vendredi 25 octobre 2024

Le pays des choses perdues - John Connolly.

The land of lost things
, Hodder & Stoughton, 2023 - Éditions de l'Archipel (tard. de P. Brévignon), 2024.

    Phoebe, 8 ans, est dans le coma. À son chevet, sa mère, Cérès, lui lit les contes qu’elle affectionne dans l’espoir qu’elle se réveille. Mais il est difficile de garder espoir, si difficile... Non loin de l’hôpital où Cérès passe ses soirées se dresse une vieille demeure. Poussée par une force étrange, la jeune femme pénètre dans la maison et se retrouve propulsée dans un monde fantastique.
    Le périple de Cérès dans ce « Pays des choses perdues » sera ponctué de rencontres avec des personnages effrayants ou bienveillants, qui tour à tour l’aideront ou tenteront de la détourner de sa quête : rejoindre l’esprit de sa fille pour la ramener dans le monde des vivants.
    On retrouve dans ce roman les ingrédients qui ont fait le succès du Livre des choses perdues : l’univers sombre et fantastique de Connolly, son imaginaire foisonnant, son style vif et incisif, sa malice… Un conte qui est aussi un hommage aux livres, aux histoires qu’ils contiennent et à la lecture.

    Dans la veine du Livre des choses perdues, traduit dans 24 pays et vendu à plus de 1 million d’exemplaires, Grand Prix de l’Imaginaire - Étonnants Voyageurs - Prix Imaginales

« Une immersion dans un monde fantastique de contes de fées, un beau voyage au cœur de la condition humaine. »
The Irish Times
 
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"Les livres ne sont pas des choses tout à fait mortes, mais contiennent une puissance de vie en eux qui est aussi active que celle de l'âme dont ils sont la progéniture."
(John Milton, Areopagitica).
 
    Il y a plus de dix ans, on découvrait le très sombre et en même temps très émouvant Livre des choses perdues, best-seller inattendu de John Connolly. Hommage aux contes traditionnels dans ce qu'ils ont de plus noir et de plus profond, ce roman, véritable exception dans la bibliographie de l'auteur, avait séduit les lecteurs du monde entier et récolté de nombreux prix. Dix-sept ans après sa publication originale, alors que le romancier irlandais n'avait jamais envisagé de donner naissance à une suite – car selon lui et malgré les nombreuses demandes en ce sens, il était jusque-là persuadé qu'elle n'avait pas lieu d'être –, il a réalisé avoir accumulé assez d'idées pour s'y essayer. Fait est qu'il n'avait jamais vraiment cessé d'écrire sur l'univers du Livre des choses perdues, même si c'était alors sous forme de notes éparses et de brouillons. Le résultat, Le pays des choses perdues, paru en 2023 outre-Manche, est sorti ce mois-ci aux éditions de l'Archipel.

"C'était une impression fugace, comme une silhouette à demi remémorée aperçue sur un quai de gare au passage d'un train : sitôt vue, bientôt oubliée."

 
"Pour qu'un roman fonctionne, il doit jeter un sort au lecteur ; non pas le convaincre de croire en l'impossible ou de renoncer à distinguer le vrai du faux, mais au moins de baisser sa garde, d'accepter de rester suspendu entre deux univers."

    On y rencontre Cérès, mère courage et célibataire portée par la magie des contes, des mythes et des langues anciennes transmise par son défunt père, éminent et passionné professeur. Un passé d'enchantements relégué aux oubliettes depuis que sa fille, Phoebe, victime d'un accident, est plongée dans un profond coma. La fillette transférée dans un hôpital spécialisé à la campagne, Cérès s'installe dans une vieille maison de famille située non loin du centre de soins afin de ne pas être séparée de Phoebe. Là, peu à peu, elle se surprend à imaginer pour elle des contes qu'elle lui narre, assise à son chevet, sans comprendre d'où lui vient l'inspiration. Il s'avère que l'hôpital a justement été construit à proximité de la maison d'un célèbre écrivain aujourd'hui disparu, auteur d'un roman intitulé Le livre des choses perdues. Alors que Cérès se procure l'ouvrage, des événements étranges surviennent chez elle : les plantes grimpantes envahissent l’extérieur et l'intérieur, au point de la rendre inhabitable. Quelque chose se passe qui dépasse l'entendement, Cérès le ressent dans l'air comme dans sa chair. Un soir, poussée par quelque chose qu'elle est incapable d'expliquer, elle pénètre dans la maison abandonnée de l'écrivain. Attaquée par une force invisible, elle tente de prendre la fuite et, à l'arrière de la bâtisse, change brusquement de réalité. Elle émerge dans une forêt qui ne ressemble en rien à l'univers qu'elle vient de quitter et réalise avoir retrouvé ses seize ans. Bloquée malgré elle dans cet espace-temps parallèle qui ressemble étrangement à celui du Livre des choses perdues, Cérès se met en quête d'une issue...

"Les livres gardent les traces de tous leur lecteurs sous forme de fragments de peau, de poils minuscules visibles à l’œil nu, de graisses des doigts, et même de sang et de larmes, de sorte que, comme le livre finit par se confondre avec le lecteur, ce dernier finit aussi par se confondre avec le livre. En véritable archiviste des vivants et des morts, chaque volume garde le souvenir de ceux qui l'ont feuilleté." 


"— Les gens prétendaient que la maison était hantée, c'est pour ça qu'ils n'ont pas voulu rester. Trois contrats de location ont été annulés avant que le projet soit abandonné.
— Hantée ? Vous voulez dire, par des fantômes ?
— Ou par des souvenirs, ce qui est peut-être pareil."

    Le projet est plus ambitieux et risqué qu'il n'y parait : après le succès du Livre des choses perdues, comment envisager une suite qui ne donne pas l'impression d'une redite ? Toute la réussite de ce nouveau roman tient à la fois au sentiment de familiarité de croiser ici et là des éléments clef du précédent titre, mais, surtout, à la façon dont John Connolly parvient à les détourner, à les faire évoluer et à les éclairer d'une lumière nouvelle. On retrouve avec émotion le personnage du Garde forestier, qui sort d'un profond sommeil dès lors que Cérès fait irruption dans son monde. Et pour cause, tout laisse à penser que ce pays, ce royaume, ne prend vie que lorsqu'il est visité et, ce faisant, qu'il s'adapte et se modèle à l'image de son visiteur. C'est en tout cas ce que suggère plus d'une fois l'intrigue, se peuplant de nouveaux personnages et d'inspirations issues des mythes et légendes que Cérès tient de son enfance.
 
