lundi 3 octobre 2016

Les contes macabres - Edgar Allan Poe, illustrations de B.Lacombe

Editions Soleil, collection "métamorphose" (trad. de Charles Baudelaire), 2009, 2010.




  Les célèbres nouvelles d'Edgar Allan Poe ont revêtu au fil des ans bien des noms et des aspects.
En 2009, à l'occasion du bi-centenaire de la naissance de l'écrivain, nous vous proposions une
 édition inédite - Les Contes Macabres - recueil de six histoires magnifiquement illustrées et mises en lumière par Benjamin Lacombe.




***


  Pour le premier rendez-vous sous le sceau du "Chat noir", j'ai jeté mon dévolu sur ce recueil d'Edgar Poe, comprenant sa célèbre nouvelle du même titre, ainsi que quelques autres. C'était l'occasion ou jamais de donner mon avis sur cet ouvrage que je possède depuis maintenant plusieurs années et que je n'avais jamais eu l'occasion de commenter. Ce très beau livre objet (couverture en dur, aspect mat à motifs vernis, tranche toilée) reprend des nouvelles extraites des Contes du grotesque et de l'arabesque ou encore de ses Histoires extraordinaires, toutes traduites par son adorateur français et non moins célèbre C.Baudelaire.


  Du Chat Noir à la terrifiante Chute de la maison Usher, en passant par le mélancolique Portrait oval (un de mes favoris, et ceux qui me connaissent un peu sauront pourquoi : il y est question d'un énigmatique portrait maudit, un thème qui m'est toujours aussi cher), on redécouvre les codes propre à la nouvelle fantastique. Une situation initiale souvent triste ou mélancolique, mais plutôt ordinaire, puis arrive un élément perturbateur étrange, inexpliqué, qui sème le doute dans l'esprit du lecteur comme des personnages. Alors, l'angoisse enfle, la peur grandit et l'on étouffe presque de cette atmosphère anxiogène qui nous fait battre le cœur jusqu'à la chute de l'histoire, qui tombe souvent comme un couperet. 


  D'autres éléments récurrents nous évoquent plus particulièrement le style de Poe lui-même, aussi figure du romantisme américain. Car conteur maudit par excellence, il n'était pas seulement auteur horrifique à sensation et ses récits témoignent d'un véritable style, une rigueur unique à cet esthète torturé. Une patte que l'on retrouve tout particulièrement dans la mise en mouvement de ses figure féminines, "toutes lumineuses et malades, mourant de maux bizarres (...) ; leurs aspirations étranges, leur savoir, leur mélancolie inguérissables" comme le dit si bien Baudelaire. Autant de traces et de correspondances laissées par l'histoire personnelle de Poe ou ses amours funèbres, sa vie sentimentale marquée de pertes macabres.
  

  Si j'avais par le passé eu l'occasion de lire des récits d'Edgar Poe dans une édition poche classique, la réappropriation de son univers par Benjamin Lacombe justifiait amplement la relecture. Lors de la parution de cet ouvrage, B.Lacombe montait lentement dans la célébrité et ce livre était le premier d'une longue série de mises en images d’œuvres classiques (viendront ensuite Alice au Pays des Merveilles, Notre Dame de Paris, etc...). Il m'arrive encore de regretter cette époque où l'artiste n'était connu que de quelques admirateurs bizarres qui se refilaient ses livres ou le recommandaient comme quelque chose de rare, secret et précieux... aujourd'hui mondialement connu, l'illustrateur (presque trop) célèbre, était à l'évidence l'homme de la situation pour une version graphique de ces contes.




   On constatera qu'il avait cerné toute la mélancolie et l'effroi de son œuvre : visages candides dans des écrins délicieusement lugubres de finesse, mises en scènes aussi délicates que la porcelaine en habits de deuil, ombres effrayantes et silhouettes graciles... le tout fascine, fait rêver et frissonner à la fois. La mise en page fait la part belle aux différentes techniques de B. Lacombe : alternant les pages en couleurs avec des enluminures ou quarts de page à l'encre façon gravure, il nous subjuguent avec ses vrais/faux daguerréotypes, mélanges bizarres de photographies sépia et de dessin où l'on reconnait unanimement son coup de crayon.


  Vous aurez donc compris : Benjamin Lacombe est idéal pour passer un bon Halloween. Par ailleurs, si l'on compare souvent son style à Tim Burton (comparaison pas toujours dénuée de sens mais tout de même un peu facile...), je le trouve ici plus proche de l'esthétique de Guillermo del Toro : un macabre lourd, un baroque chargé, magnifique mais étouffant, un univers tout en ombres fait de dentelles noires et de couleurs criardes...

 Un coup de crayon très "Guillermo"...

En bref: Redécouvrir le Chat Noir et les autres contes de Poe ne saurait se faire sans cette version illustrée par le talentueux B.Lacombe. Jamais un illustrateur n'aura aussi bien cerné les codes de l'auteur avec autant de cachet.

13 commentaires:

  1. Un beau travail d'illustrateur !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis d' accord :) quel que soit le thème qu' il met en image, B.Lacombe le transforme en or à chaque fois, c' en est presque rageant, tant de talent :P

      Supprimer
  2. Quel bel ouvrage, joliment illustré ! J'ai découvert Poe avec la LC du jour ; je compte bien poursuivre l'aventure avec lui ! Je note ce titre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, ce recueil propose une façon originale et toute en ambiance de (re)découvrir Poe. Je te le recommande vivement! ;)

      Supprimer
  3. Quelle jolie réédition! Je n'ai encore tout lu d'Edgar Allan Poe mais ton billet donne très envie :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette édition ne propose que six récits, et on est presque frustré de ne pouvoir se régaler d' autres histoires si joliment illustrées. Mais c' est un très bel objet qu' on se plait à avoir dans sa bibli :)

      Supprimer
  4. J'aime quand on me parle des illustrateurs ! Merci. Je lui trouve une ressemblance avec les couvertures de Millenium... C'est très joli et bien dans le style d'E.A.Poe.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Exact, je n' avais pas fait le rapprochement avec les couv' de Millenium. En même temps, la couverture du premier est une representation de Mercredi de la Famille Addams... On est pas loin du style gothique horrifique :)

      Supprimer
  5. J'aime beaucoup ce recueil illustré par Benjamin Lacombe. Il se trouve bien au chaud dans ma bibliothèque.
    De temps en temps, j'apprécie de relire "La Chute de la maison Usher", je crois que c'est ma nouvelle préférée d'Edgar Poe; ça m'est arrivé d'en lire des passages à voix haute, appréciant encore plus le style de l'auteur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, j' aime beaucoup cette nouvelle également! C' est aussi l' une de mes favorites. Elle a été adaptées de nombreuses fois au cinéma, je me demande de quelle façon d' ailleurs, sachant qu'il est parfois complexe de transposer une nouvelle au format de long-métrage...

      Supprimer
  6. Il est vrai que ces illustrations sont incroyables. *-*

    RépondreSupprimer
  7. Ce genre d'album, c'est le MAL absolu!

    RépondreSupprimer
  8. Un jour, je le lirai, je me le promets !

    RépondreSupprimer