samedi 26 septembre 2015

De l'importance d'avoir sept ans ( Les chroniques d'Edimbourg #6) - Alexander McCall-Smith.

The importance of being seven (The 44 Scotmland Street Series #6), Abaccus Publishers, 2011 - Editions 10/18, 2015.

  Rien n'est plus important pour un enfant de six ans que la perspective d'en avoir sept. Bertie, le petit prodige du 44 Scotland Street, est impatient de se libérer des occupations absurdes de son enfance – la psychothérapie, les cours d'italien et de saxophone – pour passer aux choses sérieuses, à savoir jouer au rugby, aller camper... C'est sans compter sur sa mère, la redoutable Irene, qui compte bien poursuivre le programme éducatif de son fils. Tandis que Matthew se débat dans les affres de la paternité, Angus et Domenica s'embarquent pour le voyage de leur vie en Italie. Mais les chefs-d'oeuvre ne sont pas sans danger et le syndrome de Stendhal, endémique à Florence, s'apprête à faire une nouvelle victime...

  Avec son charme, son humour et son talent légendaires, Alexander McCall Smith nous livre une nouvelle tranche de vie d'Édimbourg, additionnée de questions morales et d'amitiés (tant humaines que canines), et couronnée d'un immense amour pour l'humanité. Idéal avec du thé ou du café !

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"Le syndrome du nid vide, comme tant d'autre, est souvent illusoire (...). Le phénomène s'apparente aux angoisses qui assaillent notre société : la peur de ce qui pourrait advenir est souvent pire que ce qui arrive finalement."


"Nombre d'enfants auraient pu tirer profit d'une correction judicieusement administrée (...). Mais les théories pédagogiques actuelles réprouvent de tels comportements. Tel est le monde dans lequel nous vivons."

  Ah, la douce mélancolie propre à chaque rentrée et aux veilles de l'Automne ne serait rien sans le nouveau tome des chroniques d'Edimbourg, ce remède anti-crise et monotonie annuel que je dévore toujours avec le même enthousiasme. Je vous avais présenté l'an dernier les quatre premiers opus et le cinquième tome de ce feuilleton écossais, publié en épisodes quotidiens dans le périodique The Scotsman par l'excellent et irrévérencieux Alexander McCall-Smith. Avec ce sixième tome racontant les chassés-croisés sentimentaux et relationnels des locataires d'un quartier d'Edimbourg, l'auteur à l'humour flegmatique et à la plume acérée poursuit son tableau sociologique mordant de la société actuelle.

"Les gens enrobent ça sous le nom de stage. En réalité, les stagiaires sont souvent des employés non-rémunérés. Un terme ronflant pour un phénomène qui ne date pas d'hier. Autrefois, on aurait parlé d’esclavage."

  Dans ce sixième tome, Matthew le timide fils à papa s'est donc totalement remis des doutes propres à ses débuts de jeune marié, mais affronte maintenant ceux de futurs père: alors qu'il vit d'amour et d'eau fraîche façon roman photo avec Miss Harmony, cette dernière annonce attendre non pas un, mais trois enfants! Il n'en faut pas plus pour bousculer la confiance (fragile) que Matthew pensait avoir pris jusqu'ici, lui même qui en venait à vanter le bonheur de la vie conjugale à Angus. Angus, le peintre philosophe et éternel altruiste, qui se demande en effet si sa profonde amitié avec Domenica la sociologue n'a pas atteint un tournant capital vers une relation d'une autre teneur. Si cette question survient par piqures de rappel intermittentes, elle n'empêche nullement l'un et l'autre de poursuivre leusr multiples digressions et conversations sur la nature humaine. Et même, encore moins de refuser l'invitation d'Antonia en Italie, alors que cette dernière a justement des vues sur Angus. Pendant ce temps, Pat fait son grand retour à Scotland Street! Après avoir fait un grand ménage dans sa vie et retrouvé un équilibre dans son quotidien, elle propose de nouveau ses services à la galerie d'Art de Matthew, au moment même où Bruce, Narcisse personnifié, sort de l'ombre et prétend avoir fait amende honorable. Enfin, au milieu de ce beau monde d'adulte, n'oublions pas le petit Bertie, qui espère avoir bientôt ses sept ans pour échapper au giron étouffant de sa mère toujours aussi castratrice. Bref, des rebondissements en perspective!

