mercredi 25 décembre 2019

Miss Fisher enquête ! (saison 3) - Une série de D.Cox et F.Eagger d'après K.Greenwood.

Miss Fisher enquête! 

(Miss Fisher's murder mysteries)

- saison 3 (dernière) - 
 
Une série de Deb Cox et Fiona Eagger d'après les romans de Kerry Greenwood.

Avec : Essie Davis, Nathan Page, Hugo Johnstone-Burt, Ashleigh Cummings, Miriam Margolyes...

Première diffusion originale : Mai 2015
Premier diffusion française : Décembre 2015

Sortie en dvd française chez Koba film : Mars 2016
  Dans le Melbourne des années 1920, Phryne Fisher est une jeune femme audacieuse et moderne qui brave tous les dangers pour élucider les crimes les plus mystérieux. Vêtue des plus belles robes, elle se faufile dans les sombres ruelles, les clubs de jazz et les somptueuses villas à la recherche du moindre indice.
*** 


  Après une première saison majoritairement inspirée des intrigues originales de K.Greenwood et une seconde saison qui s'était imposée avec ses propres codes, l'avenir de Miss Fisher enquête! n'en était pas moins très incertain à la fin de l'année 2013. Le directeur de la chaine ABC Australia (qui produisait et diffusait la série) annonça même début 2014 qu'une troisième saison pourrait bien ne pas voir le jour, compte-tenu du coût astronomique de chaque épisode et de moyens financiers en baisse. Une rumeur qui circulait à l'époque affirmait aussi que la série n'attirait pas le jeune public vers lequel ABC souhaitait davantage se tourner. Après réflexion et délibération, il a cependant été annoncé à l'été 2014 qu'une troisième et probablement ultime saison de Miss Fisher enquête! avait été commandée. Probablement pour les raisons financières évoquées plus haut, cette dernière saison ne comporterait que huit épisodes...


  Huit épisodes, certes, mais quels épisodes! Les créatrices de la série, Deb Cox et Fiona Eagger, bien décidées à en mettre plein la vue avant de tirer leur révérence, avaient partagé dès l'annonce du tournage leur volonté d'explorer de nouveaux univers (notamment l’illusionnisme et l'armée de l'air) et promis un mariage avant la fin de la série (même si on doute fortement qu'il s'agisse de celui de Phryne - et heureusement, d'ailleurs, car ce serait un sacré coup de canif dans les codes de la série et la personnalité de l'héroïne). La bande-annonce diffusée quelques temps avant la première diffusion ménage ses effets pour un résultat réussi : saturée d'élégance, cette courte vidéo tournée dans le Block Arcade (un ancien passage couvert du vieux Melbourne par ailleurs déjà évoqué dans les romans – dans le livre Cocaïne et Tralala, c'est là que Phryne donne rendez-vous à Dot pour lui proposer un emploi) est un délicieux appé-teasing


  La promotion de la série fut complétée de magnifiques photographies du casting dans le décor de Labassa Mansion, un splendide manoir australien qui a par ailleurs déjà servi de cadre pour les intérieurs de la mini-série Picnic at Hanging Rock. Le ton, prometteur, était donné... restait à voir le résultat de cet ultime tour de piste de la garçonne détective...


  A l'unanimité, cette saison peut se résumer en un mot : magnifique. A la façon du final d'un spectacle de feux d'artifice, cette dernière cuvée de Miss Fisher fait merveille ; moins d'épisodes, certes, mais par là même un concentré quasi sans faute de tout ce qui a fait la réussite de la série. Cette fois, aucun épisode n'est adapté des intrigues littéraires de Kerry Greenwood et tous les scénarios sont inédits, s'illustrant dans la volonté des deux créatrices d'explorer des mondes alléchants et à la fois évocateurs des 1920's. Le bal s'ouvre avec La sirène miraculeuse (3.01, Death defaying acts), l'épisode promis sur le milieu de la prestidigitation ; se déroulant dans le cadre d'un spectacle de variétés qui voit l'assistante du magicien mourir sur scène, il amène Miss Fisher à la remplacer pour un numéro parmi les plus dangereux de l'histoire de la magie : se libérer d'une cuve remplie d'eau verrouillée à double tours. Esthétique à souhait, baignant dans une atmosphère chamarrée et bénéficiant d'une photographie excellente, La sirène miraculeuse a été dirigé par Tony Tilse, qui a filmé les meilleurs épisodes de la série (c'est à lui que sera confié plus tard la réalisation du film Miss Fisher and the Crypt of Tears). Le visuel et l'ambiance ne sont pas les seuls points forts de cet épisode, aussi marqué par une tension dramatique fort bien rendue dans ses derniers instants.


  Parmi les autres épisodes les plus réussis de la saison (difficile de choisir car, comme on l'a dit plus haut, tous égalent en réussite), on notera Les disparus de Collingwood (3.04, Blood and money) qui se déroule dans les bas quartiers de Melbourne où Phryne a par ailleurs grandi alors que sa famille était encore sans le sou, ce qui nous permet au passage de glaner d'autres informations sur son enfance. Les tourments de l'âme (3.05, Death & hysteria) s'amuse de son sujet tout en étant historiquement instructif : Tante Prudence a transformé son manoir en clinique privée pour femmes riches et hystériques, lesquelles se font soignées pour leurs désirs toujours plus ardents jusqu'à ce que l'une d'entre elles soit retrouvée électrocutée par... un vibromasseur vintage! Un sujet qui amène de tordants moments de gêne dans les dialogues sans jamais sombrer dans la vulgarité. Jeu, set et meurtre (3.07, Game, set, and murder) raconte la popularité du tennis dans les années 20, et plus particulièrement du tennis féminin ; l'occasion de nous servir à foison des tenues de sport vintage...