"Il faut être prudent avec nos pensées et se méfier de nos rêves, sans quoi les pires risquent d'être entendus ou vus, et quelque entité peut décider de les mettre en pratique." 
 
"Faites attention à ce que vous souhaitez et à la façon dont vous le formulez, comme un avocat rédigeant un document en l'expurgeant de toute faille exploitable par l'adversaire, de toute clause dont la signification pourrait être contestée ou retournée contre vous."


"David avait trouvé un moyen de transformer sa douleur en roman, et ce roman avait en retour aidé certains lecteurs à surmonter leur propre douleur. Les histoires qui nous importent ont cet effet-là : elles nous aident à comprendre les autres, et elles peuvent aussi nous donner l'impression d'être compris, et un peu moins seul au monde."

"Il y avait une différence entre être seule et être solitaire. Les livres l'avaient aidée, alors, car une personne avec un bon livre ne peut jamais se sentir seule."
 
    Aussi s'éloigne-t-on ici progressivement des contes traditionnels pour glisser lentement dans l'imaginaire hérité du folklore des vieilles terres britanniques : ses dryades, ses hobgobelins et ses faés, bestiaire encore plus ancien que le Temps lui-même, suggéré par les histoires que Cérès tenait de son père et façonné par son propre univers de références dans un jeu de glace aussi séduisant que déroutant, pour l'héroïne comme pour le lecteur. Cette dynamique imprègne jusque dans la forme du récit, puisque chaque titre de chapitre puise dans d'anciennes langues et de vieux dialectes aujourd'hui disparus, ces patois qui ont transmis et raconté ces mêmes mythes et donnés vie à ces mêmes créatures. A moins que ce ne soit l'inverse ?
 
"Quand un politicien stupide ou un de ces souriants donneurs de leçons se plaignaient des livres recommandés par l'école parce qu'ils osaient traiter les adolescents de façon respectueuse ou considérer que les questions de race, de sexualité et de genre pouvaient être pertinentes dans leur cheminement vers l'âge adulte, son père faisait toujours le même commentaire : Ne te méfie pas des gens qui lisent, mais de ceux qui ne lisent pas." 
 

"Passé et présent se déroulaient simultanément, presque en parallèle, ne se frôlant qu'en des lieux anciens, là où la terre contenait les souvenirs comme les cimetières contiennent les morts. Ces souvenirs s'insinuaient dans la terre et la pierre, le métal et le bois, imprégnant de leur essence des matériaux inanimés. Les mythes et les légendes accouraient autour de tels lieux, et engendraient des histoires, des livres, des récits, de sorte que la marge séparant le réel de l'irréel se rétrécissait de plus en plus, chaque narrateur en extrayant ses propres strates de signification et y ajoutant de nouvelles vérités. La vérité se faisait brumeuse, confuse, et le monde s'en trouvait altéré."
 
    Si l'on retrouve donc suffisamment d'éléments connus pour se sentir dans ce livre comme chez soi (l'ombre de l'Homme Biscornu n'est jamais loin), l'auteur parvient à apporter assez de nouveauté pour qu'on ne soit pas tenté de jouer au jeu des comparaisons. Époque différente, quête différente, héroïne différente, ce Pays des choses perdues se veut avant tout un témoignage sur le pouvoir des histoires, mais aussi une fable furieusement évocatrice sur le deuil autant que le rapport à l'enfance, et sur le lien viscéral qui unit une mère à sa fille. La plume, puissante, marque et émeut le lecteur.
 
"C'est ainsi que l'on perd les gens, parfois : pas d'un seul coup mais petit à petit, comme le vent souffle les grains du pollen sur une fleur." 


"Les images de démons provenant de différentes cultures présentent souvent des détails communs, comme si chaque artiste avait, à un moment donné, fait le même cauchemar."
 
En bref : Une suite aussi inattendue que réussie. John Connolly y distille suffisamment d'éléments familiers et de clins d’œil pour qu'on y retrouve l'étrange étrangeté du Livre des choses perdues et, tout en même temps, engendre un "livre-monde" bien assez nouveau pour éviter tout sentiment de redite. Son univers évolue au filtre de ses personnages et des enjeux à l'oeuvre, la quête cette fois nourrie du désespoir d'une mère face à l'impossible deuil de sa fille prisonnière quelque part entre la vie et la mort. Le style, les symboles, les inspirations aussi anciennes que le monde, tout dans ce livre résonne en nous. Une réussite.
 
 

Un grand merci aux éditions de l'Archipel pour cette lecture ! 
 
 
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"Peut-être certains mythes sont-ils si essentiels à notre existence, si cruciaux pour nous aider à comprendre le monde et la place que nous y occupons, que nous les engendrons naturellement avant de les transmettre aux générations suivantes." 
 
"Ces souvenirs nous enseignent ce que nous devons craindre, de sortes que nous pouvons en avoir conscience dès que nous venons au monde. Ainsi, nous savons que certains bruits, certaines odeurs sont des signes de danger. Nous pensons que les animaux transmettent cette faculté, pourquoi pas les humains?"
 
"C'était une sorte d'alchimie, l'invention d'histoires à partir de rien. Et comme pour toute magie, mieux ne valait ne pas examiner les procédés de trop près. Son père aurait appelé cela : trancher la gorge de l'alouette pour voir comment elle chante. Tuer ce que l'on cherche précisément à comprendre."
 
"Dès lors, rien d'étonnant à ce que, dans son adolescence, elle ait connu un bref engouement pour les histoires d'horreur – et plus elles étaient glauques, mieux c'était. Quand les poils apparaissent à des endroits inattendus et que son propre corps est en proie à des mutations – parfois sanglantes –, comment ne pas avoir envie de lire des histoires de vampires, de loups-garous, de monstres et autres créatures métamorphes ?"
 
