Confessions of an ugly stepsister
Un téléfilm Wonderful world of Disney de Gavin Millar, d'après le roman de Gregory Maguire
Avec : Stockard Channing, Azura Skye, Trudy Styler, Emma Poole, Jenna Harrison, Jonathan Pryce, Matthew Goode...
Première diffusion originale : 10 mars 2002
La malchanceuse et intrigante Margarethe, un peu sorcière, fuit l'Angleterre et le comportement belliqueux de ses voisins à son encontre après la mort de son époux. Avec ses filles Iris, intelligente mais au physique imparfait, et Ruth, simplette et probablement déficiente, elle part pour la Hollande où elle espère une vie meilleure. Trouvant rapidement à se faire embaucher comme domestique puis, à grand renfort de charmes et de stratagèmes, à devenir la nouvelle épouse du maître des lieux, Margarethe constate que sa nouvelle belle-fille, Clara, bien qu'agoraphobe, est bien plus belle que ses deux filles. Alors quand un grand bal est annoncé en l'honneur d'un jeune prince à marier et que les coffres de la famille sont de nouveau vides, Margarethe tente d'obtenir d'Iris de séduire le prince afin de pouvoir être introduite dans la famille royale. Mais Iris, dont le cœur est déjà pris, est davantage intéressée par la peinture que par les projet de sa mère.
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Auteur salué par la critique américaine avec son best-seller Wicked, Gregory Maguire est rapidement devenu célèbre pour ses réécritures de contes de fées mêlant noirceur, recontextualisation historique et analogie philosophique. Dans Confessions of an ugly stepsister, paru en France aux éditions du Rocher sous le titre Les petites sorcières, il réinvente l'histoire de Cendrillon dans la Hollande du Siècle d'Or. L'imagination et l'originalité déployées dans cette relecture ne pouvaient qu'inviter à une transposition : après Wicked monté sur les planche de Broadway en version musicale, Confessions of an ugly stepsister se voit adapté pour la télévision en 2002, soit à peine trois ans après la publication du roman. Si certaines sources indiquent que ce téléfilm a été doublé et diffusé sur la télévision française sous le titre Cruelle beauté, il n'en reste quasiment aucune trace et il ne semble malheureusement pas avoir marqué les esprits des téléspectateurs hexagonaux...
Il faut reconnaître aussi que le roman, en France, n'avait pas eu la même résonance que dans les pays anglo-saxons, où l'auteur rencontre vraiment un succès sans fin. Par ailleurs, remarquons que cette transposition, dès le cahier des charges du projet, empruntait un virage conséquent par rapport au texte initial : alors que le livre de Maguire est destiné à un lectorat adulte et propose une interprétation sombre et complexe du conte de Cendrillon, cette transposition, filmée pour Disney dans le cadre de son anthologie télévisée "Wonderful world", s'adresse donc à un public plus familial. Dès lors, le scénario se devait des infidélités, ou du moins quelques nuances...
Pour autant, ce film trahit-il l’œuvre de Maguire? Eh bien pas tant que cela! Outre l'atténuation de certains éléments et de minimes ajouts visant à se rapprocher du conte original par quelques incursions de merveilleux, la colonne vertébrale de l'histoire est conservée. Parmi les écarts et modifications, le scénario de Gene Quintato (scénariste de la saga des années 80 Alan Quatermain, avec R.Chamberlain), accélère la temporalité en procédant à quelques ellipses. Ainsi, dans le roman, Margarethe et ses filles s'installent chez Van den Meer alors que sa femme est encore en vie, épouse que Margarethe empoisonne afin de pouvoir prendre sa place dans le lit nuptial. Cet élément très sombre est bien évidemment gommé dans ce téléfilm à visée familiale : Van den Meer est déjà veuf et Margarethe se contente d'utiliser quelques filtres (dont on se demande s'ils sont vraiment magiques ou non, mais la réputation de sorcière reste bien présente) pour le séduire. De même, le téléfilm ne s'étale pas sur plusieurs années et contrairement au texte où l'on voit grandir les filles, elles sont ici toutes déjà adolescentes dès leur fuite de l'Angleterre.
