dimanche 3 mai 2020

Son espionne royale et la fiancée de Transylvanie (Son espionne royale mène l'enquête #4) - Rhys Bowen.

Royal Blood (Royal Spyness #4), Berkley, 2010 - Editions Robert Laffont, coll. La bête noire (trad. de B.Longre), 2020.

  Sa mission : sauver un mariage princier.

  Londres, 1932. La reine demande à Georgie de s’acquitter d’une tâche bien délicate : représenter la famille royale lors du mariage de la princesse de Roumanie et du prince de Bulgarie, qui aura lieu en Transylvanie dans le fameux château de Bran. Georgie accepte avec plaisir, d’autant que la mariée se trouve être une ancienne camarade d’école. Mais le château est lugubre, l’atmosphère de la région, berceau de toutes les légendes de vampires, macabre. Et le séjour de Georgie prend un tour carrément terrifiant quand, la veille de la cérémonie, l’un des invités meurt empoisonné ! C’est à elle qu’il revient de sauver les festivités nuptiales… avant que la mort ne sépare les jeunes mariés un peu plus tôt que prévu.


  Entre Downton Abbey et Miss Marple, une série d’enquêtes royales so British !

*** 

  Et de quatre! Grâce à sa sortie simultanée avec le tome 3, on s'est jeté sur ce quatrième opus de Son espionne royale sans attendre! Au programme : un voyage en Europe de l'Est, sur les terres propices aux légendes de vampires...


"— Georgiana, ma chère. C'est très aimable à vous de venir au pied levé.
  Comme si j'avais pu lui refuser quoi que ce fût. Les souverains avaient cessé de faire trancher des têtes, mais on continuait néanmoins de leur obéir."


  Automne 1932 : Georgie gèle dans la maison londonienne des Rannoch lorsqu'elle reçoit une lettre de son frère Binky et de son horrible belle-sœur, Fig. Tous les deux vont venir passer quelques jours en ville et s'attendent à ce que la demeure soit prête à leur arrivée. Mais que s'imaginent-ils? La pauvre Georgie vivotte elle-même là depuis plusieurs mois, ne s'alimentant que de thé et de toast, ayant tout juste de quoi allumer un feu! Fort heureusement, voilà que le séduisant Darcy O'Mara l'invite au restaurant pour une soirée très arrosée, d'où la jeune fille revient très pompette... scandalisant ainsi pour son plus grand plaisir une Fig qui semble encore plus retournée que de coutume (et pour cause... elle attend un autre bébé Rannoch qui relègue Georgie à la 35ème place dans la liste d'accession au trône)! Mais les affaires ne vont pas tarder à reprendre : la jeune lady est convoquée par la reine, qui veut lui confier une mission bien particulière : représenter la famille royale à l'occasion d'un mariage princier donné en Transylvanie. Ravie d'être nourrie et logée pendant quelques jours, la jeune femme accepte quoi qu'elle reste surprise d'être envoyée à la place d'une héritière de plus grande importance. Une fois sur place, elle comprend tout : le frère de la mariée, une ancienne camarade de classe de Georgie et Belinda, n'est autre que l'insupportable Prince Siegfried, que tout le monde tente de lui faire épouser depuis plusieurs mois. Mais cela sera loin d'être la seule corvée de son séjour dans ce pays lugubre : en plein dîner de fête, l'un des convives, haut représentant politique, meurt empoisonné. Pour éviter de réveiller de vieilles rancunes étatiques et préserver la paix, Georgie décide de mener l'enquête... rendue bien compliquée par les gaffes de sa nouvelle bonne, engagée au pied levé et qui n'entend rien aux us et coutumes de l'aristocratie!


"— Nous avons organisé un événement relativement modeste, et les invités seront surtout des parents, expliqua Matty. Après tout, nous sommes tous liés à la plupart des familles royales européennes. Nous sommes tous horriblement consanguins, je le crains. Rien d'étonnant à ce que nous soyons aussi toqués." 
 

  Après un troisième opus qui avait gagné en qualité, autant dire que ce tome fraîchement arrivé chez nous était attendu au tournant! Le premier tiers, fidèle aux codes de la série, permet une fois encore de poser le décor et de faire entrer tour à tour les personnages de l'histoire. On y retrouve avec plaisir Darcy O'Mara, que les activités probablement liées aux services secrets rendent de plus en plus intéressant au-delà de son idylle avec Georgie, même si on s'amuse franchement de voir ces deux-là batifoler de plus en plus, quitte à créer de vrais scandales. 

 
"La chasse est un passe-temps sain pour les jeunes hommes. Cela leur évite de s'appesantir sur leurs pulsions sexuelles."
 