"Quand on crée des monstres, on ne doit pas s'étonner qu'ils se comportent comme tels."
 
"La vie de chacun est faite d'histoires : un entassement permanent d'histoires. Nous ne sommes pas des créatures de chair et de sang, pas plus qu'un livre n'est une créature d'encre et de papier. Nous sommes des êtres constitués de contes et de fables. Nous existons en tant que récits. C'est par ce prisme que nous comprenons le monde et que nous devons être compris." 
 
"Le passé ne nous emprisonne pas : on peut décider de rester prisonnier mais on peut aussi choisir d'ouvrir la porte de sa cellule et de reprendre sa liberté. Même si cette porte est verrouillée, car nous avons toujours la clé sur nous. Il s'agit juste de trouver la bonne poche."
 
"Un élément crucial à saisir pour comprendre les gens et leurs motivations : dans les histoires comme dans la vie, il n'existe pas de personnages secondaires. Chacun de nous occupe le centre de son propre univers, les autres personnes étant les planètes et les lunes qui gravitent autour de nous, corps célestes tour à tour repoussés ou attirés par notre force gravitationnelle et – parfois – étoiles brillantes qui deviennent de façon provisoire ou définitive, nos astres jumeaux."
 
"Parfois, dans la vie comme dans les rêves, le monde essaie de nous communiquer une vérité, mais d'une façon si subtile qu'il nous faut du temps pour la saisir."
 
"Un livre est comme une maison (...) et les histoires sont les âmes qui l'habitent. Un livre sans histoire n'a pas d'âme" 
 
 

Et pour aller plus loin...
 

samedi 19 octobre 2024

Strange and unusual : dans les archives du Terrier...

 

    "Strange and unusual". Ainsi se décrit la jeune et atypique Lydia Deetz dans Bettlejuice, ainsi pourrait-on résumer Tim Burton et son œuvre (du moins jusqu'à ces dix dernières années... on ne cache pas, pour notre part, un intérêt en forte baisse, mais passons). Monstres réels et métaphoriques, outsiders et personnages squelettiques, son univers, peuplé d'archétypes récurrents et de motifs reconnaissables entre mille a tellement infusé dans l'imaginaire collectif qu'il est devenu une source d'inspiration à part entière. Pour cet Halloween burtonien, fouillons dans les archives du Terrier à la recherche des précédentes évocations du grand Tim : romans à l'origine de ses films et créations originales, mais aussi les œuvres de ses confrères parfois plus burtoniennes que Burton himself !
 
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Book before Burton : avant d'être un Burton, c'était un livre !
 
 
 
 
    Vampires, loups-garous et sorcières, le tout dans les psychédéliques années 70 ? Le déjanté film Dark Shadows n'a pas toujours été un film de Burton : bien avant cela, c'était une iconique série télévisée, sorte de soap opera gothique au long cours, amorcée dans les années 60. Et une saga de livres, aussi ; en effet, outre les nombreuses novélisations tombées dans l'oubli, une trilogie écrite par l'actrice principale s'est assez vite démarquée, au point de voir ses deux premiers tomes traduits en français. Moins barré et plus baroque que le long-métrage, ce roman fort plaisant est à découvrir pour sa vision complexe de l'antagoniste de l'histoire, la sorcière Angélique Bouchard...
 
 
 
    Célèbre fait divers devenu une comédie musciale, Sweeney Todd, quelque part entre le true crime et la légende urbaine, a aussi connu une vie antérieure sur papier avant d'être adapté par Burton. Véritable penny dreadful, roman feuilleton horrifique à quatre sous du siècle victorien, cette histoire de barbier sanguinaire se dévore... littéralement ! Loin de la version romantique de Broadway ou du grand écran, ce livre initialement publié sous le titre Le collier de perles donne à voir un meurtrier de sang-froid surtout attiré par l'appât du gain.
 
 
 
 
     Excellent roman au croisement du monstrueux et de l'émotion, Miss Peregrine et les enfants particuliers, joli best-seller graphique, se démarque par sa dimension très visuelle. Illustré de nombreuses vraies-fausses photos vintage, le livre de Ransom Riggs évoquait davantage l'esthétique d'un Guillermo del Toro avant que Burton ne s'empare du projet d'adaptation. L'univers original reste cependant aussi enchanteur que terrifiant, le monde de l'enfance se confrontant à celui des monstres, ces derniers évoquant quelque chose de l'horreur de la Seconde Guerre mondiale. Beau, curieux et profondément touchant.


 
    Longtemps associés à l'imagerie burtonienne bien avant que Burton ne s'en empare, ces comics de Chas Addams, adaptés à de nombreuses reprises pour le petit et le grand écrans (les films de Barry Sonnenfeld restent à ce titre indétrônables) sont des merveilles d'humour noir. Vision fantasmée et parodique du mode de vie exotique des bourgeois ici transformés en créatures gothiques, cette famille Addams est une création d'une intelligence aussi vive qu'inattendue !


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Burton on the screen
 
 
 
 
    Si, comme nous le disions à l'instant, La Famille Addams a toujours été perçue comme burtonienne avant la lettre, le célèbre réalisateur n'avait finalement jamais transposé l'oeuvre de Chas Addams avant Mercredi. Sympathique mais peut-être moins convaincante qu'elle aurait pu l'être (et pour cause : Monster is the new normy, aussi l'aura burtonienne perd-t-elle en poésie et en évocation), cette série vaut principalement pour son interprète principale. Le reste se révèle très loin de l'univers mordant et satirique de Chas Addams.
 
 
 
 
    A notre sens le dernier Burton vraiment réussi. Si l'adaptation reste moins bonne que le roman original, on y a retrouvé notre âme d'enfant. Le casting est tout bonnement impeccable, avec en tête une Eva Green incandescente en Miss Peregrine !

