vendredi 7 mars 2014

Belle, a retelling of "Beauty and the Beast" - Cameron Dokey.

Simon Pulse, 2008, 2011.

  Belle est convaincue de ne pas porter le bon prénom, contrairement à ses sœurs qu'elle est persuadée de ne pas égaler en beauté. Elle choisit donc de s'écarter de la société et de passer tout son temps à son activité favorite : la sculpture et gravure du bois. Elle s'y consacre corps et âme, rêvant secrètement de trouver un jour le mythique "Heartwood Tree", l'"Arbre du Cœur de la forêt" : selon la légende, si son bois est sculpté par la bonne personne -une Élue- il lui révèlera le véritable visage de l'Amour sincère. Au cours d'une violente tempête, le père de Belle s'égare dans les bois et se retrouve au Cœur de la Forêt, LE fameux domaine de la légende, habité par une créature solitaire et effrayante. Parce qu'il a tenté de prendre une branche de l'Arbre mythique pour sa fille, celle-ci doit venir vivre auprès de la Bête. Là, elle devra apprendre à voir non pas avec ses yeux, mais avec son cœur.


***

  Après le roman de McKinley, voici une nouvelle réécriture dans la même veine, issue du corpus "Once upon a time Series" des éditions Simon Pulse, à savoir une collection young adult composée uniquement de relectures originales de contes classiques. Dans le cadre d'une précédente sélection de lectures sur Blanche-Neige, j'avais justement eu l'occasion de lire un roman provenant de cette série : Snow, réécriture steampunck de l'histoire de Grimm par Tracy Lynn. L'auteure est cette fois-ci Cameron Dokey, plus connue outre-Atlantique pour ses romans de gare fantasy de petite facture, et un peu plus chez nous pour de nombreuses novélisations de séries télévisées à succès parues chez Fleuve-Noir (Buffy, Charmed, Angel et consort, qui ont fait le succès de cet éditeur au tournant des années 2000). Parti de là, on pourrait croire que Belle démarre avec un sacré handicap... et pourtant...

Couverture de la seconde édition originale...difficile de faire plus "roman de gare"...

  Beaucoup de lecteurs ont d'emblée comparé ce Belle avec le Beauty de Robin mcKinley, l'accusant au passage d'une énorme et honteux plagiat. Si l'entrée en matière et la narration faite par l'héroïne amènent effectivement à de nombreuses similitudes, j'ai pour ma part considéré que Dokey réussissait à s'en affranchir et soumettre des idées véritablement originales. En fait, là ou McKinley ne prenait à mes yeux pas de risques dans le traitement de son histoire, Dokey enrichit le conte initial de nombreux détails et parures qui l'orientent dans des voies insoupçonnées et toujours plus intéressantes, sans le trahir. Tout d'abord, elle va beaucoup plus loin dans les descriptions et informations annexes : l'univers familial et social de Belle (de son vrai nom Anabelle Evangeline Delaurier) est raconté à grand renfort de détails. On parvient ainsi à se projeter sans mal dans son univers et à se représenter le métier de marchand dans la Marine de son père et leur mode de vie bourgeois fait de mondanités et de convenances, celles-là mêmes merveilleusement incarnées par la douce mais très stricte mère de famille (ici toujours en vie et typiquement "austenienne" dans le genre "dame comme il faut à cheval sur les règles de bienséance").

  Dans cette version, la rose est développée et devient la fleur d'un arbre mythique, au centre d'une légende. La plante en question aurait poussé au Coeur de la Forêt Profonde, sur la tombe d'une princesse tellement aimée de son époux qu'elle porte dans ses branches l'essence même de l'Amour Sincère. L'histoire peu à peu racontée sur ce couple princier apporte une touche de magie supplémentaire et une douce mélancolie au roman tout en le faisant sortir de la simple relation duelle entre Belle et la Bête. Autour de cette légende fondatrice à l'intrigue, la demeure de la Bête apparait comme un domaine encore plus "à part" que dans le livre de McKinley, un lieu fantastique que la Nature dissimule et protège des regards indiscrets et dont elle n'ouvre les portes qu'à ceux qui le méritent réellement. Dokey nous offre ainsi de splendides descriptions de la demeure bourgeoise de la Bête (Ah, la chambre de Belle et sa splendide loggia toute en vitraux!) et du décors environnant (rocs, végétation grimpante et lac enchanteur).

