Les nouvelles aventures de Sabrina
(Chilling adventures of Sabrina)
- partie 4 -
Une série Netflix réalisée par Roberto Aguirre-Sacasa d'après sa bande-dessinée et le personnage de Archie comics,
Avec : Kiernan Shipka, Ross Lynch, Lucy Davis, Chance Perdomo, Miranda Otto, Michelle Gomez, Richard Coyle...
Date de diffusion sur Netflix : 31 décembre 2020
Les nouvelles aventures de Sabrina imagine l’origine des aventures de
Sabrina l’apprentie sorcière comme une sombre histoire axée sur le
passage à l’âge adulte à travers l’horreur, les sciences occultes et
bien sûr la sorcellerie. Sabrina lutte pour concilier sa double nature –
mi-sorcière, mi-mortelle – tout en s’opposant aux forces du mal qui la
menacent elle, sa famille et le monde des mortels.
***
Même les meilleures
choses ont une fin : après nos avis on ne peut plus positifs
sur les trois premières parties de ce reboot horrifique autour du
personnage de Sabrina l'apprentie sorcière, voici le moment de
rendre notre copie sur la quatrième et dernière saison, sortie
l'hiver dernier sur Netflix. Attention à ceux qui ne l'on pas encore
vu, car il y va y avoir du spoiler...
On a quitté Greendale
sauvée de justesse par Sabrina, après un aller et retour dans le
temps particulièrement risqué. Au croisement des chemins et des
lignes temporelles, notre héroïne, tiraillée entre sa vie de
famille et de lycéenne et son ambition de devenir Reine des Enfers,
a fait un non-choix on ne peut plus arrangeant. En retournant dans le
passé pour se sauver elle-même de l'attaque des Païens et des
pièges de Caliban, elle a proposé à son double de prendre sa place
de souveraine du Royaume Infernal tandis qu'elle-même retournerait
vivre chez ses tantes. Elle pensait ainsi pouvoir s'offrir deux vies
à la fois tout en apaisant les deux univers... mais c'était sans
compter le cataclysme que pourrait provoquer le paradoxe temporel
qu'elle venait ainsi de créer. Pendant que Sabrina Morningstar prend
ses fonctions aux côtés de Lucifer et Lilith (et du beau et repenti
Caliban), Sabrina Spellman, elle, doit affronter les forces occultes
qui menacent de nouveau Greendale. Échappé de sa prison à
l'Académie des Arts Invisibles, Fautus Blackwood est parvenu à
libérer les Abominations, huit catastrophes fantasmagoriques
ancestrales qui vont s'abattre une à une sur la ville... À moins
que l'alliance unique de deux Sabrina réunies ne parvienne à les
arrêter ?
Autant dire qu'après le
final on ne peut plus surprenant de la précédente saison, on
attendait énormément de cette ultime partie. Ultime ? Eh oui.
Pendant l'été 2020, la presse annonçait l'annulation de la série,
en raison de la difficulté d'effectuer les tournages dans le
contexte de pandémie de COVID 19, mais aussi pour des raisons
financières (même si ces dernières n'ont pas été officiellement
évoquées). En effet, afin de continuer à séduire de potentiels
futurs abonnés, Netflix se doit de renouveler son catalogue
régulièrement et d'investir dans de nouveaux projets. Or, quatre
saisons ont été jugées suffisantes pour ce reboot de Sabrina, et
Netflix a préféré aller financer de nouvelles productions.
Faisant contre mauvaise
fortune bon cœur, R.Aguirre-Sacasa et son équipe de scénaristes
ont donc décidé de s'en donner à cœur joie et d'offrir à la
série un final en apothéose. Objectif réussi : si chaque
saison semblait plus rythmée que la précédente, reconnaissons à
celle-ci un sens de la tension dramatique complètement abouti. La
panique gagne la ville et les personnages au fur et à mesure que les
Abominations s'abattent sur Greendale, au rythme d'une par épisode.
Comme un décompte alarmant qui nous prend à la gorge, on est pris
du même désir de survie que les protagonistes et on investit
pleinement leur quête.
De nouveau, les
scénaristes vont puiser une source d'inspiration fertile dans leurs
prestigieux ascendants que sont les auteurs gothiques. Les
Abominations (Eldritch Terrors en VO) sont une référence toute
lovecraftienne qui s'inscrit qui plus est dans la logique
scénaristique et mythologique de la série : après la
sorcellerie héritée des mythes judéo-chrétiens, dépassée par la
magie des divinités païennes antiques, on monte en grade avec un
cataclysme cosmique qui surpasse toute forme de pouvoir. Parmi les
personnifications que vont prendre ces différentes Abominations, on
peut applaudir les auteurs pour quelques excellentes idées :
l'Obscurité prend la forme de mineurs venus détruire les sources de
lumière de la ville et l’Étrange est représenté par un
mollusque qui n'est certainement ni plus ni moins que le Cthulhu.
Mais, surtout, mention spéciale pour le Ressuscité, qui ramène
avec lui les personnes décédées : les scénaristes mettent en
scène le Lazare de la Bible, aux yeux couverts de pièces en argent
(une coutume ancienne consistait en effet à couvrir les yeux des
morts pour payer leur « passage » sur l'autre rive). Les
épisodes continuent cependant de piocher dans la mythologie antique
quelques artefacts qui auront leur importance dans la lutte contre
les Abominations, telle que la pierre de Cronos ou la boite de
Pandore. Enfin, le series finale se tiendra dans le décor des
Montains of Madness (Les montagnes hallucinées), une ultime allusion lovecraftienne. Une fois encore, on ne peut donc que reconnaître la
foisonnante imagination de l'équipe derrière les caméras, de même
que leur virtuosité à relier entre elles ces nombreuses références.
