mercredi 30 décembre 2020

Hook, ou la revanche du capitaine Crochet - Un film de S.Spielberg d'après l'univers de J.M.Barrie.

Hook

ou la revanche du capitaine Crochet

(Hook)

Un film de Steven Spielberg ; scénario de J.V.Hart d'après l’œuvre de J.M.Barrie
 
Avec : Robin Williams, Dustin Hoffman, Julia Robert, Maggie Smith, Bob Hoskins...

Sortie originale le 11 décembre 1991
Sortie française le 1er avril 1992

    Peter Banning alias Peter Pan est devenu un brillant avocat d'affaires qui a tout oublié de ses merveilleuses aventures. Mais le terrible capitaine Crochet, lui, n'a pas oublié. Pour enfin, régler leur compte, il enlève une nuit Jack et Maggie, les enfants de Peter. C'est en compagnie de Clochette que Peter s'envole a nouveau pour le Pays Imaginaire
 
***
 
    Impossible d'évoquer Peter Pan et ses adaptations sans faire un détour par l'audacieux Hook, trésor du cinéma familial comme seules savaient en produire les années 90, avec un Steven Spielberg qui montre avec cette libre réinterprétation de James Matthew Barrie qu'il transforme tout ce qu'il touche en or. Hook fait partie de ces films qui, après un succès critique mitigé, sont devenus de vrais succès populaires au point d'être désormais érigés en grands et immanquables classiques.
 

    L'histoire se déroule dans les années 90, justement : Peter Banning, ancien orphelin recueilli par une famille anglaise, vit désormais aux Etats-Unis avec son épouse Moira et ses enfants Jack et Maggie. Avocat débordé et trop sérieux, il consent à mettre son travail en pause pour  pour passer les fêtes de Noël à Londres chez la grand-mère de son épouse : Wendy Darling. Grand-mère Wendy est une vraie personnalité : présidente du Great Ormond Hospital et fondatrice d'une association d'accueil d'orphelins, c'est elle qui a recueilli Peter lorsqu'il était enfant et lui a trouvé des parents adoptifs. C'est aussi elle LA Wendy de Peter Pan. Rien d'étonnant à cela : James Barrie, l'auteur, était le voisin des Darling au début du siècle et il avait imaginé cette histoire pour sa famille. Alors que les enfants Banning baignent dans l'univers littéraire et merveilleux qui occupe encore la maison de Wendy, Peter a résolument des difficultés à se détacher de son travail, mettant sa vie familiale en péril. Mais en revenant d'une soirée caritative pour le Great Osmond Hospital, Moira, Peter et Wendy découvrent la maison vandalisée et les enfants kidnappés. Sur le lieu du crime, un message est adressé à Peter par le capitaine James Crochet,  : il le somme de revenir au Pays Imaginaire pour récupérer ses enfants et offrir sa revanche au pirate. Certainement un fou furieux qui a développé une démence autour du passé littéraire de la famille... Ou pas. Grand-mère Wendy révèle la vérité à Peter : il l'a oublié mais il est bel et bien le vrai Peter Pan, et il doit retourner au Pays Imaginaire pour défier une fois encore son pire ennemi...
 

    Hook est un projet de longue date lorsque Spielberg le concrétise au début des années 90. Grand admirateur de l’œuvre de Barrie, il a longtemps réfléchi à ce film avant de préparer une première mouture en partenariat avec Disney dans les années 80, Hook se voulant alors une suite directe du long-métrage animé de 1953. Désaccord artistique ou problème de calendrier, le film n'aboutit pas et Spielberg attend une dizaine d'année avant de se consacrer de nouveau au projet, lequel prend forme avec un excellent scénario de James V. Hart. James V. Hart, talentueux auteur et scénariste, se fera remarquer l'année suivante avec son script du génialissime Dracula de Francis Ford Coppola et dix ans plus tard avec la mini-série Jack et le Haricot Magique, fantastique détournement du conte original. Inventeur de génie avec une prédilection pour la réécriture, il publiera en 2005 Les terribles aventures du futur Capitaine Crochet, biographie fictive qui imagine la jeunesse du futur pirate (preuve qu'il a été lui aussi longuement marqué par l'univers de James M. Barrie). 
 
Maggie Smith, splendide Wendy devenue grand-mère...

    Et autant le dire : James V. Hart et Steven Spielberg forment certainement le duo gagnant du film. Le projet, terriblement casse-figure, devient entre leurs mains une pépite qui a touché toute une génération, au point d'avoir autant marqué la culture populaire que le film animé de 1953. Il est par ailleurs intéressant de s'interroger quant à l'univers de référence de ce Hook : est-il finalement une suite à l’œuvre de Barrie ou une continuité non-officielle à l'adaptation de Disney? Difficile à dire, le doute est laissé, probablement pour qu'il puisse être considéré comme un peu des deux à la fois et rester largement accessible. Notons cependant l'héritage colossal laissé par Disney à travers quelques éléments non-négligeables : le capitaine Crochet lui-même est résolument plus proche du personnage du dessin-animé que du diabolique pirate originel. Comme chez Disney, il porte son crochet du mauvais côté, et comme chez Disney, il est davantage un dandy charismatique mais caricatural (parfois cartoonesque) plutôt qu'un ennemi véritablement sanguinaire. Avouons cependant que face à la place occupée par Disney dans l'imaginaire collectif, il aurait peut-être paru incohérent (et inapproprié, au vu du public familial visé), de mettre en scène un Crochet trop féroce.
 

