samedi 25 décembre 2021

The Avengers : Steed and Mrs Peel ; eight vintage stories from the "Diana" comic - Emilio Frejo (textes et dessins).

The Avengers comic strip, D.C.Thomson, Diana Magazine (issue 199-224), 1966/67 - Big Finish, 2016.
 
    En 1967, l'éditeur de presse D.C.Thomson a conclu un arrangement avec ABC Television Ltd pour adapter Chapeau Melon & Bottes de Cuir en une série de bandes-dessinées inédites pour la revue Diana. Les superbes illustrations de cette création ont occupé les numéros 199 à 224 du célèbre magazine au rythme d'une double-page par semaine.
    Cinquante ans plus tard, la société de livres audios Big Finish passe un contrat avec Studio Canal, qui détient désormais les droits de la série culte, pour adapter à son tour cette bande-dessinée en feuilleton audio, avec les comédiens Julian Wadham et Olivia Poulet dans les rôles de Steed et Mme Peel. Ce livre rassemble aujourd'hui les huit épisodes originaux en BD, intégralement restaurés, ainsi que les secrets de création et des entretiens avec le casting de l'adaptation audio.

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    On en a parlé il y a peu : Chapeau Melon & Bottes de Cuir, comme nombre de séries à succès, a connu de multiples adaptations, tant en roman qu'au théâtre, ainsi qu'en bande-dessinée. Avant le comics Steed and Mrs Peel créé au tout début des années 90 pour fêter les 30 ans du feuilleton, The Avengers avait déjà connu de nombreuses transpositions sous forme de strips dans la presse. L'une des plus connues outre-Manche est celle parue dans la revue britannique Diana, destinée à un lectorat adolescent : huit histoires inédites écrites et illustrées par l'artiste d'origine espagnole Emilio Frejo, publiées au rythme d'une double-page par numéro hebdomadaire entre 1966 et 1967.
 

    Restée dans les mémoires de nombreux fans mais jamais rééditée depuis, cette BD a connu une renaissance bienvenue tout récemment, grâce à la société Big Finish. Big Finish ? What is it ? Inconnue dans l'hexagone, cette maison de production britannique conçoit et diffuse des audiobooks mais, surtout, des feuilletons et pièces radiophoniques. Ce genre quelque peu tombé dans l'oubli en France (excepté sur Radio France, notamment France Culture, qui continue d'en enregistrer quelques très beaux exemples, souvent adaptés de classiques de la littérature) est resté un média très prisé en Angleterre. Depuis sa création en 1996, Big Finish a enregistré aussi bien des adaptations audio de grandes œuvres littéraires que (et c'est depuis devenu son activité principale) de séries télévisées célèbres. Principalement connue pour ses nombreux épisodes audio et spin-off de Doctor Who, cette société s'est lancée en 2013 dans l'enregistrement et la commercialisation en audio des épisodes disparus de la saison 1 des Avengers dont les scripts, à défaut des bandes vidéos, existaient toujours. Très vite, la production a souhaité poursuivre l'aventure avec les personnages de Steed et Mrs Peel, pour lesquels la matière première était toute trouvée : Big Finish allait transposer en épisodes s les nombreuses BD publiées depuis la création de la série.
 

    Ainsi le comics de Diana est-il ressorti de la naphtaline ! L'éditeur D.C.Thompson, qui possédait alors les droits de la BD d'Emilio Frejo, a non seulement accepté le projet avec grand enthousiasme, mais il a également donné son accord pour une réédition des huit épisodes illustrés sous forme d'un album. La société Big Finish s'est chargée de cette publication, non sans avoir restauré les magnifiques planches d'origine, complétant l'ouvrage d'éléments de contexte et d'interviews de l'équipe de production et du casting audio. Qu'on choisisse ou non d'acquérir simultanément les épisodes sonores conçus par Big Finish, cela nous offre en tout cas la très belle opportunité de (re)découvrir ce comics d'une grande qualité.
 
Campagne publicitaire pour les épisodes audios.

    Ces histoires ne possédaient initialement pas de titre mais, par souci de précision et d'accroche narrative, chaque épisode s'en est vu attribuer un à l'occasion de cette réédition. C'est ainsi sur une intrigue particulièrement enthousiasmante que s'ouvre ce recueil : "Return to castle De'Ath", présenté comme une suite du célèbre épisode télévisé "Le fantôme du château De'Ath" de la saison 4. Si on réalise qu'il s'agit là d'une réinterprétation créée tout exprès pour la version audio (malgré les points communs évidents, rien n'indique réellement dans la BD qu'il s'agit du même château), l'effet d'annonce fait son œuvre à merveille et on se laisse totalement emporter par l'univers familier des Avengers.
 
