en plus) mais probablement parce que l'auteure, dont il s'agit des débuts dans l'écriture de fiction, maîtrise moins bien les ressorts de la littérature policière policière que les éléments socio-historiques. Souffrants dès lors de quelques longueurs et de retournements de situation un peu classiques, l'enquête n'en reste pas moins agréable à suivre et s'offre même un final particulièrement palpitant au cours de la soirée d'anniversaire de Nancy.

Le manoir d'Asthall, résidence des Mitford et décor du roman.

En bref : Un premier tome qui parvient à mêler Histoire et polar pour le plaisir du lecteur. L'intrigue policière est certes un peu convenue mais la reconstitution de l'Angleterre d'après-guerre et des rapports entre classes est réussie. Jessica Fellowes, si elle ne s'impose pas nouvelle Reine du Crime, s'affirme en tout cas comme la digne descendante de son oncle et on a déjà hâte de voir comment les sœurs de Nancy seront mises à l'honneur dans les prochains tomes...

2 commentaires:

  1. Un roman qui m'avait bien plu et avec lequel j'ai le souvenir d'avoir passé un bon moment.

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    1. Je lirai les suites avec plaisir, j'ai hâte de voir comment la fratrie sera mise en scène dans les tomes suivants !

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