Le roman de Maguire faisait de nombreuses références aux changelings, ces bébés des fées ou farfadets que les créatures de l'autre monde échangeraient avec les nouveaux nés humains dans leur berceau. Toute une rumeur entourait à ce titre le personnage de Clara, l'étrange fille de Van den Meer qu'on suppose être une enfant des fées, ce qui expliquerait ainsi ses étrangetés. Ces aspects sont supprimés de l'adaptation et Clara y est juste présentée comme extrêmement discrète et craintive, notamment du monde extérieur. Si le roman ne présente pas d'équivalent à la fée-marraine du conte original, le scénario du film utilise un autre personnage du roman, la Reine des Bohémiennes, sorte de diseuse de bonne aventure qui va et vient dans la ville, pour assurer ce rôle. D'ailleurs, alors la sorcellerie est juste supposée dans le livre de Maguire, la place donnée à cette Reine des Bohémiennes dans le téléfilm réinvite ici une magie typique d'un film Disney ; on la voit en effet plus ou moins changer une souris en pantoufle argentée, souris qui tenait jusque là un rôle d'animal de compagnie de Clara, évoquant très fortement les souris du Cendrillon animé de 1950. Le scénario glisse d'ailleurs ici et là quelques clin d’œil à la célèbre version animée (dont une première robe de bal déchirée par la marâtre) mais évoque aussi parfois le film A tout jamais, autre réinterprétation de l'histoire de Cendrillon, sorti en 1999 (la robe que porte "Cendrillon" pour le bal est dans les deux films une robe somptueuses qui appartenait à sa défunte mère, remisée dans un vieux coffre).
Stockard Channing, charismatique Margarethe.
Au-delà de ces nuances visant donc à rendre l'histoire visible pour un plus large public, la trame globale et surtout le tempérament des différents personnages sont fidèlement conservés, et même très bien interprétés. Parmi les acteurs les plus marquants de ce téléfilm, notons la présence au casting de la grande Stockard Chaninng dans le rôle de Maragethe ; Stockard Channing, qui jouait le personnage tempétueux de Rizzo dans Grease, mais surtout Tante Frances dans les Ensorceleuses, un rôle qui a surement joué en sa faveur pour obtenir celui de Margarethe, elle aussi un peu sorcière. Son charisme naturel et son magnétisme un tantinet gothique correspondent tout à fait à ce personnage de marâtre intrigante prête à tout pour obtenir une position sociale stable et valorisante. Sa prestation évoque par ailleurs l'aura que dégageait Anjelica Huston dans ce même rôle de belle-mère dans A tout jamais.
Pour le reste du casting, on retrouve avec plaisir le british Jonathan Pryce dans le rôle du peintre Shoenmacker et le déjà très séduisant Matthew Goode à ses débuts dans celui de son apprenti. Si l'actrice qui interprète Clara se fait remarquer par sa beauté lisse et blanche, Azura Skye (connue pour ses nombreux seconds rôles dans Buffy contre les vampires, American Horror Story ou Riverdale), elle, se démarque par un visage étrange, avec quelque chose de transparent, quelque part entre Drew Barrymore et Dakota Fanning. Ses traits se prêtent merveilleusement bien à l'époque et son jeu donne vie à ce personnage de jeune fille décidée à vivre de son art et de son intelligence malgré les projets futile qu'entretient à son égard une mère possessive et directive. Enfin, notons le personnage de Ruth, la sœur que le livre présente comme intellectuellement déficiente au physique ingrat, à qui l'actrice méconnue Emma Poole donne une vraie humanité.
La mise en scène est classique (et parfois un peu cheap, à l'image des scènes qui se figent à la façon d'une peinture à l'huile pour marquer les transitions) mais la reconstitution, pour un téléfilm du début des années 2000, est tout à fait honorable et même impressionnante ; il n'y a aucun doute que Disney a investi autant de dollars dans cette fiction télévisée qu'elle l'aurait fait pour le grand écran. Filmé dans un Luxembourg qui fait superbement illusion, les décors, sans atteindre la qualité de ceux de la Jeune Fille à la Perle ou de la mini-série Miniaturiste, sont malgré tout très convaincants. Il en est de même pour les costumes, particulièrement réussis, très authentiques au regard de l'époque.
En bref : Une adaptation qui perd un peu de sa profondeur en voulant cibler un public plus familial que le roman d'origine, mais qui parvient à respecter la colonne vertébrale de l'intrigue de G.Maguire. Ce téléfilm à la mise en scène classique offre néanmoins une reconstitution historique fouillée à travers les efforts apportés aux décors et costumes, et le casting est convaincant, l'inégalable Stockard Channing et l'évanescente Azura Skye en tête. Très sympathique, on regrette qu'il ne soit pas connu davantage et facilement visible.
Et pour aller plus loin...
Lisez le roman original, Les petites sorcières .
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