jeudi 28 août 2025

Un oeil bleu pâle - Louis Bayard.

The Pale Blue Eye
, Harper Collins, 2006 - Editions Le Cherche Midi, coll. Néo (trad. de J.L. Piningre), 2007. Editions Pocket, 2008 - Editions Le Cherche Midi, 2023.
 
    1830. Gus Landor est un vétéran en retraite de la police de New York. Personnage complexe, usé par les années de service et les tragédies personnelles, il répond à l'appel des autorités de l'académie militaire de West Point lorsque la dépouille d'un élève-officier est retrouvée atrocement profanée. Pour mener son enquête, Landor prend pour assistant un cadet de l'école, sombre et tourmenté, nommé Edgar Allan Poe. C'est le début d'un terrible voyage au cœur des ténèbres pour les deux hommes qui, lancés sur la piste d'un tueur machiavélique, devront affronter leurs propres démons alors que l'académie entière est prête à basculer dans la folie. Tandis que les cadavres s'accumulent, Landor et Poe pénètrent les arcanes mystérieux de West Point, entre sociétés secrètes et sacrifices rituels, jusqu'à une conclusion aussi stupéfiante qu'imprévisible.

    Louis Bayard nous propose un thriller gothique et érudit, d'une intensité rare. Multipliant les énigmes, les fausses pistes et les trompe-l'œil, il construit une intrigue qui prend racine dans la vie et les œuvres d'Edgar Allan Poe, au suspense constant et au final éblouissant. Un œil bleu pâle a été adapté pour Netflix avec dans les rôles principaux Charlotte Gainsbourg, Christian Bale et Robert Duvall.

" Un œil bleu pâle est une poupée russe : roman policier, gothique, sanglant, mais aussi, pour qui veut, jeu littéraire et logique abouti. "
Philippe Lançon, Libération
 
*** 
 
    Repéré à l'occasion de sa première édition française, Un œil bleu pâle était inscrit sur notre wish list depuis 2008. A l'époque, les consonances francophones du nom de l'auteur nous avaient laissé imaginer une nationalité française, mais il n'en est rien : Louis Bayard, né au Nouveau-Mexique, est tout ce qu'il y a de plus américain. Il nous aura fallu 17 ans avant de nous plonger dans la lecture de ce qui reste à ce jour son grand best-seller, sa récente adaptation sur Netflix (2023) ayant remis un coup de projecteur sur le roman original.



    L'intrigue nous donne à lire le journal d'Augustus "Gus" Landor, ancien inspecteur de la police de New York en retraite anticipée en Virginie, où il habite un petit cottage en pleine forêt. Un matin d'Automne 1830, l'académie militaire de West Point sollicite ses services : on a retrouvé un cadet pendu pendant la nuit, le corps ayant été atrocement mutilé dans un second temps. En effet, à la faveur de l'obscurité et de l'inattention du jeune étudiant chargé de surveiller le cadavre, quelqu'un sera revenu lui arracher le cœur. Pour Sylvanus Thayer, surintendant de l'académie, ce ne peut être là que l'oeuvre d'un fou – fou qu'il faut arrêter au plus vite. L'école étant sur la sellette, cet incident pourrait précipiter sa fermeture par le gouvernement et Thayer a donc besoin d'un enquêteur discret afin de résoudre le crime avant que l'information ne remonte aux oreilles de personnes plus haut placées. Landor, fin observateur du monde au regard acéré, y voit une occasion de sortir de sa retraite le temps que durera l'affaire. Alors qu'il entame ses investigations, il est accosté par un cadet, un jeune homme parmi les plus étranges qui lui ait été donné de rencontrer : celui-ci, répondant au nom d'Edgar Allan Poe, lui glisse à l'oreille que le meurtrier ne peut être qu'un poète. De rencontres fortuites en dialogues à bâtons rompus avec ce garçon au teint pâle et à la silhouette dégingandée, Landor entrevoit chez Poe une perspicacité qui peut lui être utile et lui offre un emploi : il sera son assistant en secret, sa taupe au sein de l'académie.
 

    Faire d'une personnalité historique un détective amateur, c'est un schéma littéraire aujourd'hui usé jusqu'à la corde, même s'il a souvent donné lieu à de bons livres. Après Voltaire et Oscar Wilde, après les sœurs Brontë et Jane Austen, après Rose Bertin et Houdini, c'est cette fois un jeune Edgar Poe qui mène l'enquête. Pour ce faire, Louis Bayard se base sur un épisode véridique des jeunes années du futur poète : son (bref) séjour à l'académie militaire de West Point, en Virginie. A cette époque, Edgar a perdu ses parents depuis longtemps et entretient des relations compliquées avec son père adoptif, John Allan : les ambitions littéraires de l'aspirant écrivain ne plaisent guère à son tuteur, qui a cependant consenti, après plusieurs projets étudiants ou professionnels aussi anarchiques qu'inaboutis, à financer son cursus à West Point. Les archives et la petite histoire racontent que le cadet Poe s'y démarque par de très bons résultats dans les matières académiques, mais aussi par son insubordination latente. C'est dans ce court chapitre de la vie d'Edgar Poe que Louis Bayard glisse un crime fictionnel, lequel va catalyser les aspirations artistiques et esthétiques du futur auteur du Corbeau.
 
