mercredi 26 octobre 2016

Les enfants fichus - Edward Gorey

The Gashlycrumb Tinies, Peter Weed books, 1963 - Editions Alto, 2011 - Editions le Tripode, 2014.

 Traduit pour la première fois en français depuis sa parution en 1963, Les Enfants Fichus (The Gashlycrumb Tinies) occupe une place emblématique dans l’œuvre d’Edward Gorey, dessinateur admiré de par le monde mais dont le travail demeure encore injustement méconnu du lectorat francophone. Objet d’un véritable culte dans le monde anglo-saxon, cet ouvrage inclassable est certainement celui qui représente le mieux l’esprit délicieusement tordu de Gorey. Une courte biographie de l’auteur est également incluse à la fin du volume pour découvrir plus en détail ce créateur iconoclaste dont on s’arrache désormais les publications chez les collectionneurs. L’influence de Gorey est manifeste dans les œuvres de nombreux écrivains et dessinateurs ainsi que dans l’univers du réalisateur Tim Burton (L’étrange Noël de Monsieur Jack, Les noces funèbres), qui lui a rendu hommage avec La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires.

Un « abécédaire terrible » drôle et irrévérencieux qui régalera les curieux, les amateurs de belles images et de fins tragiques.

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  Edward Gorey (1925-2000), est un artiste américain assez peu connu de ce côté-ci de l'Atlantique, et que le public français commence seulement à découvrir. C'est d'autant plus surprenant car son style a inspiré de nombreux artistes d'aujourd'hui, dont Burton qui le cite dans ses influences majeures. Illustrateur de nombreux livres, il s'est notamment fait connaître grâce à son générique animé du programme télévisé britannique Mystery!, qui introduisait depuis les années 80 les séries comme Les aventures de Sherlock Holmes (Avec J.Brett), les Hercule Poirot (avec Suchet, évidemment!), ou encore des téléfilms comme le Rebecca de la BBC ou le récent Death comes to Pemberley adapté de P.D.James. 

L'un des génériques d'E.Gorey pour Mystery!, avec la voix off de Vincent Price, évidemment!

  Si l'atmosphère de cet intro est très "polarisante", l'univers personnel d'E.Gorey se situait davantage dans une veine mêlant macabre et fantaisie, le tout dans un style visuel aux accents naïfs mais tout en finesse, ciselé à l'encre de chine et à la plume. Lorsqu'il n'illustre pas pour le compte d'autres auteurs, ses propres créations mettent le plus souvent en scène des personnages d'allure distinguée qui se livrent à des occupations énigmatiques, et qui nous laissent souvent présager une issue funèbre. A part quelques images très théâtrale, la plupart des dessins de Gorey restent dans la suggestion, ce qui est donc encore plus savoureux. L'écart entre son graphisme et l'histoire cocasse que laisse deviner chaque scène tend alors vers un humour que je qualifierai de "méchamment gentil"!


  Dans ce court album traduit seulement quarante ans après sa publication originale, Edward Gorey nous propose un court et poétique abécédaire que n'aurait pas renié Tim Burton : de A jusqu'à Z, tout en vers rimés, il nous raconte les tristes (bon, d'accord, parfois presque drôles) fins de 26 enfants malchanceux. Si certains périssent de façon sommes toutes banales ( à l'image de la petite Amy qui chute dans l'escalier, ou de Ida qui finit noyée), d'autres évoquent les décès spectaculaires et capillotractés de Pushing Daisies ou Six Feet Under ( à l'exemple de Lou, qui a avalé une punaise, ou d'Olive qui passe sous une fenêtre au moment où le locataire jette un tournevis -ouïe!- ).

 

  Derrière ces situations qui débordent d'un humour gentiment caustique, on pense à celui, très noir, des Orphelins Baudelaire de Lemony Snicket, et on y projette les destins funestes et vengeurs de nos anciens ennemis de cours de récréation (Niark niark, allez, avouez, vous aussi vous vous faisiez des petits scénarii macabres à l'époque!). En tout cas, qu'il soit objet de catharsis élégante ou simple curiosité livresque, cet ouvrage est un bijou de noirceur et de finesse.



En bref : Un abécédaire morbide et mordant à la fois, débordant d'humour délicieusement noir, le tout servi dans un graphisme minutieux. Les fans de Burton et de Charles Addams seront conquis. 


6 commentaires:

  1. Rolala, ça me tente drôlement ! J'aime ce genre d'univers et tu m'as dit beaucoup de bien de ce Monsieur. Je n'imaginais pas les Orphelins Baudelaire aussi sombres. Ca me tente encore plus du coup !

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    1. Oh si je pense que tu aimerais : Caustique et flegmatique, avec une narration délicieusement aristocratique et décalée, qui raconte des catastrophes hyper théâtrales à n' en plus finir, façon pastiche de roman feuilleton ;)

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  2. Ah tiens, j'ai un recueil de ghost stories illustré par Gorey, que je n'ai toujours pas lu. J'aime paaaaaaaaaaas lire en Anglais!!!

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    1. Ah oui, son style se prête bien aux histoires de fantômes. :) ooops, tu n' aimes pas lire en anglais? Et moi qui t' ai envoyé des bouquins en VO :-S ou au moins un, non? Celui sur la méchante reine... Tu as réussi à le finir, d' ailleurs? ^_^

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  3. Merci pour ce billet érudit. Je connais cet illustrateur grâce à Tim Burton et son fameux Vincent.Cet album est superbe !

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  4. Je ne connais pas du tout mais je vais aller me renseigner ^^

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