lundi 29 septembre 2025

Les secrets d'Evi Lupin #1 : L'héritage emploisonné - Fabien Clavel.

Éditions Rageot, 2024.
 
 
    Quand j’ai découvert que j’étais la fille d’Arsène Lupin, je ne savais même pas qui il était. Mais il m’a toujours ignoré et il ne croit pas en moi. C’est mal me connaître  ! Alors j’ai décidé de mettre mes talents de comédienne à l’épreuve.
    Il y a quelques années la jeune marquise d’Hyères a disparu avec ses parents dans un terrible accident en mer. Je lui ressemble beaucoup et je vais tenter de me faire passer pour elle, afin de récupérer son héritage. Elle habitait dans un somptueux hôtel particulier dans le Marais, c’est là que commence mon aventure…
 
 
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    Il y a deux ans, on avait partagé notre critique du premier tome de la série jeunesse Les Arsène, de Bertrand Puard : une variation autour du célèbre Gentleman Cambrioleur, à la fois suite et spin-off, qui imaginait le célèbre voleur désormais à la retraite recruter de jeunes pickpockets pour l'aider dans ses nouvelles aventures. Si l'idée n'était pas inintéressante, on avait reproché à l'intrigue son abondance de clins d’œil creux à l'oeuvre de Maurice Leblanc, au point d'enchaîner les incohérences et les clichés sans aucun intérêt. Il faut reconnaître qu'à une époque où l'on revisite sans cesse nos héros d'antan (Lupin et Holmes tenant le haut du palmarès), il devient difficile de se réinventer suffisamment pour qu'un nouveau titre du genre ne soit pas qu'un nom sur une couverture et dépasse le concept de franchise. Or, un an après la parution du livre de Bertrand Puard sortait le premier tome d'une toute nouvelle série lupinesque : Les secrets d'Evi Lupin, de Fabien Clavel. A la façon de Nancy Springer imaginant une sœur à Sherlock Holmes (Les enquêtes d'Enola Holmes), l'auteur français nous propose ici de faire connaissance avec la fille cachée du grand Lupin.
 
 
 
    Élevée par sa vieille nourrice Victoire, la jeune Evi n'a pas toujours su qui était son père. Ce dernier ne s'est présenté à elle que bien plus tard : quelle ne fut alors pas la surprise de la fillette de découvrir que celui-ci était connu. Très connu. Son nom s'étalait partout à la Une des journaux : Arsène Lupin, le célèbre et insaisissable cambrioleur ! Loin de la légende du dandy racé à l'humour tranchant et au style impeccable, elle découvre un homme décevant, en particulier dans son rôle de père. Désireuse de s'en affranchir, la jeune fille décide un jour de faire mieux et plus fort que lui. Voler les riches ? Pourquoi pas ? Mais à la différence de son père, elle ne gardera pas l'argent pour elle : elle rendra justice aux plus faibles et le redistribuera aux nécessiteux ; elle fera de la cambriole un art digne. D'ailleurs, une occasion se présente quelques années plus tard : se faire passer pour la jeune marquise d'Hyères, disparue enfant dans un accident de bateau, afin de toucher son héritage. Après s'être minutieusement préparée pour interpréter son rôle, Evi se présente à l'hôtel particulier des Hyères, où elle ne sera pas forcément bien accueillie par ses occupants. Une grand-mère froide et distante, un majordome suspicieux, et une armée d'oncles et de tantes qui attendent tous qu'elle leur prouve son identité... ou qu'un faux pas la démasque. Comme s'il n'y avait pas suffisamment de tensions, voilà que le notaire de la famille s'en mêle et qu'on cherche par deux fois à la supprimer. Et si la disparition de la jeune marquise d'Hyères n'avait jamais été un accident, mais un assassinat destiné à l'évincer de l'héritage ? Evi devra mener l'enquête pour le découvrir...
 

    Allons droit au but : on a largement préféré Evi Lupin aux Arsène. Si le pitch est tout aussi séduisant, il y a ici une vraie maîtrise de l'oeuvre de Maurice Leblanc, laquelle dépasse le clin d’œil facile et les tours de passe-passe vaguement lupinesques. Evi Lupin n'est d'ailleurs pas une invention de Fabien Clavel : elle est évoquée dans le canon d'origine, où elle apparait dans le titre 813 sous le nom de Geneviève (Evi étant ici présenté comme son surnom).
 
