vendredi 27 novembre 2020

Gourmandise littéraire : Boerenkoffie des Van den Meer.


 
    Voilà une recette qu'on souhaitait partager avec vous depuis un moment et qui avait toute sa place dans le Challenge Halloween consacré aux contes de fées : dans le roman Les Petites Sorcières – en anglais Confessions of an ugly stepsister – Gregory Maguire, auteur et conteur hors paire, réinventait l'histoire de Cendrillon dans le contexte fascinant de la Renaissance Hollandaise, entre commerce de tulipes et peinture flamande. L'intrigue met en scène une veuve diabolique et possessive, Margarethe, un peu sorcière, qui quitte Londres pour Haarlem avec ses deux filles Iris et Ruth. Tandis que la première espère apprendre la peinture et que la seconde, simplette, observe le monde à travers le filtre de sa différence, la mère, elle, s'est incrustée dans le foyer d'un riche bourgeois du nom de Van den Meer. A grand renfort de manigances et peut-être même de sortilèges, elle espère bien envoyer ad patres Henrika, l'épouse Van den Meer, pour prendre sa place. Mais Margarethe voit d'un mauvais œil leur étrange fille, Clara, une créature craintive mais dont la beauté pourrait bien faire de l'ombre à Ruth et Iris, au physique disgracieux...
 

    Outre la trame, rappelant les éléments de Cendrillon, qui se tisse en filigrane de ce drame hyper réaliste mené de main de maitre, l'auteur se plait à enrichir son univers de nombreuses anecdotes historiques qui participent à étoffer son roman. Parmi ceux-là, les détails culinaires ont bonne place et le lecteur a ainsi un aperçu de la cuisine quotidienne de la Hollande du Siècle d'Or : ragoût aux pruneaux, pain d'épice et autres chocolats chauds à la cannelle parsèment les pages de Confessions of an ugly stepsister


    L'une des recettes qui a retenu notre attention est réellement typique du pays et de l'époque : alors que Haarlem est enseveli sous une épaisse couche de neige et que les filles de Margarethe espère jouer au-dehors avec Clara, Henrika a servi à son mari une boisson des plus revigorantes...
 

"— Vous pouvez aller dans le jardin, ou dans n'importe quelle pièce de la maison à condition de frapper d'abord à la porte. Mais tu ne peux pas faire franchir à Clara la porte d'entrée ni celle du jardin. Tu ne peux pas escalader les murs comme un galopin ou sortir par les fenêtres. Tu ne peux pas non plus te hisser dans la cheminée ou fouiner dans les caves. Me comprends-tu?
— Nous sommes prisonnière? demande Iris.
— Clara n'est pas adaptée au monde. Elle tremble et frissonne. Visitez le jardin et les granges, au fond. Clara sait où elle a le droit d'aller. 
    Jusqu'à cet instant,  Van den Meer a baigné son visage dans la vapeur de son boerenkoffie, qui conjugue les effluves de bière chaude, de sucre et de muscade avec l'odeur laineuse de sa barbe. Mais il relève le menton, parallèle à la table et dit, comme poursuivant une discussion en cours :
— Te souviens-tu avoir entendu raconter qu'à Delft le clergé avait banni les bonshommes de pain d'épice à la fête de la St Nicolas? Et les enfants se sont révoltés. Ils courraient dans les rues en hurlant et refusaient de travailler. Les enfants finiront par se révolter, ma mie."

Les petites sorcières (Confessions of an ugly stepsister), G.Maguire, éditions du Rocher, 2001.


    Boerenkoffie. Un étrange nom pour une bien curieuse boisson. Ce type de décoction mélangeant épices et alcool est caractéristique des pays flamands (jetez donc un œil au vin doux épicé de La jeune fille à la perle) mais aussi du Moyen-Âge et de l'Epoque Moderne suite à leur important commerce grâce aux colonies et aux compagnies de marchands hollandaises. Littéralement "café de la ferme", "café des fermiers" ou encore "café de campagne", le Boerenkoffie n'est pas sans évoquer également les boissons chaudes de la famille des laits de poule et autres eggnog destinés à tenir chaud pendant l'hiver. Décrit comme un mélange de bière, de café et d'épices auxquels on ajoutait parfois du beurre et/ou des œufs, le Boerenkoffie se voulait avant tout une boisson roborative et revigorante. On la servait traditionnellement en extérieur et particulièrement lors des fêtes qui s'organisaient sur les lacs ou étangs gelés, où les villageois dansaient ou patinaient.

    Comme pour toute recette ancienne, il existe plusieurs versions et variantes. Le mélange café/alcool/sucre/beurre/œuf pouvant être particulièrement indigeste, on vous propose une des versions les plus soft qui existent. Pour rassurer les moins enthousiastes, sachez qu'elle est tout à fait buvable et loin d'être inintéressante : l'association de l'amertume de la bière et du café à la douceur du sucre roux et des épices de Noël crée un résultat curieux mais loin d'être désagréable pour affronter le frimas.
 

 
Ingrédient (pour 4 personnes):
 
- 1 litre de bière ambrée
- 50 cl de café chaud et serré
- 4 c-à-s de sucre roux ou de cassonade
- 1 c-à-c de cannelle en poudre
- 1 c-à-c de muscade moulue

A vos tabliers!

- Dans une casserole sur feu doux, faire chauffer la bière, les épices et le sucre.
- Lorsque le sucre a totalement fondu, retirer du feu.
- Ajouter le café chaud, remuer.
- Servir dans des tasses épaisses.


A savourer lors d'une promenade au milieu du givre ou confortablement installé devant la cheminée...
 
 
 Grand merci à J.M. Frémont, G. Marot et à La Tour des Villains de Montsaugeon pour leur accueil et le décor mis à disposition.
 
***
 

2 commentaires:

  1. Que ça semble alléchant !! :-) J'aime beaucoup les boissons à base d'épices, notamment au moment de Noëlloween ^_^. Encore une très belle mise en scène, de surcroît : bravo !

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    1. Merci Fondant ! Et c'était encore très amusant pour moi de réaliser ces photos! Comme toujours :-)

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