 Le domaine de la Bête?

  Les personnages sont eux aussi très travaillés : Belle a un côté garçon manqué et nous est présentée comme une artiste passionnée versée dans la sculpture du bois plutôt que les relations mondaines. Habitée par son art, véritable don, elle semble 'sentir' quel futur objet à façonner se cache dans chaque morceau ou branche de bois brut. L'analogie entre cette "seconde vue" et la légende de l'Arbre du Cœur de la Forêt mais aussi du thème de la beauté au-delà des apparences est probablement le leitmotiv le plus pertinent de cette réécriture.
  Mais revenons-en aux personnages : La Bête, maintenant. Elle aussi est plus développée ici que dans le roman de McKinley. En prime, nous avons même droit à une ébauche de description physique et ce même si C.Dokey reste floue pour ne pas faire violence à l'imagination du lecteur. En revanche, sa personnalité est peut-être moins forte chez Dokey, qui nous régale malgré tout de joutes verbales passionnantes entre la Bête et l'héroïne. Le contenu des nombreux dialogues devient parfois très émouvant, alternant toujours entre la crainte et la fascination éprouvée par la Belle. La plus belle scène et à mes yeux la plus marquante est d'ailleurs cette grande discussion des deux personnages alors qu'ils s'offrent une ballade nocturne en barque sur le lac de la Bête... ballade qui tourne ensuite bien vite au vinaigre, mais ajoutant par-là même du rebondissement à l'intrigue (et nous renvoyant aussi, il faut l'avouer, à certains passages du dessin-animé de Disney et du scénario de Linda Woolverton...).
 Melting-pot d'images sur le thème de Belle, du Disney La Belle et la Bête (source: tumblr.com).

  Cependant, il reste tout de même deux ou trois détails décevants : encore une fois, pas de miroir magique (mais les reflets du lac, dont la surface est sensée montrer tout ce qu'on lui demande à voir). De plus, on regrettera un rythme inégal dans le traitement de l'intrigue par son auteure, qui a vite fait d'expédier l'histoire jusqu'à son dénouement une fois Belle arrivée chez la Bête (deux-tiers du roman étant déjà dépassés à ce stade de la lecture!). Enfin, si l'origine de la transformation de la Bête évoque à bon escient les contes de Madame d'Aulnoy, on regrette que C.Dokey ne l'ait pas reliée à la légende du couple princier et de l'Arbre magique, tant cela semblait évident et aurait convenu à l'atmosphère alors instaurée.

  En bref : Malgré l'aspect "roman de gare à trois sous" qu'il peut laisser présager, ce Belle est une lecture très plaisante et très agréable. Plus visuelle et plus fouillée que l'ouvrage de petite facture qu'on imagine et en dépit de ses quelques défauts, cette réécriture dépasse donc même par certains côtés le Beauty de Robin McKinley. Voilà donc une curiosité à découvrir et à lire comme une petite gourmandise.

Et pour aller plus loin...


-Si vous avez aimé ce livre, vous aimerez peut-être:
 -Belle (Beauty) de Robin McKinley, vu comme LA réécriture de la Belle et la Bête, également racontée par l'héroïne et véritable hommage à ce personnage.
 -Le film La Belle et la Bête de C.Gans, dont les choix scénaristiques rappellent par bien des côtés certains passages de ce roman.


2 commentaires:

  1. Oh mais pourquoi tous ces romans ne sont-ils pas traduits en français ? C'est tellement dommage ! Tu m'avais déjà donné très envie de découvrir "Snow" et tu en remets une couche avec celui-ci !

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    1. Oui, c'est vraiment dommage! D'autant plus que c'était vraiment une lecture très originale qui mériterait d'être plus connue malgré ses airs futiles! =)

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