mardi 1 août 2023

Meurtre à l'anglaise (Les aventures de Lady Eleanor Swift #1) - Verity Bright.

A very English murder (A Lady Eleanor Swift mystery #1)
, Bookouture, 2020 - City éditions (trad. de J.Barsse), 2022 - City poche, 2023.

    Alors qu’elle a passé des années autour du monde, à prendre le thé en Chine, à croiser des alligators au Pérou ou à échapper à des bandits en Perse, Eleanor Swift est obligée de rentrer en Angleterre. Son oncle vient de décéder en lui léguant un vieux manoir familial, avec son personnel attentionné et ses secrets. C’est un changement de vie total dans une campagne bucolique, très tranquille pour une jeune aventurière. Tranquille ? Pas tant que ça. Lors d’une promenade nocturne pour découvrir les environs, Lady Eleanor aperçoit au loin un homme que l’on assassine. Le temps d’arriver sur place, le meurtrier a disparu… et la victime aussi ! Elle est sûre de ce qu’elle a vu, mais un meurtre sans cadavre, n’est pas un meurtre et la police locale prend la jeune lady pour une illuminée. Pas le choix, Eleanor doit découvrir ce qui se trame. Et lorsque sa vénérable Rolls-Royce est sabotée, elle sait qu’elle est sur la bonne piste : le meurtrier l’a dans sa ligne de mire… 
 
Une jeune lady fantasque. Un meurtre carabiné. Un cosy mystery best-seller
 
***
     Après Une lady mène l'enquête et Les enquêtes de Ginger Gold, nous continuons notre tour d'horizon des ladies détectives dans la lignée de Son espionne royale et des Folles enquêtes de Phryne Fisher. Au menu aujourd'hui : Lady Eleanor Swift, petite dernière dans la grande famille des cosy mysteries qui mettent en scène une héritière de noble famille britannique prête à défier le crime dans la Grande-Bretagne de l'entre-deux guerres. Commencée en 2020, la série des Lady Eleanor Swift mysteries compte déjà à son actif quinze tome en VO ! Derrière le pseudonyme de Verity Bright se cache en fait un couple d'auteurs qui écrit à quatre mains depuis plus de vingt ans. A l'inverse des livres mettant en scène Olive Belgrave et Ginger Gold, les ouvrages de Verity Bright ne sont pas issus de l'autoédition, mais ont été publiés outre-Manche par Bookouture, filiale britannique de Hachette.
 

    Orpheline depuis l'enfance, Lady Eleanor Swift a grandi en pension avant de voyager de par le monde dans les contrées les plus dangereuses comme les plus inattendues pour le compte d'un éditeur de guides touristiques. Bien loin des mondanités associées de coutume à son titre, la jeune femme doit cependant revenir sur sa terre natale lorsque son oncle Lord Henley décède brutalement, lui cédant au passage le manoir familial et une armée de domestiques à sa tête. Pas très à l'aise dans ce décor qu'elle n'a pas vu depuis son adolescence, Eleanor préfère arpenter le domaine en chaussures de marche que se prélasser en négligé dans le boudoir. A peine arrivée, elle fuit l'austérité du majordome pour une promenade revigorante... en pleine orage. Bientôt égarée, la jeune lady se retrouve au beau milieu d'une carrière où elle assiste à... un meurtre ! De retour au manoir, Eleanor met tout en œuvre pour alerter les forces de l'ordre, mais il semble que le cadavre ait disparu et qu'il ne subsiste aucune trace d'un crime quelconque. Bien décidée à faire la lumière sur ces étranges événements, la jeune héritière s’improvise détective. Sur son vélo, elle parcourt les petites routes de campagne pour interroger les suspects, aidée dans son enquête par deux assistants inattendus : Gladstone, le bulldog du manoir, et Clifford, le pourtant très austère majordome.
 
Vous aussi, vous voyez double ?

