Les nouvelles aventures de Sabrina
(Chilling adventures of Sabrina)
- partie 2 -
Une série Netflix réalisée par Roberto Aguirre-Sacasa d'après sa bande-dessinée et le personnage de Archie comics,
Avec : Kiernan Shipka, Ross Lynch, Lucy Davis, Chance Perdomo, Miranda Otto, Michelle Gomez, Richard Coyle...
Date de diffusion sur Netflix : 5 avril 2019
Les nouvelles aventures de Sabrina imagine l’origine des aventures de
Sabrina l’apprentie sorcière comme une sombre histoire axée sur le
passage à l’âge adulte à travers l’horreur, les sciences occultes et
bien sûr la sorcellerie. Sabrina lutte pour concilier sa double nature –
mi-sorcière, mi-mortelle – tout en s’opposant aux forces du mal qui la
menacent elle, sa famille et le monde des mortels.
***
C'est avec un retard impardonnable que l'on vient enfin donner notre avis sur la suite de cette série dont le revival de 2018 avait rencontré un certain succès ; mais puisque la saison se prête encore aux sorcières, c'est l'occasion ou jamais. Adaptée des comics homonymes, cette série est bien évidemment le reboot horrifique du célèbre personnage de sorcière de la franchise Archic comics, maintes fois adaptée à l'écran. La saison 1 avait grandement retenu notre attention par ses accents féministes, l'audace de ses intrigues et de sa mise en scène, son esthétique léchée, et les nombreuses références au cinéma d'horreur aussi bien qu'à la culture gothique. Autant dire qu'on avait très hâte de poursuivre l'aventure après l'épisode spécial Noël diffusé pendant l'hiver 2018...
En
s'inscrivant directement dans la continuité du Christmas Special
(et de sa fin en suspens), cette seconde partie démarre sur les
chapeaux de roues. Désormais plus investie dans sa vie de
sorcière depuis qu'elle a signé le Livre de la Bête et
qu'elle s'est convaincue qu'elle était potentiellement dangereuse
pour ses amis mortels, Sabrina choisit d'embrasser pleinement sa
destinée. L'adolescente ambitionne de marcher dans les pas de son
père et brigue pour cela un poste de délégué à l'Académie des
Arts Invisibles, poste jusque-là réservé aux garçons. Le père
Blackwood ne voit pas d'un bon œil les ambitions de la jeune fille,
lui qui s'échine parallèlement à renforcer la politique patriarcale de
l’Église de la Nuit. Il s'avère justement que démons et ennemis
s'en prennent sans discontinuer à Sabrina Spellman, qui demande
conseil à Miss Wardwell pour se sortir de cette mauvaise passe... sans
savoir que cette dernière est toujours en train de la manipuler pour
accomplir les sombres desseins du Seigneur Obscur...
Si la
saison 1 avait immergé progressivement les téléspectateurs dans
son univers, cette nouvelle salve d'épisodes se démarque par sa
dynamique et sa vivacité : on baigne du début à la fin dans
un univers occulte sujet à des rebondissements sans fin. Ce
rythme très soutenu est directement lié à la psychologie des
personnages et à leur évolution. Sabrina tente d'oublier sa vie
de demi-mortelle en se convainquant du bien fondé de s'être tournée
vers la magie définitivement, en y cherchant des compensations : elle
se jette à corps perdu dans de nouveaux projets, bien décidée à
acquérir un maximum de pouvoirs. Mais signer le Livre de la Bête,
c'est aussi lui promettre allégeance : l'adolescente va l'apprendre
à ses dépens et va se trouver contrainte de faire des choix entre
l’obéissance qu'elle doit à Lucifer et les conséquences qui
surviendront si elle lui résiste. Kiernan Shipka campe avec talent
l'héroïne aux prises avec sa propre dualité, basculant sans
cesse entre ombre et lumière, tiraillée perpétuellement. Cet axe
narratif aux allures de cheminement initiatique nous révèlera
petit à petit que tous les décisions et actes de Sabrina depuis le
début de la série, savamment orientés par les sbires de Lucifer,
visaient un accomplissement bien précis...
Le
scénario n'oublie pas le jeune âge de son héroïne et il ne
fait aucun doute que cette dualité fait en réalité écho à la
crise existentielle traversée par l'adolescente. Sabrina se
révèle alors une héroïne réaliste dans sa personnalité, pleine
de défauts qui la rendent d'autant plus humaine aux yeux du public.