Le jeune Edgar A. Poe
 
   On ne regrette pas du tout la découverte de ce joli pavé, même si on comprendra celles et ceux que le style aurait rebutés : il y est volontairement tortueux et certaines longueurs poussent parfois à une lecture en diagonale. Pour autant, l'écriture d'Un œil bleu pâle est l'une des grandes réussites de ce roman ; la capacité de l'auteur (mais aussi du traducteur, qui a fait un travail exceptionnel) à donner corps au personnage de Landor à travers une narration à la fois complexe, réaliste et immersive est un véritable tour de force. Dans cette catégorie de récits à la première personne, la plume reste trop souvent convenue ; ici, la voix de l'auteur s'efface complètement derrière celle du narrateur. Dans les hésitations, dans les circonvolutions de la pensée et du langage, dans les corrections apportées après coup à un dialogue, comme si la mémoire revenait soudainement à Landor (ou, peut-être, comme s'il s'amusait aux dépens du lecteur), le style force l'admiration. On pourrait tout à fait croire à la retranscription du journal tenu par un réel enquêteur du XIXe siècle à la retraite, un "vieux de la vieille" à qui l'expérience a donné une intuition presque surnaturelle.
 
Cadets de l'académie de West Point, fin du XIXe siècle.
 
    Non content du travail sur cette première narration, l'auteur alterne les extraits du journal de Landor avec les rapports que lui transmet Poe, où il rend compte de ses recherches au sein de l'académie. Là encore, la voix du personnage s'impose, et avec elle, tout l'univers poétique de l'Edgar Allan Poe en devenir. La langue y est plus sophistiquée et le narrateur y recherche le terme exact pour restituer soit ce qu'il a vu, soit ce qu'il en pense. En toute pertinence au regard du personnage, le verbe occupe une place de premier plan, et les sujets abordés dérivent naturellement vers les centres d'intérêt de Poe : une esthétique mélancolique et morbide, Louis Bayard prenant garde à ne jamais tomber dans les clichés qu'on associe bien trop souvent au célèbre auteur des Contes Macabres.
 

    Parce que ces voix restituent avec talent la psychologie des protagonistes, c'est là l'autre point fort de ce livre : les personnages. Les portraits sont dressés sans concession, l'auteur ne cherche pas à les enjoliver et nous les présente avec tous leurs défauts et toutes leurs manies, dessinant les contours de personnalités profondes et charismatiques. Landor et Poe sont évidemment en tête de liste (Louis Bayard mettant en scène une relation très émouvante et toute en pudeur, presque filiale, entre le vieux détective et son apprenti), mais leurs regards croisés permettent d'appréhender des personnages secondaires tout aussi complexes au filtre de leurs subjectivités respectives, brouillant ainsi les pistes dans l'avis que le lecteur cherche à s'en faire.
 
Le vrai surintendant Thayer, qui devient ici un personnage de roman. 
 
    Du côté de l'intrigue, en revanche, on a émis de nombreuses réserves tout au long de notre lecture. Les indices aiguillent rapidement l'enquête vers une histoire un peu facile de culte satanique, un ressort scénaristique très stéréotypé et, surtout, loin de la subtilité que l'auteur avait placée dans l'écriture et dans ses personnages. La solution du mystère, ensuite, semblait se laisser deviner dès le milieu du roman. On s'est donc convaincu qu'Un œil bleu pâle ne méritait peut-être pas son statut de best-seller et ses excellentes critiques, jusqu'à ce que les dernières pages viennent balayer nos objections et qu'on se range à l'avis général : ce livre est une réussite totale. Plus que ses quelques clins d’œil à l'oeuvre de Poe (on comprend petit à petit que le personnage de Landor lui inspirera celui du détective Auguste Dupin, easter egg parmi d'autres références habilement placées), ce thriller historique convainc par le talent de l'auteur à piéger le lecteur dans l'ultime phase du roman.
 
West Point et son atmosphère glaciale...

En bref : Thriller historique gothique et mélancolique comme l'est la poésie de Poe, Un œil bleu pâle se démarque des polars sanglants en costume d'époque par l'authenticité stupéfiante de sa narration et la complexité ambivalente de ses personnages. Puzzle machiavélique sans faille, l'intrigue achève de nous convaincre par son twist final, certainement l'un des meilleurs du genre. Un sombre délice.

mercredi 13 août 2025

Là où gisent les endormies - Faridah Àbíké-Íyímídé.

Where sleeping girls lie
, Feivel & Friends, 2024 - Éditions Ellispsis (trad. d'E.Chiron), 2024 - Editions PAL, 2025.
 
    Sade Hussein intègre la prestigieuse Académie Alfred Nobel après avoir été scolarisée à domicile toute sa vie. Bien que la malchance l'ait toujours
accompagnée, elle ne s'attend pas pour autant à ce que sa nouvelle colocataire, Elizabeth, disparaisse après sa première nuit à l'internat. Alors que les rumeurs à son égard vont bon train, Sade attire l'attention de la Satanée Trinité, un trio de filles populaires et énigmatiques. Entre en apprendre plus sur elles et rattraper son retard en classe, Sade a déjà beaucoup de pain sur la planche. Mais quand elle prend conscience que personne ne se soucie de ce qui est arrivé à Elizabeth, elle s'allie au meilleur ami de cette dernière, Baz, pour mener l'enquête. C'est alors qu'un étudiant est retrouvé mort.
    Tandis qu'elle tente de comprendre ce qui se passe, Sade se rend compte que l'ANA et ses étudiants sont plus mystérieux qu'elle ne le pensait.
 
Des secrets se cachent derrière chaque porte... Des secrets qui rivalisent même avec les siens.
 
***
 
    On l'a rappelé tout récemment avec notre lecture de Camelot, de Fabrice Colin : on a un penchant pour les intrigues se déroulant dans des pensionnats ou au sein d'anciennes universités où vieilles pierres et briques rouges se côtoient sous le lierre. Une veine littéraire majoritairement britannique mais pas que, comme en atteste le célèbre Maître des illusions de l'Américaine Dona Tartt. Exemple typique de ce registre très anglo-saxon qu'est le "roman de campus", Le maître des illusions a également popularisé l'esthétique Dark Academia aujourd'hui bien connue du monde des hashtags. Aussi, tout semblait réuni pour que les années 2020 se réapproprient ce registre du roman universitaire aux codes très instagramables. Ainsi est né Là où gisent les endormies, de l'autrice Faridah Àbíké-Íyímídé.
 