 
"Return to castle De'Ath"
 
    Sur ces huit aventures d'un format très court (deux à quatre doubles-pages selon les épisodes), certaines plus que d'autres parviennent à se réapproprier les codes et l'atmosphère propres à la série. "Return to Castle de'Ath", évoqué à l'instant, est à ce titre une petite merveille. On y retrouve nos deux agents chargés de protéger un prince oriental en séjour dans un château écossais aménagé en station de ski (ambiance hivernale totale, une lecture parfaite pour la saison !) qui fourmille d'agents ennemis - un récit qui fonctionne totalement et qu'on imagine aisément porté à l'écran au cours de la saison 4. Malgré d'excellentes idées, la sauce prend moins bien dans l'épisode "The Miser" ou le pourtant prometteur "The Golden dresses", même si les clins d’œil à la série sont plaisants. Le premier, outre un Diabolical Mastermind qu'on découvre être un ridicule petit bonhomme complexé par sa taille (un méchant digne du show), nous donne à voir une Mrs Peel retenue prisonnière sous une presse à cidre, comme dans l'épisode "Dans sept jours, le déluge". Le second met en scène une maison de couture servant d'écran de fumée à des activités criminelles ;  le ressort principal consiste en des robes tissées d'or répondant à des ondes électriques afin de contrôler à distance les femmes qui les portent (on pense alors aux célèbres cybernautes de la série, évidemment). Autre légère déception malgré ses nombreuses ressemblances avec "Le tigre caché" (saison 5) : "The Antagoniser" (intrigue centrée sur l'invention d'un savant fou qui parvient à faire resurgir des instincts meurtriers chez l'animal même le plus sage) reste très convenu et un peu cheap.


    Effets garantis, en revanche, pour les épisodes "The Norse code", "Playtime is over" ou "The Mad Hatter". Le premier évoque une version viking de l'épisode de la saison 3 "Cette grandeur qu'était Rome" et met en scène des criminels grimés en Vikings, voyageant en Drakkar en pleine campagne anglaise (!). Le second joue avec style et audace avec les codes de l'enfance, un univers souvent utilisé dans la série, si bien qu'il est impossible de ne pas songer à "Rien ne va plus dans la nursery", faisant de cette histoire un potentiel excellent épisode de la saison 5. On y suit Steed et Mrs Peel face à une troupe de sept nains de cirque déguisés en enfants, commettant des crimes pour le compte de Black Heart, leur vénéneuse chef de gang. Cette grande méchante aux allures de vilaine reine opère depuis son QG caché dans dans un magasin de jouets et communique avec ses sbires via des écrans dissimulés dans des miroirs. Les références à Blanche-Neige et les objets féériques détournés en gadgets montrent que l'auteur avait tout cerné des codes du show
 

    Enfin, "The Secret Six", s'il ne semble pas faire l'unanimité sur la toile, nous a en revanche plutôt convaincu. Cet ultime histoire de l'album a en effet été critiquée pour son univers trop éloigné de l'atmosphère de la série, mais certains très bons épisodes du show pouvaient parfois l'être et, même, se démarquaient justement ainsi. A ce titre, tout comme l'épisode "Le dernier des sept" (saison 5) qui se voulait un hommage assumé aux Dix petits nègres d'A.Christie, "The Secret Six" est un clin d’œil appuyé au roman Les Quatre de la Grande Dame du Crime. En ce qui nous concerne, nous avons donc été pris au jeu par cette intrigue de bal masqué pendant lequel sont mis à jour les "Secret Six", six grands criminels internationaux parmi les plus recherchés par les autorités du monde entier.
 

    De façon générale, on a donc ici des intrigues globalement fidèles à la série originale, pour la plupart à l'atmosphère de la saison 4. Le format parvient, malgré sa brièveté, à glisser quelques dialogues intéressants entre nos deux héros même si cela n'est pas aussi savoureux ou exploité que dans d'autres adaptations. En effet, la concision reste de mise afin de respecter le peu de place laissée dans la revue Diana : l'auteur a ainsi recours à de nombreuses ellipses et se trouve obligé d'user et d'abuser de cartouches narratifs et récitatifs pour commenter ou raconter l'avancée de l'enquête plus rapidement. Enfin, lectorat jeunesse oblige, Emilio Frejo troque l'iconique coupe de champagne finale contre... une (triste) tasse de café !
 

    Ces quelques défauts sont en revanche compensés par un atout de taille, qui fait de cette adaptation en BD l'une des plus réussies : les illustrations. Diplômé de l'école de comics de Valenciennes, Emilio Frejo s'inspire directement de photos promotionnelles ou de clichés d'épisodes pour redessiner les visages de nos deux héros. Le résultat est d'une rare finesse et d'une élégance admirable : les faciès et silhouettes de Diana Rigg et Patrick McNee sont particulièrement reconnaissables et les reliefs et jeux d'ombre, saisissants de réalisme. Si E.Frejo n'a pas veillé à reproduire avec fidélité ces décors emblématiques que sont les appartements de Steed et Mrs Peel, il a par contre reproduit leur garde-robe avec une fidélité qui mérite les honneurs. On reconnait ainsi de nombreuses tenues portées par Emma dans saison 4 ainsi que quelques emmapeelers de la saison 5.
 

    Enfin, le découpage des cases et la mise en scène (ou devrait-on dire "mise en planche"?) sont quasi cinématographiques : certaines vignettes offrent des prises de vues dignes des meilleures films d'action (et certainement alors impossibles pour le petit écran), à l'image de la scène très intense du télésiège dans l'Ecosse enneigée de "Return to castle De'Ath". Une merveille visuelle qui sert totalement le scénario.
 
Un découpage et des angles de vue extraordinaires !
 
En bref : Une merveilleuse transposition en comics de Chapeau Melon & Bottes de Cuir ! Vintage à souhait et portée par une mise en image d'une rare élégance, cette BD méritait sa réédition. On a à présent hâte de voir (enfin, d'écouter) ce que donnera l'adaptation en épisodes radiophoniques de ces aventures hautes en couleurs !
 
 


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