 
    Non content de connaître l'oeuvre d'origine, l'auteur s'inscrit dans la lignée de Maurice Leblanc en jouant avec le fond et la forme. Le roman s'ouvre ainsi sur un avant-propos de Fabien Clavel himself racontant comment il est entré en possession des réels carnets intimes d'Evi Lupin et les a publiés. Cette entrée en matière évoque le rôle entre fiction et réalité que s'est parfois attribué Maurice Leblanc en se présentant comme l'agent littéraire du cambrioleur. Pour la structure, Fabien Clavel s'inspire des meilleurs opus du feuilleton original, celui-là même qui inventa et perfectionna l'art du twist final façon Ocean's Eleven avant l'heure. Tout semble perdu ? Ce n'est qu'illusion : tout était prévu d'avance.
 

    Alors, cependant, jeune lectorat oblige, il y a parfois quelques approximations et raccourcis dommageables. La construction de l'intrigue, aussi, nous a parfois semblé quelque peu brouillonne, de même que l'histoire met un certain temps pour s'installer – cela étant, il faut bien poser à la fois les origines d'Evi, puis celles de la marquise d'Hyères avant d'entrer pleinement dans l'action, ce qui explique une exposition un peu longue. Mais il y a aussi une belle complexité dans la personnalité d'Evi : bien qu'animée de nobles intentions, ses actes ne sont pas toujours défendables et elle se confronte à l'éthique discutable de son entreprise. Parce qu'elle n'est pas infaillible, elle n'en est que plus attachante.
 
 
En bref : Une idée séduisante que faire de la fille d'Arsène Lupin l'héroïne de ses propres aventures. On y croise le Gentleman Cambrioleur, bien moins charmant que dans la légende, et on suit la jeune protagoniste sur les traces de son père — à ceci près qu'elle souhaite faire du vol des riches une bonne action. Bien évidemment, rien n'est aussi simple et Fabien Clavel n'hésite pas à creuser toute l'ambivalence de son personnage. Si la construction de l'intrigue nous semble encore un peu fragile, il y a là quelques codes chers à Maurice Leblanc, dont l'inattendu retournement de situation final, que personne ne verra venir. Rien que pour ça (et pour les douces illustrations de Daphné Collignon), on retrouvera avec plaisir Evi Lupin pour sa prochaine aventure.

dimanche 28 septembre 2025

Un été pour aménager son Terrier...

 

    Voilà qu'on serait presque ponctuel pour le traditionnel billet saisonnier ! Alors que l'Automne vient tout juste de commencer (impossible de ne pas le remarquer : la fracassante humidité ne saurait nous induire en erreur), on est pour la première fois depuis très longtemps à l'heure pour dresser le bilan de cet été – le premier dans notre tout nouveau chez-nous. Ne vous attendez pas à une interminable présentation avant/après, photos à l'appui, des travaux. Tout d'abord parce qu'on n'a pris aucune photo "avant" afin de pouvoir comparer avec "l'après", et ensuite, parce qu'on n'a jamais fait qu'une pièce de plus en deux mois (et sans procrastiner, promis !). Aussi, on va se contenter de partager notre habituel méli-mélo de promenades, de lectures et de cuisine.
 
 
Escapades :


    On ne peut pas dire qu'on ait beaucoup bougé cet été – puisqu'on l'a passé à détapisser, retapisser, poncer, peindre, etc. – et pourtant, on n'a rarement eu autant de photos à archiver. C'est parce qu'au tout début de la saison (mais avant le début des congés) on a eu une courte parenthèse pendant laquelle on a fait deux ou trois sauts de puce ici et là. Jamais de notre propre initiative (il se trouve qu'on devient de plus en plus casanier – oui, PLUS encore qu'avant), car c'était toujours sur invitation d'amis désireux de nous faire sortir de notre retraite.
 


    Parmi nos quelques pérégrinations estivales, il y a eu la visite de la tour du palais des ducs de Bourgogne, à Dijon. Une superbe bâtisse médiévale dont les plus anciennes ailes, de style gothique, ont enchanté nos promenades citadines à l'époque lointaine de nos études (première phase, version post-bac, puis seconde phase il y a cinq ans). Si on avait eu l'occasion de cheminer dans tous les coins et recoins du rez-de-chaussée (et, une fois, pour un rendez-vous, d'accéder aux tristes bureaux du premier étages), jamais on n'avait pu grimper plus haut.
 