    L'intrigue nous fait entrer dans la prestigieuse ANA, l'Alfred Nobel Academy, un lycée de luxe situé en Angleterre. Doté d'un immense campus, l'établissement fonctionne comme une université et chaque nouvel élève est affilié à une maison à laquelle correspond son bâtiment avec chambres et pièces communes. Des maisons baptisées des noms d'augustes personnalités scientifiques. Masculines. Et blanches. C'est en tout cas ce que constate Sade Hussein lorsqu'elle passe les grilles de l'ANA en cours de premier semestre, après des années de scolarité à domicile. Le récent décès de son père, qui lui refusait jusque-là un cursus ordinaire, lui a ouvert les portes du monde extérieur et la possibilité, enfin, d'avoir une adolescence normale. A peine arrivée dans l'enceinte du lycée, Sade est présentée à Elizabeth, dont elle partagera la chambre. Mais 24 heures plus tard, cette dernière s'est envolée. Disparue. Volatilisée. Après une courte période de tension pendant laquelle tout le monde soupçonne "la nouvelle" d'être responsable, le proviseur rassure toute l'école en annonçant qu'Elizabeth a finalement décidé de suspendre sa scolarité et qu'elle est partie vivre chez sa tante. Or, ce que Baz, le meilleur ami d'Elizabeth et garçon haut en couleur, apprend à Sade ne la rassure pas du tout : l'annonce du proviseur ne peut être qu'un mensonge car la tante d'Elizabeth est décédée. Sade et Baz décident alors de mener leurs propres investigations, une contre-enquête destinée à retrouver leur amie. Cette dernière paraissait préoccupée avant sa disparition ; elle recevait plusieurs textos qui semblaient la mettre mal à l'aise, puis on avait déposé un cadavre de rongeur sur le paillasson devant sa chambre. Lorsque Sade tombe sur des lettres et des messages codés dissimulés dans une boite à musique qui appartenait à sa colocataire, elle découvre que celle-ci tentait de mettre à jour l'un des plus sombres secrets de l'ANA et de dénoncer les agissements de certains des élèves parmi les plus populaires. Il apparait très vite qu'Elizabeth en savait trop et qu'elle avait tout intérêt à disparaître... Qu'en sera-t-il de Sade, maintenant qu'elle suit le chemin tracé par sa camarade ? A moins que la proie ne devienne le chasseur...
 
Faridah Àbíké-Íyímídé
 
    Sur le papier et dans tous ses éléments clefs, Là où gisent les endormies semblait fait pour nous. Séduit par le titre et par la couverture, on l'avait inscrit depuis longtemps sur notre wish list avant que la sortie en poche et les congés estivaux nous permettent simultanément de nous plonger dans ce pavé de près de 700 pages. Les premiers chapitres étaient par ailleurs furieusement prometteurs : avec son introduction à la narration floue et ses extraits de journal intime anonyme disséminés au fil du texte, l'autrice éveillait très vite la suspicion et, brouillant les pistes, l'envie d'aller plus loin. Thriller psychologique, Là où gisent les endormies sait en effet captiver le lecteur et cultiver la machine à spéculations, multipliant les questionnements en même temps que se dessinent de nombreuses pistes et sous-intrigues. Usant à foison des codes narratifs de la série télé et maniant l'art du cliffhanger, Faridah Àbíké-Íyímídé sait faire de son livre un page-turner efficace, le tout dans un univers esthétisant à souhait. Mais. Car il a un mais ; voire plusieurs.
 

    On ne peut nier avoir passé un bon moment de lecture, mais on ne peut pas nier non plus ne pas avoir été déçu, au moins un chouïa. Le premier point négatif qui nous a très vite sauté aux yeux et qui a rendu la lecture parfois pénible est le texte français : la traduction est assez médiocre, au point que certains passages donnent l'impression d'avoir été écrits par l'intelligence artificielle. Construction de phrase maladroite, ordre des mots correspondant à la syntaxe anglo-saxonne, retranscription littérale des métaphores... même si cela s'améliore après le premier tiers du livre, on ne va pas se mentir : ça gâche le plaisir. Ajoutons à cela que la traductrice ne semble pas connaître le dictionnaire des synonymes (le vocabulaire est restreint et elle répète trop souvent les mêmes expressions) et on passe plus de temps à lever les yeux au ciel qu'à les garder rivés sur les pages.
 

    Les personnages, ensuite. Si l'autrice offre une belle diversité en mettant à l'honneur des protagonistes noirs (ce qui est assez rare pour être noté), elle leur réserve bien trop souvent des rôles stéréotypés, loin du niveau littéraire et de la complexité dont prétend relever le roman (ou auxquels on tente de nous faire croire). Sade mise à part, les autres sont assez fades et tirent l'intrigue vers le bas : du tombeur de service au gang de pimbêches populaires (la satanée Trinité, à l'évidence pompée sur le trio des Sœurs du Destin de Chilling adventures of Sabrina), même si certains se révèlent parfois surprenants, l'ensemble est plus proche d'une série Netflix à la Élite que d'un roman d'Evelyn Waugh ou de Dona Tartt.
 