 
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Burtonian Mood : dans la veine burtonienne
 
 
 

 
      Parmi les grandes inspirations revendiquées par Burton, il y a Edward Gorey. Cet auteur artiste américain proche de Chas Addams (étrangement), mais dans une veine peut-être plus poétique et plus macabre que simplement drôle et décalée, a à l'évidence considérablement influencé l’œuvre du cinéaste. Ces Enfants fichus ne sont en effet pas sans rappeler le recueil La triste fin du petit enfant huître et autres histoires...
 
 
 
 
    L'aura de Burton semble flotter autour de ce roman, que ce soit à travers sa couverture originale ou sa réédition illustrées par Benjamin Lacombe, ou encore son adaptation à l'écran designée par Nicoletta Ceccoli, autant d'artistes qui ont puisé un peu de leur style dans l'iconographie burtonienne. L'histoire elle-même, celle d'un grand personnage mi-homme mi-mécanique évoluant dans un hiver victorien, n'aurait pas dépareillé dans la filmographie du réalisateur.
 
 
 
 
    Inspirée par la mathématicienne Ada Lovelace, Lili Goth est une fable fantasmagorique dans un univers gothique à la Lewis Carroll où l'héroïne part à la rencontre de personnages tous plus fous les uns que les autres. Jeux de mots à foison et détournements par centaine, une pépite évidemment signée du grand Chris Riddell !
 

 
 
    A priori rien de burtonien dans une biographie de Mme Tussaud... et pourtant, écrit et illustré par Edward Carey (dont l'univers n'est pas sans évoquer celui d'Edward Gorey), Petite est présenté par la presse comme un audacieux croisement entre Charles Dickens et Tim Burton. Crossover certes bizarre, mais furieusement évident à la lecture de ce petit bijou d'étrangeté.
 
 
 
 
     Des morts bien plus vivants que les vivants eux-mêmes ? Voilà un trope qu'on pourrait qualifier de typiquement burtonien. Dans cette version détournée du Livre de la jungle réécrit dans le décor d'un vieux cimetière, l'enfant abandonné grandit élevé par les spectres...
 
 
 
 
    Une famille de monstres mis au banc de la société par les gens bien-pensants, parce que leurs particularités, réelles ou symboliques, ne cochent pas les cases de la prétendue normalité. Très belle et émouvante évocation de la différence sous toutes ses formes (et aussi de tous les visages de la monstruosité), L'étonnante famille Appenzell, probablement l'un des chefs-d’œuvre de l'artiste Benjamin Lacombe (qui s'avoue évidemment très influencé par Burton) n'aurait pas déplu au cinéaste.
 
 
 
 
    Toujours dans la bibliographie de Benjamin Lacombe, ce recueil illustré des Contes Macabres. Si le visuel y évoque davantage l'univers de Guillermo del Toro, cet album nous rappelle l'influence du grand Edgard Poe sur l'oeuvre de Tim Burton...
 
 
 
    Dernier Benjamin Lacombe de cette sélection, cet album destiné à un public plus familial n'est cependant pas sans rappeler l'esthétique de Tim Burton. On trouve en effet dans cette galerie de célèbres méchants une Reine de Cœur et un Jack O'Lantern qui évoquent très fortement la Reine Rouge d'Alice au pays des merveilles et Jack Skellington de The nightmare before Christmas...
 
 
 

    Plus burtonien que du vrai Burton, ce conte moderne à l'esthétique décidément très familière aurait tout à fait sa place dans la filmographie du cinéaste : outre le visuel, on retrouve au casting Catherine O'Hara et Christina Ricci, ainsi qu'une BO que n'aurait pas renié Danny Elfman...


 
     Adaptation scénique du roman de Roald Dahl, ce musical de Charlie et la chocolaterie a connu pour sa version française une mise en scène qu'on ne peut que qualifier de résolument burtonienne. Difficile de ne pas songer, devant les couleurs acidulées et le carré impeccable de Willy Wonka, à la version cinématographique proposée par le cinéaste en 2005...
 
 

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    Voilà pour ce petit tour d'horizon de nos archives burtoniennes... Notre participation au challenge étant cette année considérablement réduite, ce florilège sera l'occasion de vous offrir une bonne dose de Burton en attendant le 31 octobre. Enjoy !

dimanche 6 octobre 2024

A Burtonian Halloween is coming...


 
C’était durant l’automne, dans la ville de Halloween, la Lune frissonnait,
Et là-haut, solitaire, assis sur la colline, un squelette ruminait,
Portant chauve-souris pour tout nœud papillon,
C’était Jack Skellington, un mince et grand garçon.
«Jeter le mauvais sort horriblement m’ennuie.
Mes pieds sont las des danses de mort dans la nuit.»
Mais alors, se tordant en volutes spectrales,
Émergea d’un caveau un fantôme de chien.
Sa citrouille de nez brillait au loin
Et il salua Jack d’un faible et tendre râle.
Une folle excitation égaya son visage :
Il s’avançait ici, il s’élançait par là.
Et toujours découvrant de nouveaux paysages,
Il vit enfin un arbre qui l’emplit de joie.
Baigné par sa lumière, Jack - en paix à présent-
Découvrait un émoi attendu si longtemps
Rentré à Halloween, il montra à ses pairs
Son lot de souvenirs qui les laissa par terre.
Car à toutes ces merveilles nul n’était préparé.
La plupart se réjouirent ... Certains furent apeurés !
Père Noël, occupé à faire ses joujoux,
Entendit à sa porte un léger bruit, très doux.
Il entrouvrit son huis et tressaillit de voir
Trois vilains petits masques souriant dans le noir.
En ce soir de Noël, toute la maisonnée
Allait faire la fête, y compris les souris !
Les sabots, bien rangés devant la cheminée,
A l’aube causeraient de grands, d’horribles cris.
Mais pour l’heure, nichés au cœur de leur doux nid,
Les petits ne rêvaient ni monstres ni harpies.
Ivre de joie sincère, de maison en maison,
Jack offrait ses cadeaux, à tous faisait un don.
Une plante carnivore déguisée en guirlande,
Un ourson en peluche
Pourvu de dents gourmandes ...
Il plana dans les cieux, tel une fusée agile
Avant d’être frappé tout net par un missile.
«J’ai cru si fort pouvoir jouer au Père Noël».
 