De façon générale, cette série continue de mettre en scène une
jeunesse crédible dans sa diversité et ses questionnements (le
personnage de Suzy, toujours, brille tout particulièrement). Quant
au reste des personnages, on les retrouve avec grand plaisir, même
si les aventures qui les attendent vont énormément les chambouler.
Les fans (anciens et nouveaux) du couple Harvey/Sabrina devront par
exemple faire le deuil, mais on fera davantage connaissance avec le
ténébreux Nick Scratch. On appréciera de voir les Weird
Sisters gagner en psychologie (notamment le personnage de
Prudence, de plus en plus intéressante) et quant aux
tantines, si elles restent fidèles à elles-mêmes, cette saison
donnera à voir une Hilda capable de sortir les griffes pour
protéger les siens.
Du
côté des méchants, on savoure les retrouvailles avec Miss
Wardwell (aka Lilith, aka Madame Satan), l'antagoniste qui
suscite toute notre sympathie malgré la mission qui lui est
confiée. Michelle Gomez continue de lui prêter tout son charisme.
On se réjouit par ailleurs, après une confrontation qu'on vous
garantit homérique avec Sabrina, de la voir progressivement changer
son fusil d'épaule pour aller elle aussi botter les fesses du
patriarcat satanique. Enfin, concernant Lucifer himself,
il faut se préparer à quelques... séduisantes surprises dans les
ultimes épisodes de cette seconde partie.
On en
parlait plus haut, la saison 1 avait rapidement montré sa "patte"
en jouant la carte des easter eggs via les nombreuses
références à la littérature gothique ou au cinéma d'horreur,
mais aussi à la culture biblique sur laquelle elle fondait en toute
pertinence l'histoire de sa sorcellerie. Les clins d’œil à la
culture horrifique sont moins présents dans cette seconde partie,
mais on en recense quelques-uns : l'une des enseignantes de
l'Académie des Arts Invisibles se nomme par exemple Shirley Jackson,
du nom de la célèbre romancière gothique américaine, et le bar de
l'Académie est tenu par Dorian Gray, tout droit sorti du
roman d'Oscar Wilde. Le season finale nous invite également à un
bal satanique au cours duquel Sabrina chante Masquerade, chanson du
célèbre musical Le fantôme de l'Opéra, dont les paroles sont loin
d'être anodines. Du côté des allusions à la culture historique ou
biblique, outre le cheminement (ou chemin de croix?) de Sabrina qu'on vous laisse le soin
de découvrir, on en apprend plus sur les arcanes politiques de l’Église de la Nuit ainsi que sur l' Antipape qui siège au Vatican. On croisera également des chasseurs de sorcières de descendance
céleste aux allures faussement inoffensives de missionnaires... Cela
donnera cependant des personnages et un arc narratif un peu too much,
pas vraiment la meilleure idée du scénario, donc.
La
série s'offre cependant quelques références très intéressantes aux pratiques païennes ancestrales
: les rites du coven, liés au cycle des saisons,
évoquent les fêtes des temps anciens, notamment de l'Antiquité.
C'est le cas avec le troisième épisode et ses Lupercales,
festivités érotiques héritées du culte éponyme romain. Ces
Lupercales sont par ailleurs précédées dans la série d'une
célébration destinée à former des couples par le biais d'une
danse autour d'un Arbre de Mai, rite de fécondité qui se faisait
autrefois sur le vieux continent, et qu'on croise quelques fois dans les
fêtes traditionnelles outre-Manche. Outre ces éléments qui donnent
réellement du corps à la série en enrichissant sa mythologie, on
notera quelques clins d’œil à la Sabrina version comics et à la
sitcom des années 90. La scène, en tout début de saison, de
Sabrina changeant de tenue devant son miroir évoque ainsi
volontairement le générique de la précédente série avec Melissa
Joan Hart. Quant au blond peroxydé de ses cheveux et au bandeau
qu'elle porte depuis qu'elle a signé le Livre de la Bête,
ils font directement référence à la Sabrina du comic
strip de 1960...
En bref : Une
nouvelle saison menée tambour battant ! Beaucoup plus rythmée
(presque trop, peut-être ?) que la précédente, cette seconde partie
portée par un casting et des personnages forts continue de nous
régaler de son univers occulte. La série réussit encore une fois à
évoquer quelques thèmes d'importance avec pertinence
(l'adolescence, l'inclusion, la place de la femme...) sans oublier
d'être un divertissement fantastique de grande qualité. On se
demande bien ce que le scénario va trouver à raconter dans sa saison
suivante...
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