    Faridah Àbíké-Íyímídé multiplie les détails et pseudo-rebondissements sans intérêt, notamment des éléments qui, là encore, participent à faire basculer son intrigue dans le scénario d'un teen-movie  oubliable (les changements de couleur de cheveux de Baz, les émojis sandwich, l'adoption du hamster de laboratoire...). C'est d'autant plus dommageable qu'en plus d'occuper au moins 20 pour cent du livre inutilement, cela gâche toute la dimension thriller du roman, dont les enjeux et thématiques se situent à mille lieues de ces préoccupations puériles.
 

    Enfin, si la résolution du mystère est particulièrement bien menée et si l'autrice s'amuse à balader intelligemment le lecteur grâce à ce que la narration ne dit pas, l'intrigue qui se veut habile et bien ficelée présente en fait de nombreuses failles (contrairement à la citation en quatrième de couverture qui prétend que le livre n'en présente aucune – hum). Il y en a malheureusement trop, dont une de taille qui semble échapper à tous les personnages (et aux éditeurs ?), sans parler du manque de bon sens de l'héroïne devant certains indices (l'épisode des lampes à UV, ou encore la lettre codée dont elle met des siècles à reconnaître l'écriture en morse – mais peut-être que le monde des youg adults ignore ce qu'est le morse, allez savoir).
 

 
En bref : Un roman prometteur sur le papier et, d'ailleurs, l'autrice sait en faire un excellent page-turner : suspense et rythme y sont maîtrisés. Cela étant, l'univers, hétérogène, est tiraillé entre des thématiques intéressantes par leur complexité (en plus d'être terriblement actuelles) et des éléments qui sonnent beaucoup trop le teen-movie ou la série pour adolescents. L'ère du hashtag sied mal au roman de campus à la Dona Tartt, dans les pas de qui il n'est pas aisé de marcher. Le résultat est sympathique et on se laisse prendre au jeu, mais il reste trop de failles et de fausses notes pour en faire le roman qu'on nous promet.  

lundi 11 août 2025

Camelot - Fabrice Colin.

Éditions du Seuil (collection Karactère(s)), 2007.
 
    Institut Saint-James de B..., Nathan, 17 ans, doit passer l’été à préparer son diplôme de fin d’études. Un soir arrive un nouvel élève, Arthur. Accueilli comme un prince par le directeur de l'établissement, il exerce immédiatement une fascination troublante sur les élèves. L'un après l'autre, les amis de Nathan succombent à l'étrange pouvoir de séduction et disparaissent des nuits entières, sans que l'adolescent ne puisse rien savoir de leurs escapades. Puis un soir, Arthur lui propose de devenir à son tour un chevalier de la Table ronde…
 
Fabrice Colin nous entraîne avec virtuosité dans une quête du Graal d'un genre nouveau, où le mystère flirte avec la folie, où la vérité avance toujours masquée.
 
***
 
    On l'a dit il y a peu : on a fait entrer par cargaison toute une sélection d'ouvrages tirés de la bibliographie de Fabrice Colin, essentiellement des titres à côté desquels on était passé ces (vingt) dernières années. Camelot, roman jeunesse paru en 2007, faisait partie du lot – une (re)découverte qu'on ne regrette pas !
 

    Quelque part dans la ville de B... se tient l'Institut Saint-James, un pensionnat de haut standing réservé aux enfants de familles huppées. L'été, l'établissement reste ouvert : on ne saurait tolérer que les élèves de Saint-James se distinguent autrement que par la réussite scolaire, aussi l'école propose-t-elle pendant les congés des cours de rattrapage pour ceux qui ont loupé leurs examens de fin d'études. Cette année-là, Nathan, Eric, David et Mathis font partie de la trentaine de lycéens qui ne rentreront pas chez eux pour les vacances. Les deux mois qu'ils s’apprêtent à passer dans l'enceinte de l'école s'annoncent des plus austères, mais voilà qu'arrive un soir Arthur, déposé en limousine par un chauffeur. Grand, pâle, incandescent et magnétique, l'adolescent suscite la curiosité autant que la méfiance, se drapant perpétuellement de mystère. Maniant habilement les mots, fin observateur du monde qui l'entoure et manipulateur hors pair, Arthur semble avoir toujours une longueur d'avance sur les autres. Son pouvoir d'attraction a tôt fait d'appeler dans son giron les trois amis de Nathan, que le garçon voit s'échapper en douce du dortoir chaque nuit pour rejoindre leur nouveau compagnon. L'adolescent, entre envie et appréhension, rejoint bientôt à son tour le cercle très fermé d'Arthur...
 

    Voilà très longtemps qu'on n'avait pas goûté au plaisir d'une intrigue dans un pensionnat – un registre en soi en littérature que fiction, qui plus est qu'on affectionne tout particulièrement. L'Hexagone s'illustre assez rarement dans cette veine, les school stories relevant davantage d'une patte toute britannique. Mais y a-t-il auteur français plus anglais que Fabrice Colin ? Probablement pas. Celui-ci, très certainement féru lui aussi de ces histoires de pensionnat, évoque les origines de son livre en préface et cite Le grand Meaulnes et Les disparus de Saint-Agil parmi ses inspirations. Rien de très britannique au demeurant, et pourtant, il y a quelque chose de furieusement british entre ses pages, autant dans l'atmosphère que dans les personnages. Et de fait : la perfide Albion ne renierait certainement pas un internat du registre de Saint-James !
 