Cette quatrième partie
de Chilling adventures of Sabrina s'offre également quelques
nouveaux clins d’œil à la sitcom iconique des années 90 :
l'homme parfait que Sabrina essaie de créer dans la cire nous fait
vaguement penser au sortilège à base de « pâte à homme »
dans la première saison de Sabrina l'apprentie sorcière, de même
que le miroir de l'héroïne, ensorcelé pour donner accès à une
réalité parallèle, avait été le ressort d'une intrigue similaire
dans l'ancienne série. Mais plus encore qu'un vague easter egg, le
septième épisode de cette quatrième partie est une totale mise en
abyme en même temps qu'un hommage assumé de la série à son
aïeule. Intitulé en VF Sabrina Morningstar, apprentie sorcière,
l'épisode voit l'héroïne propulsée dans un cosmos annexe où sa
vie est une série télévisée malaisante, ponctuée de rires
préenregistrés, de seconds rôles fades et de gags ridicules. Salem
y est un chat robotisé doué de parole et même ses tantes ne sont
plus les mêmes... les fans de la première heure y retrouveront avec
plaisir Caroline Rhea et Beth Broderick, les tantines originelles,
ainsi que le doublage mémorable de Salem en VF. À la fois
dérangeant et plein d'autodérision, cet épisode n'oublie pas de se
moquer des propres défauts et codes du reboot (mention spéciale à Caliban
qui reproche aux scénaristes de toujours lui faire enlever son
t-shirt). Avec son traitement des plus imaginatifs et son final
époustouflant, cet épisode est avec le quatrième de la saison, Le vœux de
Blackwood (qui voit notre cher Faustus pervertir la réalité en une
chasse aux sorcière moderne dont il serait l'empereur), l'un des plus réussis de la série.
Zelda et Hilda, première version : le retour !
On regrette cependant
que, rythme et suspens obligent, certains personnages de la première
heure soient relégués au second plan : du trio d'amis mortels
de Sabrina, seule Rosy gagne une place de choix dans cette saison,
tandis que les autres sont un peu plus effacés. Lilith (même si
cela se rattrape un peu dans l'ultime épisode) perd en personnalité,
mais c'est surtout Lucifer qui perd totalement en charisme : il
n'est plus du tout l'effrayant Seigneur Obscur des débuts, désormais
semblable à un souverain de pacotille qui organise des petites
bamboches en Enfer. On ne saurait dire s'il est victime de la
profusion d'éléments, événements et antagonistes qui lui volent
la vedette ou si cet appauvrissement du personnage est voulu (car,
après tout, les Païens et les Abominations ont montré entre-temps
qu'il n'était qu'un danger mineur dans l'ordre du monde...). Fort
heureusement, les tantines sont là pour équilibrer ces petites
inégalités, et on les retrouve plus fortes que jamais, sur un pied
d'égalité et soudées malgré leurs différences. Leurs interprètes
continuent ainsi le formidable travail de jeu amorcé depuis la
première saison et font de Zelda et Hilda des héroïnes parmi nos
personnages préférés du show.
Reste maintenant que la
fin a de quoi nous prendre de court : le sacrifice de Sabrina,
évoqué dans la presse comme « l'un des plus beaux chants du
cygne du petit écran », n'en est pas moins quelque peu
incohérent. Sabrina n'était-elle pas censée être immortelle
(c'est en tout cas ce qu'on avait appris dans la seconde partie) ?
Et quand bien même, une fois enterrée dans le cimetière familiale,
ne devrait-elle pas revenir à la vie grâce au puits de Caïn ?
À moins que, décédée en quelque sorte « de son plein
gré », le repos de Sabrina soit désormais éternel... Mais il
manque alors une information à la mythologie pourtant savamment
élaborée de la série pour qu'on puisse faire notre deuil. Car si le final, déchirant, s'il offre une forme de happy end à
Nick et Sabrina, laisse une famille, des amis et un coven
dévastés.
Si Netflix a souhaité
stopper là la série, ce n'était bien évidemment pas le souhait
initial de R.Aguirre-Sacasa. Ce dernier avait prévu une dernière
scène, coupée au montage par la production, montrant comment Zelda
comptait faire revenir Sabrina. Si l'idée d'un film a été évoquée
pendant un temps (ou d'une reprise de la série par HBO max, comme de
nombreux fans outre-Atlantique l'ont réclamé), R.Aguirre-Sacasa a
annoncé poursuivre l'histoire à travers un nouveau comics intitulé
The occult world of Sabrina, annoncé pour Octobre 2022. Ajoutons à
cela que Sabrina fera son come-back le temps d'un épisode de
Riverdale (même si cette série ne présente plus aucun autre
intérêt), et nous sommes maintenant convaincus que tout cela n'est
qu'un au revoir...
The occult world of Sabrina, le comics qui poursuivra la série Netflix l'an prochain,
et Kiernan Shipka incarnant de nouveau Sabrina pour la saison 6 de Riverdale...
En bref : Écrite au
cordeau, cette ultime salve d'épisodes se clôture dans un final
homérique et déchirant. Si on regrette les quelques incohérences
de cette conclusion, on les doit surtout à la décision de Netflix
d'interrompre la série soudainement. Chilling adventures of Sabrina reste un
reboot de grande qualité, une variation particulièrement audacieuse
et imaginative de l'univers d'Archie Comcis. Malgré une fin
dramatique, il est certain qu'on reverra bientôt notre sorcière
favorite...
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