    C'est désormais chose faite, avec 316 marches pour accéder à la vue panoramique qu'offre cette superbe tour Philippe Le Bon. La terrasse n'est pas le seul intérêt du lieu, l'escalier en colimaçon, les vieilles pierres et les sculptures d'angle offrant une belle compensation à l'effort nécessaire pour arriver à destination.


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    Un peu plus loin que Dijon, il y a eu une escapade à la capitale pour l'exposition Worth au Petit Palais. Mais qui est donc Worth, me demanderez-vous : un très célèbre (si, si) couturier d'origine britannique, fondateur de la première grande maison de couture parisienne au milieu du XIXe siècle. Si on n'avait pas besoin d'excuse pour aller y faire un tour, on avait, en l’occurrence, une raison on ne peut plus professionnelle – qu'on ne dévoilera pas aujourd'hui, mais peut-être dans deux ou trois ans seulement. Oui, le suspense est à son comble.


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    En fin de période estivale, il y a eu les dernières promenades (outre les 25 km de vélo quotidiens) à l'ombre des arbres, sur ce chemin entre roches et forêts qu'on a découvert il y a quelques mois et qu'on aime à emprunter quand on est en quête de silence. On en a certainement déjà parlé ici et on se rabâche probablement, mais notre cerveau obnubilé par ses intérêts restreints ne peut s'empêcher de penser à Hanging Rock dès qu'on voit de vagues évocations de falaises, comme c'est le cas sur ce circuit. 


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    Une fois passée la rentrée, l'été s'est terminé sur la seule et unique rentrée qui mérite d'être faite : la rentrée littéraire. En vrai, c'est avant tout un concept très commercial, mais il justifie notre désormais traditionnel rendez-vous de mi-septembre : le salon du Livre sur la Place à Nancy, dont on retrouve chaque année avec plaisir les chapiteaux et les tables végétalisées.
 


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Achats, cadeaux, acquisitions : 
 
 
 
    Bien qu'on n'ait toujours pas de bibliothèque pour sortir nos livres des cartons de déménagement, on continue sans honte aucune (ou peut-être avec une vague culpabilisation quand viendra le moment des travaux où il faudra tout déplacer pour refaire des cloisons et monter des étagères) d'acheter encore et encore des nouveaux livres. On a ouvert la saison estivale avec l'acquisition d'une saga qu'on avait à l'époque de sa sortie initiale dévorée en e-book : les Portia Adams adventures, trilogie de romans policiers historiques dans l'héritage de Conan Doyle, lesquels s'étaient terminés sur une fin ouverte déchirante alors que l'autrice avait vu sa maison d'édition fermer boutique. Presque dix ans plus tard, la romancière a fait réimprimer ses livres en auto-édition et a signé un contrat avec un nouvel éditeur pour un quatrième et dernier ouvrage afin de clore son cycle. Si la couverture est loin d'être aussi design que pour les trois premiers opus, on est très content d'avoir pu acquérir en une fois pour notre collection, ce dernier tome et ses trois prédécesseurs en format papier. L'envie de replonger dans l'univers de Portia Adams nous a en effet été soufflé cet été par la série Sherlock and daughter qui vient d'être diffusée sur Prime et qui n'est pas sans présenter quelque ressemblance avec les enquêtes de Portia Adams.
 
 
    Toujours dans le registre des polars et des romans à énigme, on a racheté (parce qu'on est faible) la réédition chez Verso des Incroyables talents de Flavia de Luce, premier tome des enquêtes de l'héroïne du même nom. On est ravi que cette série bénéficie d'une nouvelle sortie, même si on regrette que la machine à marketing la vende sous l'étiquette de cosy mystery (terme fourre-tout utilisé à foison pour vendre, y compris TOUT ce qui n'est PAS du cosy). On est prêt à en découdre personnellement avec les salariés du service de com' pour leur donner un cours sur les genres et les registres littéraires, n'en déplaise à la souveraine publicité. Puisqu'on parle de cosy mystery, le deuxième intégral des Enquêtes d'Etsy Westobrooke a rejoint notre PAL (on n'a toujours pas lu le premier...), ainsi que le dernier Agatha Raisin paru en format poche, avec un tout nouveau visuel généré par AI (la preuve en est du nombre de jambes et de bras de tous ces personnages sur la couverture), qui nous fait regretter les illustrations les moins réussies d'Alice Tait. Enfin, on a acquis plus d'un an après sa sortie initiale le premier tome des Secrets d'Evi Lupin, série de l'ami Fabien Clavel consacré à la fille illégitime du célèbre gentleman cambrioleur. On vous en reparle très bientôt !
 