    Avec le personnage de Nathan, narrateur et version moderne de François Seurel, le lecteur s'identifie et vit l'intrigue à travers son regard. Comme lui, on lutte entre fascination et aversion pour le mystérieux Arthur. Comme lui, malgré nos principes et nos réticences, on se laisse séduire par cet adolescent à l'aura hypnotique. Et bientôt, comme lui, on veut ardemment être de ce cercle secret qui se réunit chaque nuit dans les souterrains de l'école pour parler rêves, contes et poésie. Quoi qu'il en coûte. Car il est certain qu'il y aura un prix à tout cela. Dans l'univers de fables épiques que s'invente Arthur, féru des légendes de la Table Ronde dont il abreuve ses camarades et dont ils se rêvent tous les nouveaux chevaliers, la frontière entre réel et imaginaire se fait de plus en plus poreuse. La vie d'Arthur ressemble à s'y méprendre à un texte de Chrétien de Troyes, jusque dans les noms de ses protagonistes ou dans sa configuration familiale : de la fée Morgane au terrifiant Mordred, tout y est. Est-ce là une simple coïncidence ou bien le garçon, aussi intelligent soit-il, ne fait-il plus la distinction entre le mythe et le réel ? Fabrice Colin, conteur sans égal, nous invite à glisser avec les protagonistes sur le fil du rasoir : sa plume, vibrante d'émotion, est l'écrin parfait à ce conte noir qui explore toutes les extrémités de l'amitié.
 

En bref : Hommage aux intrigues de pensionnat et aux school stories d'antan, Camelot est un roman ciselé comme l'architecture d'une cathédrale gothique. Thriller psychologique, intrigue d'aventure et roman d'apprentissage, ce texte inclassable est aussi une ode aux amitiés sublimes parce que maudites. Un petit bijou entre ombre et lumière qui aborde tout ce qui fait l’adolescence : vie, mort, beauté et venin.
 

dimanche 3 août 2025

Une robe couleur de vent - Sophie Nicholls.

The dress
(Everyday Magic #1), Ruby Slippers Publishing (autoédition), 2011 - Bonnier Zaffre, 2016 - Editions Préludes (trad. de M. Charrier), 2017.
 
    Fabia Moreno vient de s’installer avec sa fille, Ella, dans la petite ville de York, où elle a ouvert un magasin de vêtements vintage. Une boutique de rêve, comme les femmes de York n’en ont encore jamais vu. Car Fabia possède un don pour dénicher la robe idéale et l’ajuster à chaque cliente. Autour de son commerce, bientôt, les destins se croisent, les identités se révèlent et les amours s’épanouissent… mais naissent aussi la méfi ance et la jalousie. 

    L’exubérance de Fabia dérange, et la jeune Ella, à la peau cuivrée, est une adolescente bien mystérieuse. Parviendront-elles à s’intégrer dans la communauté ? Quel sombre secret cache Fabia derrière ses tenues flamboyantes et son accent chantant ? Sa fille elle-même sait-elle tout de l’histoire familiale ?

    Dans la lignée du roman Chocolat de Joanne Harris, adapté au cinéma avec Juliette Binoche et Johnny Depp, Une robe couleur de vent est un véritable bonheur de lecture, ode à la tolérance et hymne à la vie.

"Grâce à son talent, Sophie Nicholls se fera une place de choix parmi les auteurs qui comptent". 
Indie Book Review

"Un roman délicieux et inspirant qui, sous son romantisme assumé et son côté feel good, n’oublie pas de traiter des sujets profonds."
 Yorkshire Post 
 
***
 
    Voilà une lecture qui est tombée entre nos mains par le plus grand des hasards, alors que rien – strictement rien : ni le titre, ni la couverture, ni l'éditeur – ne le laissait présager. Ledit hasard s'est invité au cours d'une discussion avec Mother Rabbit qui, de sélections littéraires glanées sur le net en wishlists pour sa bibliothécaire, est un jour revenue de la médiathèque avec la trilogie de Sophie Nicholls dans sa récolte mensuelle. La curiosité attisée par les excellents avis publiés sur la blogosphère, on lui empruntait le premier opus afin de nous forger notre propre avis.
 
 
"L'histoire que je vais vous raconter n'est pas si simple, toute de coutures complexes et d'agrafes cachées, de poches profondes et d'entoilages rétifs à un ajustement précis. Je vais la tailler pour vous comme mamma m'a appris à le faire, en roulant l'ourlet entre mes doigts et en peignant les fils égarés le plus délicatement possible." 
 
    L'intrigue nous emmène à York, cité pittoresque de la vieille Angleterre, où la belle et mystérieuse Fabia Moreno vient d'emménager avec sa fille Ella pour ouvrir une boutique de vêtements. Mais pas une boutique quelconque, non, une boutique de vêtements vintage : des pièces uniques que Fabia ajuste à la silhouette de chacune de ses clientes, la commerçante étant également une couturière hors pair. Dotée d'un œil aguerri et d'un don pour dénicher la perle rare qui embellira quiconque passera la porte de son magasin, Fabia séduit bientôt les habitants même les plus retors de la ville, au point que personne ne s'attarde bientôt plus sur son accent ou sur ses origines. Personne ou presque, car Monsieur Pike, le conseiller municipal, ne voit pas l'arrivée de cette femme d'un bon œil – comme il n'apprécie rien qui sorte du cadre, du rang ou, de façon générale, de ce que la société bien pensante conçoit ou tolère. Il en est ainsi du jeune Billy et de sa famille : le garçon, ami d'Ella depuis son arrivée, n'entre pas non plus dans les critères élitistes de M. Pike, bien décidé à semer le trouble. Mais c'est sans compter sur Fabia qui, comme toutes les femmes de la sa famille, semble avoir hérité d'un sixième sens et d'une intuition pour le moins particulière...
 

    Tout d'abord auto-édité en 2011, ce roman de Sophie Nicholls, premier tome d'une trilogie, a rencontré un incroyable succès auprès des lecteurs. Best-seller de la plateforme Kindle Publishing, il fut même publié en édition classique quelques années plus tard, ce qui permit d'ouvrir les portes du marché étranger avec le rachat des droits par plusieurs éditeurs européens, dont l'Hexagone. Hexagone où le très sobre titre The dress est devenue Une robe couleur de vent, fantaisie que l'on doit au titre italien (Une vestito color del vento) qui a apparemment soufflé l'idée dans l'oreille des éditions Préludes ; une liberté au final aussi audacieuse qu'évocatrice puisqu'elle restitue très justement l'atmosphère magique du roman.
 