    Avec ses lignes Art Déco et cette silhouette Haute Couture élancée, difficile de ne pas penser aux couvertures de Son espionne royale dans leur première mouture. Pour autant, Lady Eleanor Swift n'est pas une pâle copie de Lady Georgiana de Rannoch. Si elle est parfois aussi gauche que son aînée, elle n'a pas ses problèmes financiers et évolue dans un univers beaucoup mois proche de la couronne britannique. Avec son manoir perché sur une butte au-dessus d'un petit village tout ce qu'il y a de typiquement british, on se sent chez Eleanor comme dans un épisode de Downton Abbey (les malfrats en plus). Cette héroïne est moderne, peut-être parfois un peu trop, mais le duo d'auteurs parvient à le justifier en s'appuyant sur le passé hors du commun du personnage. Après ses jeunes années à arpenter le monde pour le compte d'un éditeur de guides touristiques, Eleanor est loin de cocher toutes les cases de la parfait héritière, ce qui est sujet à quelques scènes assez drôles et explique qu'elle se mette souvent dans le pétrin.
 

    Aussi, le background du personnage n'est peut-être pas tout à fait vraisemblable, mais Verity Bright parvient à retomber sur ses pattes et à amener les éléments qui permettent d'y croire. D'un point de vue historique, il y a en effet quelques petites coquilles qui feront tiquer les lecteurs les plus exigeants : alors que l'intrigue se déroule deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, il semble que le paysage anglais regorge d'hommes (parfois même très jeunes), comme si personne n'était parti combattre. L'ombre de la guerre n'est par ailleurs quasiment pas abordée, même si les auteurs se rattrapent au milieu du roman en ajoutant quelques détails en ce sens. La seule autre approximation que nous avons remarquée, c'est Lady Swift qui se rend à une soirée mondaine avec l'une des robes de sa mère, ce qui n'est absolument pas envisageable dans son milieu à une époque où la mode n'a eu de cesse d'évoluer : se présenter à un dîner en 1920 avec une robe de 1900, c'est comme si Miss Fisher allait danser vêtue en corset et col montant en dentelle...
 

    Côté intrigue, il faut passer la première moitié du livre, le temps que se pose le décor, pour que le roman prenne son rythme de croisière. Cela en vaut la peine car après avoir meublé le temps en dialogues à sens unique avec son chien, c'est finalement avec le majordome qu'Eleanor devise du meurtre et poursuit l'enquête. Le roman nous offre alors ses passages les plus savoureux : les dialogues entre la jeune femme et son domestique, flegmatique jusqu'au bout de sa queue de pie, sont un véritable régal. Cela fonctionne d'autant plus que le personnage nous semblait réellement antipathique dans les premiers chapitres et qu'on apprend peu à peu, à l'image de l'héroïne, à revoir notre jugement. Verity Bright tisse également en parallèle de l'enquête une trame de fond concernant les activités de feu Lord Henley, qui attise la curiosité du lecteur et se devine comme leitmotiv à venir des futurs tomes.

 
    L'énigme policière ne relève pas des whodunits auxquels on est habitué dans ce genre d'ouvrage et, en cela, n'est peut-être pas aussi palpitante que les Cluedo qu'on adore. On suit essentiellement Eleanor sur son vélo ou dans la Rolls conduite par Clifford à travers la cambrousse pour tenter de reconstituer les événements de ce crime – qu'on pourrait presque croire complètement imaginé puisqu'il n'en reste aucune trace. Cela a cependant le mérite de renouveler un peu le genre, bien que la construction soit parfois quelque peu laborieuse et que l'enquête manque par moment de fluidité. La révélation finale est cependant bien amenée, grâce à une tactique assez savante du duo d'enquêteurs pour pousser le coupable à se dévoiler.
 

En bref : Une nouvelle lady détective a rejoint les rangs du cosy mystery ! Ni copie de Son espionne royale, ni plagiat des Folles enquêtes de Phryne Fisher, Les aventures de Lady Eleanor Swift nous offrent un premier tome sympathique et rythmé, porté par un duo d'enquêteurs inattendu mais savoureux. On aura grand plaisir à découvrir les futurs tomes de cette série.
 
 
Et pour aller plus loin...
 
 
- Découvrez toute la série (prochainement). 
 

 

2 commentaires:

  1. Merci pour ton article très intéressant. Je lorgnais depuis quelques temps sur ces nouvelles séries et hésitais à les découvrir car je me suis tellement attachée à Lady Giorgiana de Rannoch que je ne franchis pas encore la ligne pour découvrir une nouvelle héroïne.

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ta riche étude des Retro Cosy Mysteries! En voilà un paquet de jeunes aristocrates effrontées se lançant à la poursuite de vilains criminels!

    RépondreSupprimer