 
    Dans un tout autre registre, et afin de préparer un projet qui ne verra le jour que dans un an au moins, on a simultanément acquis ces deux romans consacrés à la figure historique de Jeanne Barret, jeune femme du XVIIIe siècle, mais aussi et surtout la première à effectuer le tour du monde à bord d'un navire en se faisant passer pour un homme afin de se consacrer à ses recherches botaniques. On a hâte de redécouvrir cette personnalité méconnue des Lumières à travers ces deux lectures parallèles. 
 
 
    Pour finir, nos quelques acquisitions au Salon du Livre sur la Place : le dernier livre de Pascale Debert (qu'on avait déjà acheté, mais qu'on avait emporté avec nous afin de le faire dédicacer), L'enfant à la tête baissée d'Alexis Salatko (dont le thème de la résilience par la lecture nous touche évidemment), Notre part féroce, de Sophie Pointurier (qui nous faisait de l’œil depuis un moment) et, une découverte totale avec le livre de Clément Camar-Mercier, Le roman de Jeanne et Nathan (on s'est laissé tenter après l'avoir feuilleté et après avoir lu que l'auteur était un spécialiste du théâtre élisabéthain... nos vieilles marottes ne sont jamais loin).
 
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Popotes et casseroles :
 
 
    Comme tous les étés, on a décliné la courgette à toutes les sauces : pas beaucoup d'originalité, que des classiques du Terrier. La quiche épinard menthe feta inspirée d'une recette goûtée il y a longtemps au Loir dans la théière, sa version en flan salé, le clafouti de courgettes au crabe et aux tomates confites mais aussi le célèbre gratin de grand-mère Rabbit à la courgette râpée, à la semoule fine et à l'Emmental. 
 
 

    Parmi les autres délices d'été, il y a eu le clafouti de tomates cerises (du jardin !) au pesto et aux pignons de pin, la salade de pommes de terre, concombre et saumon de Jamie Oliver et, côté sucré, le pudding de brioche perdue aux fruits rouges et les traditionnels muffins énergétiques flocons d'avoine, banane et pépites de chocolat.
 
 
 
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    Voilà pour ce résumé (rapide, on en convient) de ce premier été au Terrier. La pause estivale est passée encore plus vite que d'habitude et elle nous semble déjà loin. Fort heureusement, l'automne apporte avec elle bien d'autres réjouissances, à l'image de l'immanquable Challenge Halloween et des festivités qu'on y associe tous les ans... 
 

 

samedi 20 septembre 2025

Marie-Anne Collot, sculptrice des Lumières - Pascale Debert.

Liralest - Le Pythagore Éditions, 2025.
 
    Découvrez le destin exceptionnel de Marie-Anne Collot, sculptrice française, élève de Lemoyne, contemporaine de Houdon et de Pigalle, collaboratrice de Falconet, amie de Diderot et seule portraitiste attitrée de Catherine II de Russie. Elle réalise 56 bustes et médaillons connus, entre 1765 et 1783.
    "C'est un phénomène assez rare pour être unique. Elle a fait plusieurs bustes d'hommes et de femmes très ressemblants et surtout pleins de vie et de caractère." Grimm à Catherine II, 1766.
    Formée au dessin, au modelage et à la sculpture par le professeurs de l'Académie royale, la "petite Parisienne", née à l'aube d'un nouveau monde, et placée par son père comme modèle dans les ateliers du Louvre, devient, grâce à une concordance d'évènements et de rencontres, une artiste d'avant-garde copiée par les plus grands statuaires de son temps.
    Mlle Collot (1748-1821), surnommée affectueusement Mlle Victoire par son ami Diderot, connaît une ascension vertigineuse à la cour de Russie où elle détient, à 18 ans seulement, le titre très envié de "portraitiste de Catherine II'". Boudée par l'Académie royale, puis terrorisée par la tourmente révolutionnaire, Marie-Anne Collot, devenue immensément riche, fuit son domicile parisien de l'Isle Saint-Louis pour se réfugier en Lorraine avec sa fille Marie-Lucie.
    Comment imaginer qu'au début du XIXe siècle, Nancéiennes et Nancéiens pouvaient croiser dans les rues de leur ville cette femme élégante et discrète sans savoir qu'elle était la seule sculptrice française du XVIIIe siècle !
 