Les ruelles pittoresques de York.
  
 "Je vais monter cette histoire de mon mieux à partir de mes souvenirs, de ce que j'ai deviné et ce que, sans doute, j'ai inventé en la racontant encore et encore au fil des années.
Certaines pièces capricieuses me glissent entre les doigts comme un jersey de qualité ou se plissent sous mon aiguille comme un brocart. Il me suffit d'en lisser d'autres sur mes genoux pour les découvrir aussi légères et complaisantes qu'un vichy, aux lignes matérialisées par le fil que je tire entre les évènements - entre les mots.
"
 
    Magique, oui, mais toute en subtilité : si de nombreux détails donnent l'impression de s'affranchir du strict réel, c'est toujours avec parcimonie. Fabia et sa fille sentent des choses sans pouvoir se l'expliquer ? Certes, mais elles n'en sont pas encore à voler sur des balais ou à lire dans les pensées. Cette intuition, sorte d'héritage familial, est aussi utile qu'encombrante en ce qu'elle semble s'accompagner d'une habitude proche de la malédiction pour s'attirer des problèmes. L'atmosphère et certaines thématiques ne sont ainsi pas sans évoquer la magie très suggérée des Ensorceleuses d'Alice Hoffman ou les dons de Vianne Rocher dans le très célèbre Chocolat. Ce n'est d'ailleurs pas anodin si l'éditeur compare le roman de Sophie Nicholls au best-seller de Joanne Harris – il y a en effet de nombreux points communs dans la trame, mais surtout Une robe couleur de vent se réclame du même registre : le réalisme magique.
 

    Un registre qui permet, au-delà de quelques éléments vaguement fantastiques et de son atmosphère délicatement sucrée, d'enraciner l'intrigue dans un réel extrêmement concret avec toutes ses aspérités. L'autrice aborde ainsi sans détour des sujets profonds, loin de la chick lit dans laquelle on serait tenté de classer ce livre au premier abord : le gouffre qui sépare les classes sociales de York et comment s'exerce la domination de l'une sur l'autre, la xénophobie et la peur de l'étrange comme de l'étranger, le poids des transmissions familiales (celles qu'on choisit de faire siennes et celles qu'on tente de fuir, en vain). Le propos est parfois convenu, mais il n'est jamais maladroit et Sophie Nicholls manie suffisamment bien la plume pour que la forme marque le lecteur. Le vocabulaire de la couture y sert en effet avec poésie de multiples métaphores et la langue s'y pare de textures et de couleurs. 
 

"Il lui semblait que mamma tissait autour d'elles deux un cocon aux couleurs suaves - bleu pastel et rose argenté agrémentés d'une touche de jaune pâle -, hors duquel persistaient pourtant une pulsation, une palpitation plus énergétiques mêlant vibrations rouges, traînées blanches aveuglantes et arêtes noires anguleuses."

    Les protagonistes, tous attachants, sont conçus pour illustrer les différents sujets dont l'intrigue se fait le support. Avec la relation entre Fabia et Ella, l'autrice aborde la continuité de l'héritage familial complexe avec lequel elles tentent de composer et évoque les perturbations qui peuvent venir bousculer un lien mère-fille lorsque les secrets et l'adolescence s'en mêlent. Toujours comme dans Chocolat, mais aussi à la façon d'Amours et autres enchantements, la ville qui sert de décor amène avec elle une vaste galerie de portraits, chaque habitant portant avec lui un peu de son histoire. Les personnages y sont archétypaux, mais le lecteur s'en contente : l'ensemble a quelque chose de réconfortant et de confortable, sans jamais tomber dans la facilité. On lira la suite sans déplaisir aucun.
 

En bref : Délicat mais jamais précieux, classique mais jamais facile, Une robe couleur de vent est une agréable surprise. Personnages et thématiques, même s'ils relèvent des grands archétypes du genre, sont extrêmement bien amenés ; l'autrice les sert en effet dans l'écrin du réalisme magique, qui rend l'ensemble à la fois doux et mystérieux.
 
 
Et pour aller plus loin...

mercredi 30 juillet 2025

Un printemps pour rénover son Terrier...

 

    Voilà un moment déjà que nous n'essayons plus d'être ponctuel : le récap' de printemps qui arrive en plein milieu de l'été, c'est du jamais vu. On a même failli faire l'impasse, sauter le résumé de cette saison pour passer directement à notre compte-rendu estival dans quelques semaines. A notre décharge, nous avons été bien occupé débordé au cours des derniers mois ; notre quotidien donne chaque jour un peu plus raison à cette publication qu'on croise souvent sur les réseaux sociaux et qui dit "Adulthood is saying "But after this week things will slow down a bit" over and over until you die." Bref, on n'est pas rendu. Les joies de la vie de propriétaire sont pour beaucoup dans notre absence, dans notre retard, et dans la baisse de notre temps de lecture (proportionnel à la hauteur de la PAL, qui continue de grimper – c'est bien connu que la meilleure façon d'apaiser la frustration de ne pas avoir le temps de lire, c'est d'acheter des livres). Parallèlement, nos obligations professionnelles ont dévoré le reste de notre planning, puis nous avons dû faire avec les quelques brèches que nous avons pu ouvrir ici et là dans ce rythme de folie pour ne pas perdre la tête. Voilà donc un retour (très) imagé sur ce qu'on a réussi à faire quand on ne désherbait pas le jardin, quand on ne collait pas du papier peint, quand on ne repeignait pas les murs, quand on ne désherbait pas le jardin (oui, on sait, on l'a déjà dit, mais ça revenait souvent, cette histoire), et qu'on ne courait pas après des enfants.
 