    Cependant, le véritable tour de force de ce film, c'est peut-être qu'en dépit de Crochet et tout en racontant un total détournement du principe de base (Peter Pan, l'enfant qui ne grandit pas, a finalement grandi! C'est presque un sacrilège, quand on y pense...), Hook s'avère être particulièrement fidèle à l'esprit de James M. Barrie, au point de restituer un peu de la fougue et de la mélancolie de l’œuvre initiale. Le pitch du film puise sa substance dans la fin du roman, ainsi que les flashbacks nous le montrent : après que Wendy ait grandi, Peter a continué à venir régulièrement la voir à la fenêtre de sa chambre, jusqu'à rencontrer ses descendantes... pour tomber amoureux de l'une d'elles, au point de vouloir quitter le Pays Imaginaire (là commence la réinterprétation, vous l'avez compris). Le scénario s'amuse également à glisser ça et là des clins d’œil à de nombreux éléments du livre, dont certains occultés par le dessin-animé de 1953 (la confusion entre les baisers et les dés à coudre, la maison construite pour Wendy, l'arrivée de Peter Pan au Pays Imaginaire, ou encore les repas "imaginaires" des garçons perdus). Chez Wendy, la caméra s'attarde même quelques instants sur le chapeau haut-de-forme de John et l'ours en peluche de Michael, déposés bien en vue sur un guéridon du salon. Mais plus que par des easter eggs, c'est en se réappropriant l'essence même du roman de Barrie pour mieux en faire un hymne à la vie que le film fonctionne, sans dénaturer sa symbolique pour autant ; ainsi l'atteste la dernière réplique, "Vivre sera une formidablement belle aventure", qui détourne habilement l'une des citations phares du livre.


    La nostalgie dont use le film est l'autre point fort de cette production, nostalgie décuplée par l'audacieuse et ingénieuse mise en abîme du scénario : dans Hook, Peter est à la fois un individu réel et un personnage de fiction, et James M. Barrie est nommé plus d'une fois (la famille Banning assiste même à une représentation de la pièce pour la fête de l'école de Maggie). J.V.Hart s'amuse à ce titre d'une analogie entre la famille des Llewelyn-Davies (source d'inspiration de la famille Darling pour qui James Barrie avait écrit Peter Pan) et la famille Darling, dont il fait ici de "vraies" personnes durablement marquées par l'aura littéraire du livre (un peu comme la Alice Liddle à l'origine d'Alice au pays des merveilles). Le Great Ormond Hospital – hôpital pour enfants auquel Barrie a cédé les droits de Peter Pan – devient un élément du scénario, et on voit même la statue de Peter Pan de Kesington Gardens. Ce tour de passe-passe particulièrement bien pensé donne une dimension quasi-réelle et particulièrement forte à l'histoire qui se déroule sous nos yeux : comme Moira qui s'extasie, émerveillée, de retourner à la maison des Darling, on se surprend nous aussi à vouloir y faire une excursion pour gravir l'escalier jusqu'à LA fameuse chambre d'enfant pour s'asseoir devant LA fameuse fenêtre.
 

    La casting est évidemment pour beaucoup dans la réussite du film : qui mieux que Robin Williams pouvait interpréter un Peter Pan devenu adulte? Maggie Smith (bien avant de devenir professeur à Poudlard ou comtesse à Downton Abbey) campe une Wendy éblouissante de douceur et de mystère, qui parvient très bien à jouer les reliquats de sentiments amoureux pour un Peter désormais bien plus jeune, sans jamais être ridicule (Ah, ce dialogue où elle lui déclare qu'elle attendait qu'il vienne l'enlever le jour de son mariage pour la faire renoncer à ses vœux!). Dustin Hoffman, même s'il joue un Capitaine Crochet très inspiré par Disney, le fait avec panache et Bob Hoskins aura tellement marqué le public dans le rôle de Mouche qu'il endossera de nouveau son costume 20 ans plus tard pour un préquel à la télévision. L'une des vraies surprises du film reste cependant Julia Roberts qui casse ici son personnage d'héroïne glamour en interprétant la fée Clochette dans une version pétillante et délicieusement fantaisiste. Du côté des caméos, de nombreuses personnalités (reconnues ou en devenir) font une apparition dans le film : Phil Collins en inspecteur de police, Glenn Close en pirate barbu (si, si), Gwyneth Paltrow en Wendy jeune, et même George Lucas et Carrie Fisher jouant un couple enlacé sur un pont de Londres.
 

    Si l'esthétique n'a pas toujours bien vieilli (l'idée de faire évoluer l'univers des garçons perdus et leur repère avec le temps est plutôt bonne, mais ces looks années 90 sont vraiment dépassés), il reste quelques très bons décors : la maison des Darling (le loquet de la fenêtre en forme de crochet, on adore!) ou encore le Jolly Roger rutilant et le port auquel il est amarré, aux allures de ville côtière grouillante d'artisans et de commerçants (avec le crocodile empaillé transformé en horloge : du génie!), donnent l'impression de se promener dans un véritable parc d'attraction!
 

En bref : Devenu un classique, Hook parvient à détourner l’œuvre de Barrie pour mieux lui rendre hommage, le tout en conservant l'essence même du roman. En jouant la carte de la nostalgie et en s'amusant des limites entre réalité et fiction via une ingénieuse mise en abîme, ce film a réussi à toucher durablement les inconditionnels de Peter Pan. Un régal à visionner pendant les fêtes!


Et pour aller plus loin...

- Relisez Peter Pan, le roman original :
 

2 commentaires:

  1. Un film dont je ne me lasse pas ! Je l'ai regardé il y a peu de temps avec mes enfants. Il est vraiment génial ! Et quel casting !

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    1. Oui, et c'est fou de ce dire qu'il navait pas forcément eu un succès critique à l'époque, alors qu'il est devenu ultra populaire depuis! Même Spielberg le déteste!

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