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    Voilà quelques années déjà que nous n'avons pas parlé de Pascale Debert : l'autrice du génialissime blog Histoires Galantes et de la collection du même nom a consacré plusieurs ouvrages aux figures historiques qui ont marqué le Grand Est (mais pas que) et/ou le siècle des Lumières (mais pas que). Après les secrets des ducs de Lorraine, Émilie du Châtelet, Madame de Graffigny ou encore Chrétienne du Danemark, elle a également rendu hommage à Diderot et aux femmes artistes qui ont traversé les siècles dans l'ombre des hommes. Si nous n'avons pas encore trouvé le temps de présenter ces deux titres, nous avons en revanche récemment acquis et dévoré son petit dernier consacré à une illustre méconnue : Marie-Anne Collot.
 

    Que sait-on au juste de Marie-Anne Collot ? Peu de chose, du moins si l'on cherche la réponse dans les livres d'Histoire. Manuels scolaires et biographes semblent bouder cette artiste, invisibilisée comme tant d'autres femmes de talent à travers les siècles. Rien que de très normal, me direz-vous : on commence à avoir l'habitude. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir laissé une œuvre conséquente, et "Mademoiselle Victoire" (gracieux surnom parmi les nombreux qui lui seront donnés) est par ailleurs restée dans les mémoires de l'Histoire de l'Art russe, où nombre de ses créations attestent de son génie. En Lorraine également, où elle a acheté à la fin de sa vie plusieurs terres et demeures, et où l'on trouve encore certains de ses bustes et quelques-unes de ses archives personnelles.
 
 
    Comment cette petite Française à qui la vie ne promettait pourtant rien d'autre que la misère ou une mort prématurée a-t-elle pu se faire une place auprès des plus grands - en particulier Catherine II, dont elle deviendra la sculptrice attitrée - et asseoir sa légitimité comme statuaire à part entière ? Pour nous le raconter, Pascale Debert, fidèle à son style mi-ludique, mi-érudit, convoque les meilleures astuces afin de restituer le contexte dans lequel a évolué Marie-Anne Collot : à défaut d'éléments précis sur ses jeunes années, l'autrice dresse un tableau du Paris des Lumière et un état des lieux richement documenté de la vie (ou de la survie, si l'on peut dire) des enfants au sein de la capitale. Elle intercale également ses nombreux articles de fac-similés de gazettes parisiennes d'antan où, rassemblant quelques nouvelles véridiques choisies à dessein, elle restitue avec habileté le quotidien artistique ou politique d'alors.
 

    Sur les traces de Marie-Anne Collot, on découvre ou redécouvre d'autres grands noms étroitement liés à son parcours : Diderot, son ami, Lemoyne, son mentor, ou encore Falconnet, son Pygmalion. On apprend qu'au XVIIIe siècle, les peintres exposaient leurs œuvres en pleine rue, ou encore qu'il était possible de se rendre en Russie en un mois si l'on voyageait à bord d'une voiture (tirée par des chevaux, évidemment). On prend conscience de la fragile réputation d'une jeune femme, d'abord modèle, puis aspirante artiste vivant sous le même toit que son professeur. On admire les créations de "Mademoiselle Victoire", stupéfiantes de vie et de réalisme, loin des visages froids et figés de ses confrères sculpteurs. On séjourne avec elle à la cour impériale de Russie, où cette jeune femme tirée du ruisseau touche du doigt les plus grands grâce à son seul talent. Il y a, à n'en pas douter, quelque chose d'éminemment picaresque dans la destinée de cette artiste.
 

 
En bref : Dans cette nouvelle pépite de la collection "Histoires Galantes", Pascale Debert nous raconte la vie et l'œuvre de Marie-Anne Collot, première sculptrice française reconnue comme telle par ses contemporains. Des rues du Paris des Lumières à la cour impériale de Russie en passant par le palais du Louvre, l'autrice nous fait vivre le destin picaresque de cette héroïne étrangement méconnue dans ce style mi-ludique, mi-érudit qu'on adore, marque de fabrique de sa collection. Une figure inspirante à redécouvrir sans tarder.