Escapades et vie au grand air
 
 
 
 
    On a commencé le printemps avec ce tout mignon salon de jardin "hérité" de notre grande sœur après avoir fait le tour de quelques membres de la famille qui ne l'avaient finalement jamais utilisé. Il a tout naturellement trouvé sa place dans notre petite courette où, dissimulé par les buissons et arbustes, on a pris plaisir à bouquiner dans la douceur retrouvée des après-midi. Cela n'équivaut évidemment pas le superbe et très regretté saule sous lequel on lisait il y a un peu plus de dix ans, dans notre Terrier d'enfance, mais c'est malgré tout un soupçon de cet âge d'or qu'on a retrouvé là.
 
 
 
    La saison ayant rapidement pris la forme d'une course sans fin et d'un enchaînement ininterrompu de deadlines à respecter, on a été rapidement contraint d'abandonner les pauses lecture pour nous consacrer aux compte-rendus à rendre, aux formations à préparer et aux conférences à concevoir. Sans oublier le traditionnel projet artistique et culturel annuel avec nos petits monstres, mais on y reviendra plus tard (en fin d'article très exactement). Il nous est donc resté de très rares instants de liberté volés de ci de là dans un calendrier assez peu enthousiasmant, instants qu'on a donc préféré consacrer aux sorties et promenades dans l'unique but de nous aérer les méninges et petites cellules grises. On a ainsi redécouvert les circuit arpentés dans le givre hivernal cette fois couverts de fleurs et de bourgeons.
 


    On a également profité de l'allongement des journées pour nous égarer sur de nouveaux sentiers et arpenter des territoires inconnus. Parmi ceux-là, un chemin s'enfonçant dans le sous-bois, anciennement voie d'un petit train qui couvraient quelques kilomètres du secteur il y a environ cent ans. On y a trouvé quelques trésors : des maisons dissimulées dans les broussailles, d'autres escaliers cachés, des roches à la Hanging Rock (non, on ne s'est pas défait de cette obsession ; oui, on y pensera à chaque fois qu'on croisera un semblant de falaise), et des passages secrets à explorer.
 


    Puis est venu le temps des cueillettes et des récoltes : les cerises chez grand-père et grand-mère Lapin et, surprise, les fraises chez nous ! On avait en effet remarqué des fraisiers dans le jardin annexé à notre tout nouveau Terrier. Nous avons eu la joie de voir mûrir des centaines de milliers de fraises qui ont fait le bonheur de ce printemps (non, nous n'exagérons pas : vous verrez ce qu'on en a fait dans la rubrique culinaire un peu plus bas).

 
 
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Cadeaux, achats et acquisitions
 
 
     Comme nous l'évoquions plus haut, moins nous avons de temps à consacrer à la lecture, plus nous achetons de livres. Une façon comme une autre de compenser la frustration. Aussi, malgré l'absence de vraie bibliothèque (pour l'instant, du moins) au Terrier (tous nos livres sont encore répartis dans une bonne soixantaine de cartons), nous avons continué de nous offrir de quoi la remplir. Simple précaution.
    Parmi les nouveautés, donc, nous avons fait une entrée conséquente d'ouvrages de Fabrice Colin (qu'on ne présente plus). Les raisons ? Vous les connaîtrez bien assez tôt. Mais quelles qu'elles soient, elles ont été l'occasion de redécouvrir certains de ses titres à côtés desquels nous étions passé au cours des dernières années, y compris au temps reculé (mais pas tant que ça non plus, hein, faut pas exagérer) de notre adolescence (cette étrange période pendant laquelle nous n'avions rien d'un adolescent, par ailleurs – ça, c'est arrivé après, une fois entré officiellement dans l'âge adulte ; la vie est bizarrement faite). Projet oXatan, Camelot et Magnetic Island ont ainsi rejoint la PAL. Parmi ses titres les plus récents, l'éditeur nous a fait cadeau des trois premiers opus de sa nouvelle série jeunesse : A bord du Mythic, le jumeau du Titanic, dont on a chroniqué le tome 1 ici.
    Pour ce qui est de nos autres acquisitions : une édition collector de Frankenstein est malencontreusement tombée dans notre tote bag pendant les courses (oups), on s'est laissé séduire par le résumé de L'heure des oiseaux de Maud Simonnot, on a craqué pour la couverture de La librairie disparue de Evie Woods (non, nous n'avons pas encore trouvé de remède au cover porn) et, enfin, nous avons acquis le dernier né de la géniale collection Histoires Galantes de Pascale Debert, consacré à Marie-Anne Collot, talentueuse sculptrice des Lumières. 
 
 
     On a également déniché, en occasion, un roman documentaire consacré au tour du monde fait par Nellie Bly, le livre Appelle-moi de Delia Ephron (sœur de Nora Ephron, célèbre réalisatrice, productrice et scénariste américaine), et Les invisibles de Mar Romasco-Moore (trouvé dans un déstockage de grande surface : on s'est dit "pourquoi pas"). Avec les trois premiers tomes de A bord du Mythic, l'éditeur nous avait aussi fait cadeau des premiers opus d'une autre série parue dans la même collection : Léo et les orphelins de Paris, de Thibault Bérard, prometteuses aventures se déroulant dans les rues de la capitale pendant la Commune. Enfin, c'est assez rare pour être noté : nous nous sommes offert deux romans graphiques - une adaptation de Frankenstein (chut, nous ne tolèrerons aucun commentaire) et le très beau Abîmes, de Lucile Corbeille, récit familial torturé magnifiquement illustré.
 