The Nightmare before Christmas, Tim Burton, 1982.
 
     Qui sait (ou se souvient) que L'étrange Noël de Monsieur Jack était à la base un poème ? On oublie souvent l'ancrage littéraire du génie de Tim Burton qui, en même temps qu'il esquissait des monstres dans ses carnets, emplissait leur pages de poésies et d'historiettes aussi macabres que drôlatiques. Burton et la littérature : une grande histoire d'amour ? D'Edgard A. Poe aux chairs couturées d'une créature de Frankenstein en passant par les œuvres d'Edward Gorey, sans oublier ses nombreux films adaptés de livres, ses inspirations semblent le prouver. Même Bettlejuice, son premier grand succès, était écrit par un romancier aujourd'hui enfin reconnu à sa juste valeur dans l'Hexagone, l'illustre inconnu Michael McDowell.
 

    Alors un Halloween livresque consacré à Tim Burton, ça a évidemment tout son sens ; d'autant plus lorsque Bettlejuice Bettlejuice vient de sortir sur les écrans – on n'aurait pu rêver meilleur appel du pied à colorer nos festivités automnales de teintes burtoniennes ! Pour l'occasion, il y aura des excursions dans les œuvres qu'il l'ont inspiré aussi bien que dans des univers proches du sien (car souvent copié, Tim Burton est parfois... largement égalé – eh oui !).  Promenades à Sleepy Hollow, retour à Collinwood, (re)découverte de Winter River... de nombreux arrêts sont prévus au programme de notre voyage, y compris quelques (plusieurs?) lectures hors-série, tombées récemment dans notre PAL et qu'il ne serait pas envisageable de repousser à l'Halloween prochain.


    Par ailleurs, comme on vous l'a récemment annoncé dans notre dernier article de blabla saisonnier, ce mois-ci et le prochain seront ceux des cartons et du grand déménagement ! Cet Halloween sera donc malheureusement quelque peu chahuté, voire certainement tronqué – et pour cause, on signe chez le notaire le... 31 octobre ! Si ça ce n'est pas un signe... Espérons que le futur Terrier soit hanté !
 

    Quoi qu'il en soit, jamais on ne manquerait, même si ce n'est pour partager que quelques lectures, le célèbre et renommé Challenge Halloween de Lou & Hilde, comparses dans la Mort et l'Au-delà, adorables et terrifiantes hôtesses, mystérieuses et glorieuses organisatrices depuis 15 (déjà) macabres années...

Alors, comme dirait Bettlejuice, on envoie la sauce !


mardi 1 octobre 2024

Silent Boy - Gaël Aymon.

Éditions Nathan, collection "Court Toujours", 2020.
 
 
 
 
    Silent boy… Celui qui la ramène pas mais qu’il faut pas chercher. Qu’est-ce que j’ai d’autre comme choix ? Tu t’intègres ou t’es mort. 

    Anton est interne dans un lycée difficile. Sa seule bouffée d’oxygène: ses discussions sur un forum en ligne, caché derrière l’avatar de Silent boy. Car dans la vraie vie, Anton ne donne jamais son avis, ne prend jamais parti. Jusqu’à sa rencontre avec Nathan…
 
 
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    Voilà un moment déjà qu'on avait repéré les romans de Gaël Aymon, sans jamais avoir eu l'occasion de les lire. Voilà également un certain temps qu'on avait repéré la collection "court toujours" des éditions Nathan, sans qu'on ait eu le temps d'y jeter plus qu'un œil. Une récente excursion au Salon du Livre sur la Place nous a permis de réparer ces deux manquements afin de découvrir la plume du premier et la ligne éditoriale de la seconde. On ne regrette pas !
 
"On est tous des moutons. On essaie de ressembler aux autres. On cache ce qu'on a d'intime pour pas se le faire salir, pour pas avoir l'air trop différent. On attend d'être à plus tard, quand quelqu'un sera capable d'entendre nos secrets. Quand la vraie vie aura commencé, loin du lycée"
 
    Anton, le narrateur, est scolarisé au sein d'un lycée situé dans un quartier difficile. S'il semble s'y être fait une place "confortable" aux côtés des plus forts, l'adolescent ne parait pas s'en satisfaire totalement. Tout ça, c'est une histoire de survie, et même s'il n'est pas forcément d'accord avec les prises de position de sa bande, il se garde bien de le leur dire et, surtout, de leur montrer. Pour passer entre les gouttes et se garantir la tranquillité, Anton a appris à ne jamais prendre position et à rester dans cet entre-deux un peu flou, cette zone grise qui l'empêche de se mouiller, de prendre des risques, mais aussi de se faire passer pour ce qu'il n'est pas. Mais la nuit, sur le net, Anton rejoint un forum où de nombreux autres adolescents s'épanchent et se confient. Après être longtemps resté en retrait, Anton, sous le pseudonyme de Silent Boy, entame la conversation. Les échanges avec une autre membre du forum l'invitent peu à peu à sortir de sa coquille et à s'interroger sur qui il a réellement envie d'être. Aussi, lorsqu'un lycéen continuellement malmené par ses camarades est changé de dortoir pour partager sa chambre avec Anton, Silent Boy réalise qu'il ne peut plus se murer dans le silence. Car qui ne dit mot consent.
 
Gaël Aymon, l'auteur.
 
    Si écrire pour la jeunesse est difficile, écrire sur la jeunesse l'est encore plus. Ses codes, ses références, sa culture, son langage ; autant d'éléments qui, fugaces et changeants, risquent de figer dans le temps une scène ou des personnages une fois les mots couchés sur le papier. L'adolescence d'aujourd'hui n'est plus celle d'hier, et encore moins celle d'avant-hier. Pas plus qu'elle n'est celle de demain. C'est pourquoi il est si difficile d'écrire un récit sur l'adolescence qui survive à l'épreuve du temps, qui reste à la fois actuel et suffisamment intemporel pour convaincre de jeunes lecteur à moyen et long terme.