  On sent rapidement que l'auteure est certainement une admiratrice du Dracula de Bram Stoker, tant l’œuvre s'invite voire s'impose dans l'intrigue de ce quatrième tome. C'est peut-être même en hommage à ce chef-d’œuvre de la littérature de l'horreur que Rhys Bowen a tenu à écrire ce roman. Dès lors, il faut justifier le déplacement en Europe de l'Est, ce qu'elle parvient à expliquer de façon assez crédible avec cette histoire de mariage princier. Avant même que l'héroïne n'arrive sur place, l'écrivaine amène dans les discussion la légende du vampire pour préparer le terrain... vampire que l'on guette à la moindre page dès que la jeune lady pose son premier pied en Transylvanie : les paysans brandissant des croix à tout bout de champs, le château de Bran (qui a appartenu au vrai Dracula), une silhouette drapée dans une cape qui grimpe sur le mur de la bâtisse en pleine nuit... voilà qui sonne un peu trop "Bram Stoker". L'affluence de référence est un peu too much, là où de simples suggestions auraient peut-être été suffisantes mais reconnaissons que le château offre un décor de choix, propice aux intrigues et que cette lecture donne furieusement envie de visiter!

"Il faut te rendre à l'évidence, Georgie : passer d'un lit à l'autre est un sport d'importance majeure pour notre classe sociale. Cela permet de tuer le temps entre deux parties de chasse, de tir et de pêche."

Une chambre du château qui pourrait fort bien avoir inspiré celle de Georgie dans le roman,
et un escalier dérobé véritable qui a peut-être soufflé à l'auteure l'idée de passages secrets...
 
"Les gens ont tous la même tête dans cette région du monde (...). C'est la faute des Huns. Ils étaient si doués pour violer et pour piller que tout le monde leur ressemble à présent."

  Heureusement, le mariage princier reprend vite la place centrale de l'histoire et, une fois le meurtre survenu, l'enquête est fort bien écrite et rondement menée. L'auteure, en évoquant les guerres de territoires et conflits politiques des pays de l'Est à cette époque, montre une fois encore qu'au-delà de la légèreté de cette série, elle continue de reconstituer un contexte toujours nourri de nombreuses recherches qui donnent du corps au roman. On apprécie de voir Georgie mise en avant par Darcy pour participer aux investigations et rester dans le secret de l'enquête lorsque le meurtre survient : même si ce rôle qui lui est donné laisse perplexe de nombreux personnages masculins, la jeune femme s'impose, forte de son expérience... on l'imagine bientôt se voir confiée des missions plus importantes, peut-être à quatre mains avec le mystérieux Darcy?

"— Il te faut savoir que les hommes n'ont que deux pensées en tête : tuer et copuler.
— Il existe quantité d'hommes qui possèdent des sentiments plus raffinés et qui s'intéressent à l'art et à la culture, j'en suis certaine.
— Oui, ma chérie, naturellement. On les appelle les homosexuels. Et ils sont adorables, toujours pleins d'esprit et fort divertissants. Mais au cours de ma longue et singulière vie, j'ai découvert que ceux qui sont le plus en verve sont des incapables au lit, et vice versa."


La bibliothèque du château de Bran, où les personnages se réunissent pour faire le point sur leurs investigations...
 
  L'humour revient en force dans cet opus, plus proche des scènes vaudevillesques du premier et du second tomes, principalement grâce au personnage de Queenie, la bonne engagée à la dernière minute et véritable catastrophe ambulante. L'auteur en fait peut-être un peu trop avec cette dernière, mais on est content d'apprendre que Georgie décide de la garder à son service et de la retrouver dans les tomes suivants : sa maladresse peut parfois relever du génie et on s'attend à la voir devenir une aide précieuse à l'avenir. Parmi les autres personnages secondaires, Georgie se voit accompagnée d'un chaperon royal du nom de Lady Middlesex (l'entrée en scène de cette agaçante mais non moins courageuse femme d’ambassadeur laisse planer un instant d'humour en raison de son nom très connoté, passage qui marche cependant mieux en VO qu'en VF) et de la demoiselle de compagnie de cette dernière, Mlle Bickett, paranoïaque mais perspicace. Cependant, les traits de tous ces personnages secondaires sont beaucoup plus forcés que dans les opus précédents et parfois un peu trop caricaturaux. Le final est aussi un peu plus inégal : l'écrivaine multiplie les atermoiements pour augmenter le suspens et essayer de brouiller les pistes mais la révélation reste malgré tout trop transparente.  
 
 
"Elle parvint à afficher un franc sourire et me tendit la main.
— Middlesex, déclara-t-elle.
— Je vous demande pardon?
— C'est mon nom. Lady Middlesex."
 
 
 La véritable famille royale de Roumanie,
mariage de la princesse Ileana en 1931


En bref : Un opus qui a de bons côté dans l'évolution du personnage principal et sa relation – voire son association – avec Darcy, mais dont l'intrigue est plus inégale que les précédents. L'ombre du Dracula de Stoker est trop présente et l'histoire que brode Rhys Bowen justifie davantage les références utilisées qu'elle n'existe pour elle-même. Ce quatrième tome reste agréable à lire mais on espère un niveau d'un cran au-dessus à l'occasion du prochain opus...
 
 
 

Pour aller plus loin...

- Découvrez toute la série : le tome 1, le tome 2, le tome 3 et les suivants à venir...

 
  

2 commentaires:

  1. Oh que j'ai envie de poursuivre cette série !! Ce tome me tente d'ailleurs tout particulièrement... :-)

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    1. Je l'ai un peu moins aimé que le troisième mais ça reste très plaisant!

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