 
     Là s'arrêtent nos achats (comment ça "Enfin" ? On ne vous permet pas !). Parlons des cadeaux à présent, notamment les cadeaux d'anniversaire. Un ami et collègue nous a offert ce superbe ouvrage pour faire soi-même ses book nooks (vous savez, ces séparateurs de livres qui ressemblent en même temps à des maquettes très très canons), qu'on avait repéré quelque temps plus tôt en librairie. Une collègue de promo de l'école de Poudlard nous a fait cadeau d'un ouvrage collectif sur la ville de Tonnerre, rédigé dans le cadre d'un atelier d'écriture dont elle est en partie l'organisatrice. Une amie nous a offert The miraculous journey of Edward Tulane, de Kate DiCamillo, parce qu'il y avait un lapin sur la couverture et que, chose étrange, on n'avait jamais ni croisé ni entendu parler de ce qui semble être un véritable petit bijou littéraire.
 
 
 
    Et puis on a reçu ce supeeerbe colis de Jane Austen lost in France, joli melting pot de tout ce qu'on aime. Du thé d'inspiration littéraire, un Atlas du Paris fantastique, un carnet, un jeu de cartes Alice in Wonderland, sans oublier une carte Lana Del Rey, furieusement pop ! On est décidément bien trop gâté ! 
 

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Popote et casseroles 
 
 
    Or donc, les fraises. Nous vous en parlions un peu plus haut. Les photos ci-dessus donnent un aperçu de ce qu'on pouvait récolter tous les trois jours – et encore, uniquement parce qu'on n'avait pas le temps d'en cueillir davantage : on en a certainement perdu plus qu'on n'en a récolté. Cette profusion inattendue a été l'occasion de faire de nombreuses offrandes aux amis venus proposer leur aide dans les travaux du Terrier, mais aussi de s'amuser en cuisine et de tester quelques recettes.

 
    Pour ce qui est des classiques, puisque le jardin a aussi été généreux en rhubarbe, on a pu refaire le crumble fraise rhubarbe aux biscuits roses, délice acidulé qui fait toujours son petit effet (visuel ET gustatif). Pour ce qui est des nouveautés, c'était l'occasion de tenter les confitures : fraise-rhubarbe tout d'abord, puis fraise tout court. La texture de cette dernière est encore à retravailler, mais on est sur la bonne voie.


 
    Mais la VRAIE découverte, c'est la strawberry rhubarb pie recette tirée du livre Mr American Pie de Marc Grossman, qu'on n'avait jamais eu l'occasion d'essayer. Tout d'abord parce qu'il faut une telle quantité de fraises que si on devait les acheter, on se ruinerait pour un dessert ; ensuite parce que la fraise cuite dans une tarte, il est vrai que c'est assez peu courant de ce côté-ci de l'Atlantique. Mais notre curiosité culinaire et notre fascination esthétique pour l'univers de Pushing Daisies (ceux qui n'ont pas la ref sont priés de sortir, de regarder cette série, puis de revenir sur cette page : ils y seront de nouveau les bienvenus) l'a emporté, et c'est heureux. Pourquoi ? Parce que le résultat est tout simplement INCROYABLE. On a hâte d'être au printemps prochain pour recommencer.
 

     Forcément, après ce déluge de fraises, le reste de ce compte-rendu culinaire va sembler très banal. Du côté du salé, on a testé et approuvé le poisson au court-bouillon, un classique que plus grand monde ne doit connaitre. Les feuilletés au jambon, faciles ET rapides, nous ont nourri les jours où la surcharge de travail ne laissait plus la place au temps nécessaire en cuisine et, évidemment, le retour du soleil a ouvert la saison des salades grecques et des tomates mozzarella !
 



 
Bricoles et fariboles :
 
 
    Si on fait abstraction des travaux, il n'y a pas eu de bricolages "personnels" ce printemps (et nous avons complètement oublié de prendre des photos afin de faire un comparatif avant-après). En revanche, il y a eu le grand final du projet artistique et culturel que nous portons comme tous les ans sur notre lieu de travail avec nos loustics. Nous avions d'ailleurs, cet hiver, présenté l'un des livres précédemment créé dans ce contexte : Il était plusieurs fois, un livre jeu inspiré de l'univers des contes de fées avec l'accompagnement du génial auteur Fabien Clavel

    Cette année, nous avons recoupé avec eux deux thématiques : la famille et les monstres (ce dernier terme n'étant pas à prendre au premier degré, mais plus sous l'angle du concept). Ce travail d'un an avec l'autrice et animatrice d'atelier d'écriture Marion Rollin a donné lieu à une création multimodale : un livre imagé comme un album photo intitulé Heurs & malheurs de l'étrange famille Dyscornu, à une exposition et à une lecture animée. Le vécu de cette famille fictive s'étalant sur plus de cent ans a ainsi été présenté à travers des vitrines, sortes de mini-cabinets de curiosités, qui dévoilent chacune la vie d'un des personnages.
 
   

    Les différentes restitutions ont donné lieu à des retours extrêmement positifs et ont suscité beaucoup d'émotion, comme en témoignent ces différents articles ICI, ICI ou encore ICIPour l'instant, l'ouvrage n'est accessible qu'auprès de la structure porteuse du projet, mais il sera prochainement disponible en librairie - pour les curieux que cela intéresse, on ne manquera pas de faire suivre l'information !
 
 
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    Voilà pour ce printemps raconté tardivement, mais fort bien rempli tout de même. En attendant le récap' de l'été – qu'on espère publier dans les temps cette fois-ci, on retourne à nos lectures et divers projets estivaux. D'ailleurs, du désherbage nous attend (oui, encore).