"L'anonymat fait tomber les barrières. On plonge dans les pensées les plus intimes. Alors, peut-être que les membres se protègent derrière un pseudo et un avatar, mais c'est pas comme s'ils se cachaient. C'est des masques qui leur permettent d'être plus sincères."

    A cet exercice, Gaël Aymon semble plutôt bien s'en tirer. Probablement a-t-il conservé lui-même une part de cette adolescence. Alors, certes, il est possible que le vocabulaire passe, que l’argot employé se démode d'ici quelques années (d'ailleurs, le texte ne date que de 2020, et cela se ressent à travers l'utilisation de certains termes et de certaines tournures de phrases que la génération alpha a certainement déjà relégués aux oubliettes), mais les thématiques et les personnages sont suffisamment forts pour s'affranchir d'une époque et émouvoir le lecteur au-delà d'un cadre spatio-temporel précis.
 
 La forme au service du fond :
les conversations du forum retranscrites plus vraies que nature.

    D'ailleurs, comme un pied de nez à ces médias qui évoluent si rapidement, Gaël Aymon choisit de faire se confier Anton par l'intermédiaire d'un forum, soit un support probablement à l'état de mort imminente face à ces blockbusters que sont TikTok et consorts. Ce choix est revendiqué par l'auteur comme par son personnage, qui apprécie son côté désuet ; "un groupe de résistants à la dictature de l'image", dit-il. Véritable parti pris du protagoniste qui balaye donc tout risque d'anachronisme, ce forum en dit en même temps beaucoup de sa véritable personnalité et l'étoffe rapidement d'une belle profondeur.
 
"Mon pseudo annonce la couleur : "SilentBoy", le garçon silencieux. Pour moi, ça veut aussi dire le mec qui se tait, qui reste discret. Même muet, ce personnage est plus proche de mon véritable "moi" qu'Anton Gallot ou Pilo."

    Les thématiques, actuelles, tournent autour de la question du genre, sujet intemporel s'il en est. L'originalité du propos se situe dans l'angle choisi par l'auteur qui ne s'arrête pas à la question des violences sexistes, mais qui en profite pour aborder ce que la société masculiniste impose aux jeunes garçons de formatage pour mieux se fondre dans le groupe, correspondre aux codes. Rares sont les romans qui choisissent cette approche et parviennent à la défendre aussi pertinemment, surtout dans un texte au format court. Lorsqu'on referme la dernière page, on en voudrait encore, mais on réalise que le charme de Silent Boy tient aussi à sa concision. Alors, en guise de consolation, on écoute la version audio gratuite, accessible par QR code à l'intérieur du livre, narrée par l'auteur.
 

En bref : Un auteur et une collection qui valent tous les deux le détour. Gaël Aymon parvient à restituer l'adolescence dans ce qu'elle a de plus complexe, ambivalent et touchant à la fois, en confrontant son personnage principal à la difficulté de vivre notre époque et de s'y trouver une place qui soit sienne. Le propos est fort, mais jamais normatif, sujet à faire naître des réflexions chez le jeune lecteur ; soit le texte parfait pour cette collection consacrée aux préoccupations adolescentes.

dimanche 29 septembre 2024

La mort de Tante Dimity, une enquête d'outre-tombe (Les mystères de Tante Dimity #1) - Nancy Atherton.

Aunt Dimity's death (Aunt Dimity mysteries #1)
, Penguin Books, 1992 - Un amour de cottage, Fleuve Noir, 1996 - La mort de tante Dimity, Seuil éditions, label Verso (trad. d'A. Demoulin & N. Ancion), 2024.
 
    L’enfance de Lori Shepherd a été bercée par les histoires de Tante Dimity que lui racontait sa mère. Quelle n’est donc pas sa surprise en apprenant que Tante Dimity a non seulement existé, mais que cette dernière lui a confié une mission capitale à sa mort : compiler toutes ses histoires pour publication, en échange d'une somme considérable.
    Pour accomplir cette tâche, Lori doit voyager en Angleterre, jusqu’à un petit cottage des Costwold. Mais une fois là-bas, des choses très étranges surviennent dans la maison. Le fantôme de Tante Dimity semble veiller sur elle...
 
Le premier tome de la série d'enquêtes plus cosy que mystery, best-seller depuis 30 ans aux Etats-Unis !
 
« Nancy Atherton a créé un monde dans lequel nous aimerions tous pouvoir vivre. » Publishers Weekly
 
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     Peut-on vraiment prétendre connaître et définir précisément ce qu'est le cosy mystery ? Entre les immanquables du genre (Agatha Raisin en tête) et les erreurs d'étiquetage (non, Agatha Christie n'est pas du cosy mystery, entrez-vous bien ça dans le crâne), il semble finalement plus complexe qu'on l'aurait cru de cerner tout à faire ce qui constitue (et ne constitue pas) cette sous-catégorie du polar. Verso, tout nouveau label du Seuil consacré aux littératures de genre, propose de semer un peu plus le trouble sur le sujet en publiant la très méconnue (en tout cas de ce côté-ci de l'Atlantique) série Les mystères de Tante Dimity, cosy mystery vendu depuis sa publication en 1992 à plus de 1,5 millions d'exemplaires. Conscrite d'Agatha Raisin et apparemment aussi populaire que la revancharde quinquagénaire, Dimity Westwood nous invite ici dans une atmosphère bien différente. Une première édition française, passée inaperçue en 1996 chez Fleuve Noir sous le titre Un amour de cottage, avait relégué ce livre au rang des romances démodées et, apparemment, facilement oubliables. Verso lui donne une nouvelle jeunesse, avec en prime un titre et un visuel tous les deux bien plus fidèles au matériau d'origine.
 
