Urby Brown, jazzman métis de La Nouvelle-Orléans, après avoir combattu
dans la Légion étrangère en 1914-1918, a choisi de rester en France pour
échapper à la ségrégation raciale régnant alors dans le sud des
États-Unis. Établi comme détective privé à Paris, en février 1934 - lors des plus
violentes manifestations d'extrême droite contre le gouvernement en
place - il se voit confier par un riche homme d'affaires américain le
soin de retrouver sa fille kidnappée. Une enquête qui se révèle bien
plus complexe et semée d'embûches qu'il ne s'y attendait et qui l'amène,
après bien des péripéties, non seulement à découvrir un complot nazi
dirigé contre les États-Unis, mais à retrouver à la tête des mouvements
fascistes son propre père, aristocrate français qui a abandonné sa mère à
la veille de sa naissance et qu'il n'a jamais connu.
Mêlant histoire, politique et crime, ce roman noir s'inspire des oeuvres de Dashiell Hammet, de Chester Himes et de Jean-Patrick Manchette pour examiner une période trouble où l'intolérance et le fanatisme portent en germe la seconde guerre mondiale.
Mêlant histoire, politique et crime, ce roman noir s'inspire des oeuvres de Dashiell Hammet, de Chester Himes et de Jean-Patrick Manchette pour examiner une période trouble où l'intolérance et le fanatisme portent en germe la seconde guerre mondiale.
***
Derrière cette couverture aux accents art-déco se cache le dernier né des éditions Baker Street, jamais avares de pépites. Les enragés de Paris, premier roman de l'Américain francophile Kirby Williams, met en scène un personnage qui n'est pas sans évoquer l'auteur...
L'intrigue nous emmène dans le Paris animé et jazzy des années 30. Urby Brown, jazzman métis et orphelin originaire de la Nouvelle-Orléans, s'y est reconverti en détective privé. Né d'un Français inconnu et d'une prostituée noire, Urby a grandi hanté par la mise à mort de son tuteur par un groupe de fascistes. Le fascisme, justement, semble se faire une place même dans l'hexagone : les partisans d'Hitler commencent à faire du bruit et les émeutes se multiplient dans les rues. C'est dans ce contexte mouvementé qu'Urby est approché par Barbett Robinson III, un riche homme d'affaires américain au passé et à l'histoire de famille complexes, pour retrouver sa fille, enlevée par son amant musicien. La double casquette de détective et de clarinettiste d'Urby lui permet, grâce à ses relations dans les milieux musicien de la capitale, de facilement retrouver la jeune femme... et de tomber sous son charme. Mais bien plus qu'une simple disparition, l'affaire mène le détective à la rencontre du comte d'Urbé-Lebrun, aristocrate à la tête d'un mouvement fasciste qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Urby. Tandis que les affaires s'entremêlent, le détective musicien découvre les liens qui l'unissent au comte...
Sympathique mélange d'Histoire et de fiction, Les enragés de Paris plonge le lecteur dans la capitale mouvementée des années 30, plus particulièrement le quartier hautement musical de Montmartre. Point de chute des musicaners et lieu pivot de la vie haute en couleurs de l'époque, les ruelles de la butte ainsi que ses cabarets deviennent, sous la plume de Kirby Williams, le théâtre d'intrigues et d'aventures menées tambour battant. L'ensemble se veut un hommage réussi aux romans noirs américains de l'entre-deux guerre, recontextualisé dans le Paris tonitruant que l'on connait. Le choc des cultures et des ambiances fait mouche.
Car c'est peut-être dans les ambiances que l'auteur excelle le plus : son talent à restituer un Paris d'antan où se côtoieraient privés en borsalino, femmes fatales et criminels fonctionne à merveille grâce aux atmosphères singulières qu'il parvient à recréer de toutes pièces. Le ton, unique, use autant de l'humour qu'il se réclame du polar, le tout dans un jeu de machination et de manipulation des plus rocambolesques. Rocambolesque? C'est à se demander si, non content de puiser dans la littérature d'outre-Atlantique, Kirby Williams ne s'inspirerait pas aussi de nos bons vieux romans feuilletons : on y retrouve le même goût pour les mésaventures romanesques à l'excès (mais toujours pour le plaisir du lecteur), et un certains sens de la narration qui semble s'amuser avec impertinence de son propre style. Kirby Williams prend un plaisir manifeste à écrire, et nous, à le lire.
Il persiste dans le scénario quelques hasards un peu trop heureux, ou, disons, quelques coïncidences un peu trop prononcées pour être totalement crédibles ; le lien qui unit Urby Brown au comte d'Urbé-Lebrun, par exemple. Mais on peut aussi y voir le prolongement du rocambolesque évoqué précédemment, les polars et romans pulp d'antan s'affranchissant souvent des contraintes du plausible au profit du romanesque.
Les personnages, mixtes, sont parmi les autres points forts de ce livre : outre le héros qui semble être une projection fictionnelle de l'auteur (Urby/Kirby, et leurs origines similaires... cela fait beaucoup de coïncidences!), et auquel le lecteur s'attache dès les premières lignes, on croise une galerie de protagonistes dont le punch s'apparente au monde enfiévré du jazz. Le mélange audacieux de fiction et de réalité nous permet ainsi de redécouvrir le Paris Noir des années 30, à la veille des grands bouleversements que le monde s’apprêtait à connaître, et de croiser quelques figures véridiques de l'époque, de Joséphine Baker à Louis Amstrong.
En bref : Dans la lignée d'un roman noir américain qu'on aurait recontextualisé en plein Montmartre, Les Enragés de Paris mêle Histoire, politique et fiction aussi bien qu'il allie humour, style et aventure. Parfois un tantinet excessif mais porté par des personnages charismatiques, ce roman raconte la communauté noire du Paris jazzy des années 30 sous un jour nouveau qui nous fait refermer le livre à regret. On a hâte de lire la suite, annoncée pour la fin d'année.
Avec un grand merci aux éditions Baker Street pour cette lecture!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire