samedi 1 mars 2014

La Belle et la Bête - Madame Leprince de Beaumont

La Belle et la Bête, in Le Magasin des Enfants, 1757 - Multiples éditions et rééditions depuis, dont Le Livre de Poche Jeunesse, 2008.

  Pour sauver la vie de son père, la Belle, une jeune fille d'une incroyable beauté accepte de rester à jamais prisonnière de la Bête, un prince à qui une méchante fée a jeté un mauvais sort. Mourra-t-elle sous les griffes du monstre ? Quel sort lui réserve cette créature mi-homme mi-animal ? La Belle est résignée à affronter le pire mais au pays des contes, tout est possible et les apparences sont souvent trompeuses...







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  Je poursuis ici ma sélection d'ouvrages sur le thème de La Belle et la Bête. Après la première version de Madame de Villeneuve, je vous présente cette fois la seconde, mais aussi la plus connue (si l'on oublie bien évidemment la relecture du conte par Disney, qui les a bien souvent toutes éclipsées). Jeanne-Marie Leprince de Beaumont reste en effet dans les mémoires pour être l'auteure ultime de la Belle et La Bête, qu'elle reprend à son aînée Madame de Villeneuve pour en réécrire une nouvelle vision, moins précieuse et davantage éducative.

Jeanne-Marie Leprince de Beaumont.

  Je ne peux m'empêcher, avant toute chose, de revenir sur le parcours de vie véritablement romanesque de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont : Orpheline de mère très jeune puis mariée à un Marquis trop bon vivant qui dilapide son argent, cette institutrice de formation est une figure féminine forte et décidée qui parvient à prendre les rennes de son destin à une époque où le beau sexe n'a pourtant pas cette liberté. Après la naissance de sa fille, elle parvient en effet à faire annuler légalement son mariage et, au fil de nombreuses péripéties dignes d'un roman, à conserver une réelle place dans la société ainsi qu'une image de femme hautement respectable. Ce statut social gagné, il lui permet d'obtenir un poste de gouvernante outre-Manche où elle part s'installer mais aussi poursuivre les travaux d'écriture entamés en France, et qui ont participé à sa reconnaissance comme femme de lettre. Une fois sur place, fortement influencée par sa profession, elle rédige donc de nombreux guides et ouvrages à visée éducative pour les enfants, dont les très célèbres Magasin des enfants, Magasins des Adolescentes ou encore Magasin des Dames. C'est dans le premier qu'elle propose sa réécriture de La Belle et la Bête.

Illustrations de Bertall (à gauche, 1853), et de Henry Matthew Brock (à droite, 1914).

  Reprenant à son compte le récit de Madame de Villeneuve, elle le retravaille entièrement et en propose une version raccourcie et allégée, mais non moins intelligente. Au contraire : en épurant le récit initiale des intrigues secondaires et en allégeant le style de ses fioritures et préciosités par trop encombrantes, Madame Leprince de Beaumont rend son histoire d'autant plus pertinente et le message qui constitue son fondement, plus accessible. Dans la lignée des contes plus court et proprement didactiques de Perrault, Madame L.de Beaumont soumet ainsi à ses lecteurs une histoire merveilleuse justement mesurée sur le fond comme sur la forme, poétique, enchanteresse et éducative. La réflexion sur le physique, l'esprit et les apparences, sous couvert des éléments féériques, apparait plus clairement et toujours aussi vivement même après l'écoulement des siècles ; Là ou le texte de Madame de Villeneuve a parfois mal vieilli, celui-ci reste plus que jamais actuel et son charme opère encore.

 Illustrations de Walter Crane (1875)

  La Belle apparait d'autant plus comme une figure féminine avant-gardiste : maîtresse de son destin et autonome, elle est celle qui va consciemment au-devant du danger pour sauver son père et tracer en même temps sa route vers l'âge adulte. A travers elle, le jeune lecteur apprend à découvrir le personnage de la Bête sous un nouveau jour et, inconsciemment, à voir au-delà des apparences. L'universalité de cette morale, alliée aux nombreux symboles chatoyants qui peuplent cette histoire, ont probablement participé à sa pérennité et sa diffusion, nourrissant au passage l'imagination des nombreux artistes qui l'ont mis en images...

Illustrations d'Atrhur Rackham (à gauche, 1915) et d'Edmund Dulac (à droite, 1911).

  En Bref : Avec sa réécriture de Madame de Villeneuve, Madame Leprince de Beaumont a permis la postérité de ce conte enchanteur et merveilleux à plus d'un titre. Grâce à un style mêlant sobriété et qualité, elle a rendu l'histoire de la Belle et la Bête accessible et aussi didactique et éducative que magique. Un conte toujours aussi magnifique aujourd'hui qu'il l'était au XVIIIème.

2 commentaires:

  1. Il faudrait que je relise les deux versions pour pouvoir les comparer. Je ne sais même plus laquelle des deux je lisais lorsque j'étais petite. En tout cas, merci pour ce billet très intéressant et plein d'informations.

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    1. Je pense que c'est la version de Leprince de Beaumont que tu connaissais, car celle de Madame de Villeneuve est quasiment inconnue aujourd'hui et n'est pas restée dans les mémoire, en plus de ne pas être destinée à un public jeune =) Personnellement, je préfère d'ailleurs celle de Madame Leprince de Beaumont, plus accessible et plus poétique, en plus du fait que c'est également celle que je lisais étant petit =D

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