 
    L'histoire est celle de Lori Shepherd, jeune américaine spécialiste en livres anciens, qu'on rencontre au bord de l'abîme. Orpheline suite au récent décès de sa mère, la jeune femme a depuis accumulé les coups de malchance et passe de taudis en logements insalubres à la recherche d'un travail suffisamment stable pour renflouer son compte en banque. Sa seule consolation ? Son lapin en peluche et ses souvenirs d'enfance, notamment les histoires farfelues inventées par sa mère, Les aventures de Tante Dimity, une Britannique fantaisiste à qui il arrive toutes sortes de péripéties dans une Angleterre de carte postale. Aussi quelle n'est pas la surprise de Lori d'être un jour contactée par un mystérieux office notarial et d'y apprendre que Tante Dimity, non contente d'avoir réellement existé, vient de décéder et a laissé un message à l'attention de la jeune femme. Amie de sa mère rencontrée outre Manche pendant la Seconde Guerre mondiale, Dimity Westwood est la véritable inventrice des aventures racontées à Lori pendant son enfance. Sa requête : que Lori vienne passer un séjour dans son cottage, en Angleterre, afin de consulter la correspondance que Dimity échangeait avec sa mère, dans le but de rédiger une préface aux Aventures de Tante Dimity, qui doivent être publiées prochainement. Alors que Lori s'envole pour le pays du thé et des bus à étage avec Bill, le fils du notaire, pour respecter les dernières volontés de Dimity, elle ne se doute pas encore des surprises qui l'attendent sur place, pas plus que du mystère qu'elle aura à résoudre.
 

    Parfaite lecture pour débuter l'automne, La mort de Tante Dimity est un roman sans prétention qui se savoure comme un thé réconfortant pour affronter la baisse des températures. Si on pourra discuter de la catégorisation au rayon polar, on veut bien reconnaître la justesse du propos revendiqué par l'équipe du label Verso : une enquête plus cosy que mystery. Voilà qui résume bien. L'univers, délicieusement fantaisiste, évoque une Grande-Bretagne archétypale comme on aime à la voire représentée à la télévision, une Angleterre fantasmée tout droit sortie d'une Nursery Rhymes comme l'autrice, américaine, a du en lire plus jeune. L'atmosphère presque magique du cottage de Dimity rappelle également quelques classiques de littérature de jeunesse anglaise comme L'apprentie Sorcière ou Mary Poppins, une ambiance facétieuse et désuète, mais incroyablement rassurante.
 

    Si la fantaisie s'invite progressivement dès la première partie du roman avec cet office notarial très britannique catapulté en plein milieu d'une ville américaine bétonnée, le fantastique fait une incursion évidente une fois qu'on suit nos personnages dans les Costwolds. Le cottage de Dimity y semble doué de vie propre, en plus de ne répondre qu'à la présence de Lori (les portes n'acceptent de s'ouvrir qu'à elle et le feu dans la cheminée, de ne flamber que si c'est elle qui tente de l'allumer). Si la maisonnette est hantée, c'est à l'évidence par un fantôme bienveillant, peut-être coincé entre les vivants et les morts parce qu'il lui reste quelque affaire à éclaircir... Piquée par la curiosité, Lori s'emploiera à résoudre le mystère. Il faudra pour cela remonter le cours de l'Histoire, aux origines de l'amitié de Dimity avec sa mère en plein Blitz londonien.
 

    Les personnages, furieusement attachants, parachèvent l'ambiance résolument cocooning de ce premier opus. La présence d'éléments fantastiques ne se révèle pas entièrement justifiée (l'intrigue pourrait tout-à-fait s'en passer sans empêcher la résolution du mystère) une fois le livre refermé et on a parfois regretté une construction un peu désordonnée, hasardeuse. Pour autant, La mort de Tante Dimity reste une lecture on ne peut plus agréable, aussi grâce à ses nombreux clins d’œil gourmands. La cuisine occupe en effet une part importante de l'intrigue et on peut retrouver les recettes retranscrites en fin d'ouvrage.

 
En bref : Ambiance cottagecore pour ce mystery décidément très cosy. Si l'on peut légitimement interroger la classification de ce livre au registre du polar, on se laisse rapidement gagner par le côté délicieusement cocooning de l'intrigue. L'Angleterre de l'autrice américaine Nancy Atherton est une Angleterre de carte postale façonnée par la fantaisie feutrée des Nursery Rhymes, aux archétypes faciles, mais dont on se régale littéralement. Venant titiller la fibre nostalgique du lecteur, ce premier opus parvient à séduire malgré quelques faiblesses. On lira avec curiosité le tome suivant. 

Un grand merci à Verso pour cette lecture !

lundi 23 septembre 2024

Un été pour trouver un terrier...



    Fin de saison et fin de cycle : il y a dix ans très exactement, on quittait le nid familial pour s'installer dans notre premier Terrier. Quarante saisons plus tard, après quelques hésitations, tentatives avortées, fausses joies et mauvaises surprises, on trouvait enfin un nouveau Terrier, un vrai, un grand, un Terrier à soi. Hasard du calendrier et joie du timing, la chose coïncide avec la fin de notre travail de presque un an et demi sur notre manuscrit, ce qui nous permettra de nous consacrer à notre déménagement sans aucune frustration ni goût d'inachevé quant à ce gros chantier d'écriture. Les premières démarches immobilières ont eu lieu cet été, le mois prochain sera consacré aux cartons et nous serons dans notre nouveau Rabbit Hole avant l'hiver ! De bonnes nouvelles et de réjouissantes perspectives qui nous ont permis de profiter pleinement de la saison estivale...
 
Escapades :
 
   
    Il y a tout d'abord eu beaucoup (vraiment beaucoup) de vélo, toujours au petit-matin, sur les routes abandonnées de campagne. Seule âme croisée en bord de sentier au lever du jour, le fantôme fatigué d'une Marilyn Monroe tombée d'un cadre en mille morceaux – joli et creepy à la fois. Ces chemins, sur lesquels nous avons donc pédalé pour la dernière fois, il faudra leur substituer de nouveaux circuits à découvrir.


    Au printemps dernier, nous avions photographié le verger de Grand-Père et Grand-Mère Lapin et ses pommiers en fleurs. Nous y avons passé quelques heures cet été pour cueillir les premières mirabelles et reines-claudes de l'année ; quant aux pommes, si elles n'étaient pas encore mûres, elles étaient suffisamment nombreuses pour faire crouler les branches. De quoi promettre de belles compotes et apple pies cet automne et, en attendant, de belles images de grappes écarlates.