  Comme pour les saisons précédentes (même si c'était plus subtile dans la saison 2), une intrigue de fond se met progressivement en place pour cette ultime saison, qui voit arriver le retour à Melbourne du père de Phryne, le baron Henry George Fisher. Magistralement interprété par l'Anglais Pip Miller, le baron Fisher est un joueur invétéré, un menteur et un fourbe doublé d'un couard, bref, tout le contraire de sa fille et tout ce qu'elle déteste. Son retour apporte bien du remue-ménage et ne serait pas dû au simple hasard : un homme mystérieux, animé de meurtrières intentions, est à ses trousses. Ses motivations seront expliquées par la vérité sur l'origine de la fortune des Fisher (rappelez-vous : initialement plutôt pauvre, le père de Phryne a hérité d'un titre et d'un compte en banque lorsque ses lointains cousins fortunés sont tombés au front... mais ce ne serait pas tout...) et trouveront leur résolution dans le season finale.

Le baron Fisher en mauvaise posture...

  Autre intrigue – et non des moindres! – distillée en toile de fond de ces huit épisodes : la relation toujours aussi ambiguë entre Miss Fisher et Jack Robinson. Après les tensions de la saison précédente, leur histoire entre dans un nouveau chapitre lorsque tous les deux s'offrent (enfin) un premier vrai rendez-vous (qui n'est pas tant la conclusion de quelque chose plutôt qu'un premier pas vers une idylle à construire). Mais dans le monde de Miss Fisher, on ne peut jamais batifoler tranquille bien longtemps, si bien que leur date est sans cesse repoussé par des imprévus, au point de mettre ce cher Jack hors de lui (il faut dire qu'en terme d'imprévus, il imagine surtout d'autres hommes se précipitant à la porte de sa belle, et comme le mode de vie de Miss Fisher continue parfois de se battre en son fort intérieur avec ses propres convictions, l'inflexible inspecteur a quelque difficulté à se laisser aller et à faire confiance...). Les derniers épisodes accélèrent le rythme et Jack se montrera même on ne peut plus engageant... jusqu'à la  scène de conclusion du season finale, qui, dernière saison oblige, vient satisfaire trois ans d'attente des fans tout en laissant une porte ouverte à d'éventuelles prolongations (qui, nous le savons maintenant cinq ans plus tard, prendront la forme d'un film).


  Cette saison est aussi l'occasion de mesurer l'excellente évolution de la psychologie de certains personnages ou même l'attachement qu'on ressent à leur égard. On se réjouit de retrouver Tante Prudence (Myriam Margolyes) pour plusieurs épisodes et de la découvrir au-delà de son fort caractère et de son apparent conservatisme. Plus d'une fois dans cette saison elle manifeste un attachement profond et sans borne pour Phryne, même si c'est un peu à sa façon toujours très empruntée. Dorothy "Dot" Williams (Ashleigh Cummings), employée et demoiselle de compagnie, s'impose aussi comme l'un des personnages préférés des téléspectateurs : de la toute jeune bonne timorée des débuts, elle a appris, au contact de Miss Fisher, à s'affranchir progressivement et devenir une jeune femme forte en passe de s'émanciper, voire même une assistante de choix pour la détective. Le series finale lui accorde des au-revoirs dignes d'elle au cours d'un moment capital de la série et de son personnage, très TRES émouvant (ne vous avait-on pas promis un mariage...? ;) ).


  Côté esthétique (difficile de ne pas en parler), cette saison 3 fait encore très fort : décors, accessoires, costumes... Miss Fisher enquête! continue son sans faute. La costumière Marion Boyce est encore une fois nominée à l'AACTA Award (équivalent australien des Oscars, pour le cinéma et la télévision) des meilleurs costumes (elle avait été lauréate l'année précédente dans la même catégorie) grâce à ses splendides créations. Parmi ses plus belles pièces, les costumes de l'épisode La sirène miraculeuse évoquent le style oriental du styliste Paul Poiret, tandis que les tenues de tennis de Jeu, set et meurtre respirent l'authenticité. N'oublions pas les nombreuses robes de soirée de Phryne, combinaisons de soie et tuniques de dentelle, parfaite évocation des coupes et de l'élégance des années 1920.

A gauche : une tenue oriantalisante du couturier Paul Poiret
A droite : le costume de sirène miraculeuse portée dans le première épisode

  Côté décor, enfin, l'équipe s'est offerte encore quelques prestigieux lieux de tournage parmi le patrimoine architectural melbournais : Labassa Mansion (évoquée plus haut) devient un hôtel mystérieux dissimulant un casino clandestin, Rippon Lea Estate redevient le manoir de Tante Prudence et l'Observatoire de Melbourne est l'excellent cadre de l'ultime épisode. La preuve supplémentaire que cette série savait aussi se démarquer par des écrins de choix minutieusement choisis dans le paysage local...

Rippon Lea Estate (ci-dessus)
Labassa Mansion (ci-dessous)

En bref : Final en apothéose pour cette série jazzy et son héroïne mutine en diable, la troisième et ultime saison de Miss Fisher enquête! est un festival en tout point. Ces huit derniers épisodes brillent par leur reconstitution historique, la qualité de leur écriture et leur esthétique travaillée. Les acteurs sont excellents et nous tireraient presque une larme dans les derniers instants de la série, avant de nous décrocher un sourire avant le générique. Maintenant... vivement le film!

 

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