Vue de Scotland Street

"Quand un changement survient dans notre vie, nous sommes souvent mal à l'aise. Nous savons qu'il est important, nous nous persuadons même qu'il est profitable -souvent à juste titre-; tout en craignant au fond de nous-même qu'il n'apporte avec lui son lot de regrets."
 
  Et que de rebondissements! Propre au rythme effréné du feuilleton et à la tonalité quasi-sociologique (ou sociologico-humoristique, devrais-je dire, à moins que ce ne soir sociologico-britanico-flegmatique?), Alexander McCall Smith continue, à travers les pérégrinations et interactions toujours aussi fantaisistes de ses personnages, de dépeindre les charmants travers de nos semblables... et de nous-même. Qui ne reconnaitra pas sa part d'enfance frustrée dans le quotidien de Bertie? Qui ne  verra pas ses propres doutes de futur papa en suivant les questionnements de Matthew, ou encore ne se remémorera pas quelques relations amico-amoureuses face au tandem Angus/Domenica? Surtout lorsque ce que qu'on pourrait prendre pour des futilités est ainsi raconté avec la gouaille habituelle et raffinée de l'auteur. Bref, la plume so Britsh qui éloigne ce joli patchwork de personnages et de tranches de vie extravagantes d'un banal roman photo.

Cyril, le brave chien d'Angus et sa représentation du monde...

"La confiance : un concept difficile à décrire et pourtant identifiable entre tous quand il brille par son absence."

  Si Bertie est encore une fois au centre de ce volume (A.McCall-Smith avoue en introduction lui être très attaché), j'ai eu le plaisir de retrouver... Pat! Pat, ma chère et adorable Pat, l'héroïne avec qui l'auteur avait inauguré la série, largement présente dans les premiers opus avant de quitter Scotland Street. Si son rôle est assez secondaire dans la présent tome, il laisse à penser à davantage d'importance dans les tomes ultérieurs. Parmi les quelques chapitres où elle est présente, je retiens particulièrement, en fin d'ouvrage, le tordant passage qui se termine en véritable crêpage de chignon (au sens propre comme au figuré, vous verrez...) au café de Big Lou. 
  Parallèlement, l'axe narratif qui suit Angus et Domenica prend un tournant très inattendu : vous l'aurez compris plus haut, le peintre se pose la question du... mariage !? Alors qu'un tel bouleversement ne s'était jamais laissé entendre entre les deux amis (et encore moins pour les fidèles lecteurs, moi le premier), l'auteur pose en fait la question de l'affection mutuelle et du caractère ambigu d'une relation, qui peut parfois mener deux personnes à s'unir lorsqu'elle arrivent à un certain tournant de leur vie...

 L'auteur et son chat...

"Il y a des gens comme ça (...) à qui on ne souhaite que du bonheur parce qu'ils en sont dignes et à qui il n'est pas accordé parce que les dieux, ou la vie, sont injustes. La file d'attente pour le bonheur était désorganisée : elle s'étirait et serpentait de telle façon qu'il était parfois difficile d'en percevoir la fin."

En bref : Derrière les apparentes excentricités de ces personnages qu'on retrouve chaque année comme une bande de vieilles connaissances, Alexander McCall-Smith dissèque à merveilles les petits travers de la société actuelle. Quand la sociologie se déguise en comédie à l'humour so' british, on en redemande avec un deuxième plateau de scones et de thé... Savoureux.


Et pour aller plus loin...


-Découvrez les 4 premiers tomes, ICI. le 5ème ICI, et les autres à venir...

-Jetez un œil sur le site officiel de l'auteur, ICI.



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