    Puis il y a eu les visites et les sorties estivales, en particulier cette promenade au Jardin de Silière, dans le petit mais néanmoins charmant village de Cohons, jardin contemporain de Versailles, dessiné par André Le Nôtre et inscrit au registre des monuments historiques. Typique des jardins à la française du Grand Siècle, on y a retrouvé les parterres de fleurs aux lignes géométriques, ses charmilles, ses bassins et ses divinités gréco-romaines, le tout sous l’œil sérieux du Roi Soleil, dont le buste en haut du domaine contemple la grande allée traversante.
 





 
Cadeaux, achats et nouvelles acquisitions :
 
Thés peterpanesques pour lectures imaginaires

    Du côté des acquisitions, on n'a encore une fois pas fait dans la mesure... La faute au temps libre, qui laisse trop d'occasions d'arpenter les librairies et de succomber à la tentation. On a donc commencé par rattraper notre retard au rayon des cosy mysteries : le dernier Agatha Raisin disponible en poche, le dernier Ginger Gold également en petit format, ainsi que le dernier Une lady mène l'enquête. Toujours dans le registre des cosy murders, une nouveauté a rejoint la PAL : l'intégrale des Enquêtes d'Esty Westbrooke, nouvelle détective du genre, par une plume française.
    Pas vraiment du cosy, mais dans la veine des polars douillets et doucement barrés, après la lecture de la première Enquête de Pénélope, Intrigue à l'anglaise, on s'est offert les deux opus suivant d'Adrien Goetz, histoire de poursuivre les aventures mêlant meurtre et art de la charismatique héroïne conservatrice.
    Une (grosse et totalement inconsidérée) commande en ligne a été l'occasion d'acquérir, en une fois, deux romans de Kate Morton (son premier et son dernier) dans leur toute nouvelle édition J'ai Lu, la réédition très attendue de Virgin Suicide (qui manquait à notre bibliothèque et dont on attendait depuis quelque temps déjà cette reparution), le très encensé Notre part de nuit de Mariana Enriquez et le déjà célèbre Katie de Michael McDowell, en prévision d'Halloween.
    Parce qu'on n'a jamais assez de livres de recettes britanniques, on a craqué pour le très beau Angleterre (on avait déjà acheté, des mêmes autrices, le livre de cuisine Ecosse, il y a environ trois ou quatre ans) et Confiture de morts qui... n'est pas un livre de cuisine, mais un roman au titre et au résumé aussi macabres que séduisants. Au rayon des essais, enfin, le discret mais reconnu Lecteur, reste avec nous, génial plaidoyer pour la lecture, et Des philosophes et des héros ont rejoint notre bibliothèque.



    Du côté des cadeaux et des réceptions, il y a tout d'abord eu le très attendu La mort de tante Dimity, reçu en service de presse par la team du tout nouveau label Verso, dans ce très joli coffret – la chronique sera en ligne très bientôt ;-) ! Les amis ont également pensé à nous, avec ces deux ouvrages de photographies anciennes offerts par Clochette-Tinker Bell et un livre de cuisine Harry Potter par une adorable et très chère amie de longue date.

    Et puis il y a eu l'événement de la rentrée littéraire avec le Salon du Livre sur la Place, notre désormais immanquable rituel du mois de septembre. Moins tenté par les nouvelles parutions, on a cependant eu la chance d'y croiser Gaël Aymon, Clémentine Beauvais, Sophie Carquain, Chris Vuklisevic et Lionel Richerand. On y a papoté avec eux de contes de fées, de littérature, de transmission livresque, de biographies féministes, de réalisme magique et de fantômes ; on est reparti avec des dédicaces adorables, parfois illustrées, mais toujours mémorables. Bref, une excellente journée.
 




Bricoles et fariboles :

 
    Dans notre article de blabla printanier 2024, nous avions parlé du dernier projet en date réalisé au travail avec ceux que nous nommons affectueusement nos "petits monstres" : un jeu de société inspiré de la mythologie gréco-romaine, travail accompagné par le romancier et créateur de jeux de société Fabien Clavel. Le premier jour de l'été a été celui de la restitution de ce projet, avec un grand tournois réalisé pour l'occasion. Pour celles et ceux qui veulent découvrir ce jeu inédit et y jouer à la maison, rendez-vous ICI pour le télécharger.

Paquet austenien pour notre amie Jane Austen lost in France.
 
    Sinon, peu de création et de bricolage au cours des deux derniers mois. A part l'écriture ainsi que quelques paquets cadeaux – mais ne nécessitant pas ou peu de fabrications home made – cet été n'a pas été celui des activités manuelles.

Popote et casseroles:
 

    En revanche, on a beaucoup investi les fourneaux ! On s'était d'ailleurs rarement autant amusé en cuisine depuis au moins trois ou quatre ans. L'été a débuté avec un délicieux tea time et ses muffins aux myrtilles (plus exactement aux brimbelles, les véritables myrtilles sauvages). Nous avons réutilisé la recette dite "diététique" de Gwyneth Paltrow, déjà testée et approuvée il y a de cela quelques années, mais surtout parce qu'elle est bien plus audacieuse et savoureuse que la version classique.

 
    Du côté des recettes salées, beaucoup de plats devenus, disons, des "traditions" du Terrier et l'occasion de cuisiner à nouveaux quelques essais satisfaisants des années précédentes. Parmi ceux-là, la salade de lentilles (améliorée à notre façon) de Pippa Middleton et la salade pommes de terre, saumon et concombre de Jamie Oliver, dont on a une fois encore adopté la tourte courgette et cheddar, franc succès de l'été dernier. Ah, et en parlant de courgettes, on a profité de l'invasion de cucurbitacées pour en faire littéralement à toutes les sauces. Pour le reste, c'était une avalanche de salades et de produits frais ; on se réjouit à ce titre que le prochain Terrier ait un jardin potager !


 





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    Beaucoup d'images et peu de mots – un bon dessin ne vaut-il pas mieux qu'un long discours ? – pour résumer notre dernier été dans ce Terrier. Pas encore l'heure des adieux, mais cela ne saurait tarder ; on se retrouve dans trois petits mois, en direct de notre nouveau foyer...